Les termes du débat - Bienvenue aux plus précaires !

Le 3 mars 2021, le courrier des lecteurs de Ouest France publiait mon courrier sur une information qui m’avait particulièrement révolté : la mobilisation d’une partie de la population d’un gros bourg contre l’ouverture d’un centre de réinsertion pour détenus en fin de peine.

Le 11 mars, le collectif des riverains de Ker Madeleine donnait sa réponse par le même biais.

L’élégance et la finesse de son propos m’a convaincu de le placer à la suite de mon propre billet. Bien sûr, nos arguments ne portent pas sur le même thème. Mon courrier évoquait la crainte de l'insécurité exprimée par ce collectif et celui de ce dernier le manque de transparence. Nous ne polémiquions donc pas sur la même question.

Mais, peu importe, en ces temps où l'invective remplace trop souvent le débat, je me félicite de cet échange râpeux, mais respectueux ait pu avoir lieu. Et puis, comment résister à ce trait d’humour qui utilise l’un des arguments de mon site "garder son esprit critique" pour m’apporter la contradiction ? Les positionnements étant clairement opposés, il revient à chacun(e) d’avoir à se faire son opinion.

 

Bienvenue aux plus précaires !
Saint Gildas des bois est une commune de près de 3 800 habitants située dans le nord de la Loire Atlantique. Mais, ce n’est ni son Abbaye du 12ème siècle, ni son magnifique château qui lui auront valu son quart d’heure de célébrité, à la Andy Wharol. Sa gloire mal placée provient de la manifestation de deux cents citoyens modèles déployée dans les rues du bourg, l’après-midi du samedi 20 février. Qu’est-ce donc qui a mobilisé l’indignation de cette partis de sa population ? Le sort des étudiants dépérissant à petits feux, pendant que leur ministre lance sa croisade contre l’islamo-gauchisme ? Ces dizaines de jeunes mineurs isolés menacés de reconduite à la frontière, alors qu’ils excellent dans la profession apprise auprès de maîtres d’apprentissage ayant tant de mal, par ailleurs, à recruter dans leur corporation ? Ces associations caritatives submergées par des familles dont la précarité explose ? Non, ce qui les a poussés dans la rue, c’est l’arrivée prochaine de dix détenus, en placement extérieur, dans une ferme située à une demi-heure à pied du bourg où ils pratiqueront du maraichage et de l’élevage. Voilà, pour les huit enfants placés en tête de cortège à tenir la banderole, une leçon d’instruction civique particulièrement édifiante. Comme leurs prédécesseurs parisiens qui refusèrent, en 2016, la création d’une salle de consommation à moindre risque pour toxicomanes ou, la même année, ceux de Saint Brévin terrorisés par l’arrivée de soixante-dix migrants, ils sont pris de la même panique. Que peut-on imaginer ? Les nouveaux venus allaient violer nos femmes et nos enfants, transformer le territoire en plaque tournante de la drogue, faire exploser la délinquance, que sais-je encore ? Et puis rien de tout cela n’est survenu. On retrouve bien là le réflexe « not in my garden ». Pourtant, certains de ces manifestants (tous, j’en doute) sont favorables à la prévention de la toxicomanie, à l’hébergement de ces populations vivant sous des tentes en plein centre-ville et à la réinsertion des détenus en fin de peine. Du moins, ils le seraient si leurs proches étaient concernés. Mais, pour ce qui est de l’aide pouvant leur être apportée, ils en veulent bien … mais loin de chez eux ! Qu’ils aillent donc dans les communes voisines. Voilà un bel exemple de citoyenneté, de tolérance et de solidarité donnée par tous ces braves gens. Une dernière précision : si une maison se libérait en face de chez moi, ce serait un honneur pour moi qu’y soient accueillis des migrants à la fois toxicomanes et sortants de prison ! Mais, chacun est libre de sa conception de cette humanité que nous partageons, pourtant toutes et tous. Ce n’est pas la mienne et je leur laisse volontiers la leur !

Jacques Trémintin – Site de LIEN SOCIAL ■ 25/02/2021

 

Cher Mr Trémintin,

La motivation des 200 citoyens qui ont manifesté, le 20 février, est la même que celle des 1 000 personnes qui ont signé la pétition contre le centre de réinsertion prévu à Ker Madeleine, à Saint-Gildas-des-Bois (Loire-Atlantique) : à savoir, le besoin de sécurité, de transparence et simplement de réponses claires.
Il est question de détenus qui sont en fin de longues peines, en liberté sur les 40 hectares de la ferme, sans bracelet électronique, sans mur, sans clôture, et surtout sans surveillance.
Contrairement à certains, nous ne donnons pas de leçon de civisme. Ce projet pose question puisque le Département se refuse, pour l’instant, à nous fournir les délibérations sur le sujet.
Il n’y a pas de transparence, non plus, du côté de l’association Sources d’Envol qui refuse, elle aussi, de nous fournir certains documents afin de mieux comprendre le fonctionnement de la ferme.
Comprenez donc que ce manque de transparence entraîne, encore une fois de façon légitime, une méfiance au regard de toutes ces inconnues.
Pas négligeable non plus, la somme votée par le Département pour acheter le foncier de la ferme de Ker Madeleine.
Et que dire des frais de fonctionnement de ladite ferme avec encore et toujours de l’argent public, dont d’autres associations auraient aussi bien besoin. Cela, sans aucune enquête publique !
Est-il acceptable de payer pour notre insécurité ? Tout cela pour désengorger les prisons.
Nous rappelons que notre mouvement n’est pas contre la réinsertion, mais que les conditions proposées ne sont pas rassurantes pour les riverains. Un projet se doit d’être transparent et soucieux de la sécurité des citoyens.
Voici de multiples exemples de nos revendications, qui montrent que votre courrier manque singulièrement d’objectivité.
En effet, il faut « savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d’emblée comme vrai ».
Comment se positionne-t-on si notre esprit critique se heurte à une vague d’ignorance et d’absence de réponses ?
Vous auriez pu vous informer directement auprès de notre collectif des raisons de notre action. Cela vous aurait évité de les inventer.