Emotion à géométrie variable

Cette rentrée 2023 nous a réservé ce que notre humanité peut produire de pire.
 
Le 10 septembre, des inondations catastrophiques provoquent en Lybie la mort de plus de 10 000 personnes. Est-ce faire preuve d’islamophobie que de le constater : ces migrants qui sont enfermés dans ce pays sont deux fois plus nombreux que les victimes libyennes. Vivant dans des conditions sordides, nombre d’entre eux sont battus, violés et/ou vendus sur des marchés d’esclaves ?

Le 24 septembre, 100 000 civils arméniens fuient Haut-Karabakh chassés par l’Azerbaïdjan. Est-ce se montrer complice des génocidaires turcs de 1915 que de le rappeler aussi : entre 1987 et 1994, ce sont près d'un million d'Azerbaïdjanais qui ont été chassés des territoires par une Arménie alors victorieuse ?

Le 7 octobre, un ignoble massacre terroriste est perpétré en Israël provoquant 1200 morts, constitués pour l’essentiel de civils, jeunes hommes, femmes, enfants. Est-ce faire preuve d’antisémitisme que de le remarquer aussi : la politique colonialiste et d’apartheid israélienne menée contre le peuple palestinien est responsable de crimes de guerre israéliens à répétition ?

Les autorités politiques occidentales qui s’émeuvent à juste raison face aux ravages dus au délitement étatique en Lybie, à la guerre au Haut-Karabakh et au terrorisme en Israël semblent bien sélectives, distinguant les bons morts de ceux qu’elles semblent préférer ignorer. Or, une vie perdue, maltraitée ou chassée a la même valeur, quelles que soient sa nationalité, sa religion ou la couleur de sa peau.

Comment en finir avec ces deux poids deux mesures ? En adoptant trois postures : condamner tout crime d’où qu’il vienne, en ne cherchant pas à le justifier ; combattre les fanatiques de la cause que l’on défend ; prendre en considération avec la même compassion les victimes de tous les camps en présence.

L’épuration ethnique subie entre 1987 et 1994 doit tout autant être réprouvée que celle qui se vit en 2023.

Les habitants noyés par la vague meurtrière doivent tout autant nous affliger que ces migrants violentés dans le voisinage des victimes actuelles et ces 27 000 migrants que l’Europe a laissés mourir en Méditerranée depuis 2014.

Les populations israéliennes massacrées doivent nous révolter autant que les populations palestiniennes décimées par l’armée de ce pays.

La barbarie, la guerre et la xénophobie sont malheureusement ce qu’il y a de plus partagé dans les sociétés humaines. Mais, heureusement, l’humanisme, la fraternité et la solidarité y sont tout autant présents. Combattons sans relâche les premières et faisons vivre sans faiblesse les secondes. Si nous avons un camp à choisir, c’est celui de la défense des droits humains, quel que soit l’endroit où ils sont bafoués et qui que ce soit qui les viole.