Souriez et chantez… sinon, gare !

Avant que la police ne s’illustre une fois de plus avec ses exploits contre les sans- papiers le 23 novembre, un témoignage ahurissant signé Bob était publié sur le blog Médiapart de « Mouais, le journal dubitatif ». Cet éducateur spécialisé y fait un récit effarant. Se rendant en voiture devant un collège pour venir chercher un élève, il découvre six CRS gardant l’établissement, l’un d’entre eux arborant un fusil mitrailleur. Il ne peut s’empêcher de s’exclamer : « Ça me glace le sang ces armes devant une école ». Il n’en faut pas plus pour qu’il subisse un contrôle d’identité et une fouille. Cette intimidation ne suffisant pas, les CRS l’informent qu’il va devoir les suivre à la caserne. Le professionnel explique qu’il ne peut laisser l’enfant autiste dans sa voiture, d’autant que ce dernier commence à paniquer. Qu’à cela ne tienne, il va être embarqué, lui aussi ! L’éducateur a alors le réflexe de s’enfermer dans son véhicule pour attendre son chef de service qu’il vient de contacter. Quand ce dernier prend le relai, voilà notre dangereux suspect emmené pour une garde-à-vue. Le motif ? Outrage ! Il aurait insulté les agents de la force publique en les traitant de « fascistes » … Il sera finalement remis en liberté, n’écopant que d’un « rappel à la loi ». Si un professionnel a été ainsi traité avec un tel arbitraire, doublé d’un mensonge quant au supposé délit qu’il aurait commis, pensons à ce que vivent les mômes qui subissent en permanence une telle arrogance et toute-puissance ! Non seulement, ils endurent la morgue, les insultes et la violence de certains de ces policiers d’autant plus enhardis qu’ils convaincus de leur impunité, mais en plus ils se retrouvent sanctionnés par une justice qui croie sur parole leurs accusateurs. Une fois de plus, la police a été salie. Mais au lieu de lutter contre de telles dérives, les autorités détournent les yeux.

Et c’est cette réalité que Sarah El Haïry, secrétaire d’État à la jeunesse et à l’engagement, n’a pas voulu écouter alors qu’elle rencontrait centre-trente jeunes à Poitiers le 22 octobre dernier à Poitiers. N’entendant pas les dénonciations de discriminations et de violences policières qui lui étaient renvoyées, elle s’était alors totalement ridiculisée en entonnant seule la Marseillaise ! Si elle n’a pas pu placer en garde-à-vue ses jeunes interlocuteurs qui la contredisaient, elle a mandaté une inspection Générale contre la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France à l’initiative de ce débat. On ne peut que mesurer le gouffre qui sépare ce type de personnel politique de la vraie vie et des préoccupations d’une partie de la jeunesse. En 1953, Bertold Brecht protestant contre la répression des révoltes ouvrières de l’Allemagne de l’ouest, avait alors proposé dans un poème : « ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? ». Dissolvons donc cette jeunesse qui ne se rallie pas aux refrains patriotiques et aux discours dominants et engendrons donc celle qui se drapera dans le drapeau bleu-blanc-rouge et fera l’éloge du gouvernement !

Quelles leçons retirer de ces deux épisodes pathétiques ? Pour éviter une garde-à-vue, il faut surtout applaudir les CRS en armes, quand vous les croisez. Quant aux futurs débats avec Madame Sarah El Haïry, n’oubliez pas d’apprendre aux jeunes participants l’hymne national. Vous éviterez ainsi une inspection !

Publié sur le site de Lien Social le 18 novembre

https://blogs.mediapart.fr/mouais-le-journal-dubitatif/blog/061120/une-journee-particuliere