L’Envol au cinéma
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Lien Social avait présenté (1), en 2013, la troupe de théâtre de l’Envol qu’anime, depuis 1988, l’équipe éducative du Centre Habitat des Hautes Roches de Fontenay le Comte dépendant de l’ADAPEI de Vendée.
Deux réalisateurs, Elody Faria et Rémy Ratinska, ont décidé de suivre pendant trois ans cette troupe peu ordinaire. Ils ont couvert la préparation de la pièce « La Clarté et autres bilogues », d’après un texte de Jean-Michel Ribes, jusqu’à sa représentation. « Rien n’était programmé à l’avance. Nous sommes venus les voir régulièrement sur plusieurs séances de répétition. Visite après visite, les rushs se sont accumulés et nous nous sommes rendus compte que nous avions de quoi faire un long métrage. La magie de la rencontre a opéré. » Leur documentaire sort le 4 novembre 2015. Directions d’acteur, interviews des comédiens, images de l’installation du décor, de répétitions ou d’échanges spontanés, extraits de spectacle… ces moments de vie pris sur le vif constituent un témoignage unique d’une aventure peu commune. Les éducateurs qui les accompagnent font corps avec eux : il y a une vraie osmose. Mais, pour une fois ce n’est pas eux qui ont la parole. Ce sont les onze acteurs qui témoignent de la genèse du spectacle, avec spontanéité et authenticité. Pas de commentaires off, ni d’explications. Juste la vérité d’une image qui perd très vite sa couleur, pour ne plus apparaître qu’en noir et blanc, offrant des contrastes saisissants et une luminosité envoûtante. Présenter ainsi sur scène des personnalités à ce point atypiques peut, tour à tour, déranger ou enthousiasmer, gêner ou rassurer, déstabiliser ou convaincre. Le souci de Jean-Marc Fillon, qui dirige cette troupe, a toujours été de préserver la dignité de ses interprètes, tout en faisant le pari de leur exposition : « notre objectif est de surprendre les spectateurs, d’être là où on ne nous attend pas, de montrer que oui, c’est possible, de prendre et de donner du plaisir » explique-t-il. Recette du succès : la bienveillance d’abord et l’exigence ensuite. La complicité et la connivence crèvent l’écran. Mais, il n’y a aucune place pour l’apitoiement, la condescendance ou la commisération. Tout au contraire, les textes sont répétés inlassablement, avec patience et détermination, malgré leur complexité. Certaines prises de vue insistent sur des visages, des corps ou des postures parfois marqués par le handicap. Les difficultés d’élocution n’ont pas été coupées au montage. La différence s’affiche, l’altérité se banalise, le handicap se montre. La caméra ne zoome pas sur la performance, la beauté plastique ou l’élégance, mais sur l’humanité, la reconnaissance d’autrui et le vivre ensemble. Le spectateur glisse insensiblement : surpris par l’effet potentiel de stigmatisation, il bascule sans même s’en apercevoir vers la tendresse, l’empathie et l’attachement. Présent dans plusieurs festivals, le film a obtenu le prix de la première œuvre à celui de L’Acharnière, à Lille, en présence de l’équipe du film. La programmation des séances est proposée sur le site qui lui est dédiée (http://laclartelefilm.com).
(1) Lire le reportage Théatre "L'Envol" (85)
Lire l'interview Fillon Jean-Marc - Théatre "L'Envol"
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1172 ■ 29/10/2015