Dépasser les perturbations

Dans leur quotidien professionnel, les assistantes de service sociale doivent faire face à toutes les détresses liées à la précarité du marché du travail, à la fragilité des ressources, aux dettes que l’on ne peut honorer, aux dépenses inattendues, aux difficultés à faire valoir ses droits, aux ruptures du versement des aides sociales, à l’imbroglio administratif pour les solliciter, au manque de logements sociaux, aux ruptures conjugales, aux problèmes familiaux … Autant d’épreuves qu’elles accompagnent aux côtés des usagers, pour leur permettre d’y faire face. Jusque-là, elles s’appuyaient sur l’observation de leurs réactions. Les indices fournis par la communication non-verbale leur permettaient de décoder leur état d’esprit, de mesurer leur degré de disponibilité, d’évaluer leur capacité de mobilisation : moues, mimiques, tressaillement du visage, mouvement des lèvres, ton de la voix étant autant d’indicateurs les guidant. Dorénavant, non seulement la crise sanitaire se double d’une amplification de la crise sociale, la plupart des problématiques des usagers s’en trouvant aggravée. Mais le riche savoir-faire et savoir-être déployés depuis toujours se heurtent à un obstacle inattendu. Le port du masque et l’usage immodéré du téléphone perturbent des interactions rendues bien plus complexes à décoder. Sur le pont pour assurer leur mission, leur travail est confronté à d’improbables efforts de compensation et d’adaptation partagés par toutes les professions de relation d’aide.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1297 ■ 08/06/2021