Vivement 18 ans ?
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dans Billets d'humeur
« Tu as 18 ans, mon enfant. Te voilà adulte. Mais tu sais que l’accès à la majorité comporte des droits, mais aussi des obligations. Nous allons donc signer un contrat que chacune des parties devra respecter. De notre côté, nous continuerons à te nourrir, à te loger, à financer tes études, à t’accorder un peu d’argent pour te vêtir et pour tes loisirs. Nous te conseillerons et t’accompagnerons dans le début de ton âge adulte. De ton côté, il te faudra respecter les règles de vie, te responsabiliser et t’autonomiser. Nous ferons le point tous les six mois. Si tu ne remplis pas les objectifs que nous nous serons donnés d’un commun accord, la reconduction du contrat qui nous lie sera remis en cause. Nous serons alors contraints de nous séparer. Tu reprendras ta liberté et nous la nôtre. »
Un tel discours tenu par des parents à leur enfant horrifierait n’importe qui en serait témoin. Outre leur cruauté, brutalité et abjection, de tels propos seraient illégaux, puisque les ascendants et descendants sont tenus à une solidarité réciproque au nom de l’obligation alimentaire. C’est pourtant celui de la protection de l’enfance. S’il est des Conseils départementaux qui mettent un terme à leur prise en charge à l’issue de la minorité légale, bien d’autres maintiennent le Contrat jeune majeur prolongeant l’accompagnement jusqu’à 21 ans … mais, sous conditions, comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de l’impétrant. Bien sûr, certains jeunes fuient rapidement l’atmosphère de leur placement trop étouffante à leur goût. D’autres restent, mais mettent en grande difficulté le lieu qui les accueille. D’autres encore finissent leur parcours en toute sérénité. Le fonctionnement de l’ASE, après 18 ans, se résume à une triple peine : impossibilité de vivre dans sa famille d’origine, de bénéficier de cette insouciance, désinvolture et nonchalance pourtant propres à cet âge et d’avoir la garantie de ne pas être abandonné. Indigne, choquant et révoltant.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1324 ■ 04/10/2022