Les risques du métier
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dans Billets d'humeur
Chaque année, cinquante enfants de moins de 13 ans meurent de noyade. On imagine le drame vécu par des parents se reprochant d’avoir failli à cette prudence qui aurait dû (pu ?) éviter l’accident. La justice ne les traine pas pour autant devant les tribunaux, estimant sans doute que la culpabilité qu’ils ressentent va les poursuivre le reste de leur existence. Le 27 juillet, un éducateur assurait une baignade avec un groupe de six enfants. L’un d’entre eux, échappant à sa surveillance, se noya. Tout un chacun ne peut qu’être atterré par cet accident mortel qui a frappé un enfant de 6 ans. Tout professionnel de l’enfance ne peut que l’être encore plus. Ses responsabilités sont lourdes. Et il doit rendre des comptes, quand une faute est susceptible de lui être imputée. Mais, l’on peut tout aussi légitimement s’interroger sur ce « deux poids, deux mesures ». Pourquoi un parent vivant une telle tragédie fait l’objet, à juste raison, de compassion, alors que cet éducateur est non seulement suspendu de ses fonctions (comme s’il avait noyé délibérément l’enfant), aussi placé sous contrôle judiciaire (on a peur qu’il s’échappe ?), mais a été mis en examen pour homicide involontaire avec violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, encourant de 3 à 5 ans de prison et 75.000 € d’amende. Le parquet lui reproche une baignade sur un étang où elle n’était pas autorisée (mais rempli de baigneurs) et l’absence d’un diplôme de surveillant de baignade. Le respect de cette règlementation jeunesse et sport dont l’extension aux professionnels de la protection de l’enfance reste à vérifier, aurait-elle évité que cet enfant échappe quelques minutes à la vigilance de l’éducateur ? Pensons à cette petite vie perdue et au malheur de sa famille, mais aussi à l’épreuve vécue par cet éducateur. Constatons qu’il est moins risqué aujourd’hui, pour un policer d’étouffer un citoyen avec son genou que pour un éducateur d’emmener un groupe de mômes se baigner.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1279 ■ 14/09/2020