Sémantique, quand tu nous tiens !
-
dans Billets d'humeur
Chaque catégorie humaine se voit fréquemment affublée d’une dénomination qui permet de la distinguer. Mais si elle peut effectivement en souligner les spécificités, elle peut tout autant la stigmatiser.
Passons en revue quelques qualificatifs attribués aux personnes différentes que les travail-leurs sociaux côtoient ?
Doit-on parler qu’elles sont « handicapées » ou « porteuses de handicap » ? Une solution a été trouvée : l’expression « autrement capables ». Inaptes à déployer les compétences attendues chez les « neurotypiques », elles s’adaptent à leur manière au monde qui les entoure.
En protection de l’enfance, se succédèrent les termes : orphelins, enfants moralement abandonnés, assistés, trouvés, pupilles difficiles ou vicieux, bâtards … « Enfants de la DDASS ? Quel drôle de nom ! Pourquoi pas farfadets ou tartempions ? » s’exclamait en 2009 l’anthro-pologue Serge Escots, paraphrasant Jacques Prévert.
Avant d’utiliser la notion de déficience psychique, la psychiatrie désigna ses patients comme des aliénés, des idiots, des arriérés, des crétins, des dégénérés, des débiles, des faibles d’esprit, des insensés … autant de qualificatifs adoptés par le registre de l’insulte.
Il y a aussi eu cette polémique autour du public concerné par l’action sociale. Il y eût ces « clients » des assistantes sociales d’après-guerre, terme bien vite abandonné face à la montée d’une marchandisation menaçant le travail social. Bien sûr, « cas soc » fut rejeté rejeté pour son mépris et ce qu’il a pu véhiculer de résignation passive et d’assistanat. L’« usager » fut tout autant banni pour sa proximité phonétique avec le participe passé « usagé » fortement dépréciateur (= usé, épuisé, décati ?). Alors que ce terme évoque l’usage du service public qu’est avant tout le service médico-socio-éducatif.
Voilà qu’aujourd’hui qu’un distinguo s’impose entre transsexualité et transidentité : le premier renverrait à une maladie, quand le second réintègrerait la vaste variété de la diversité humaine.
A qui le tour ?
Certes, pour reprendre la fameuse citation de Camus : « mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». Mais, encore faut-il se mettre d’accord sur la « bonne » dénomination, les polémiques incessantes ne permettant pas au final de se mettre d’accord Bien sûr, le choix du vocabulaire peut être symptomatique d’un mépris ou d’une souillure. ! Mais, l’euphémisation a aussi ses limites qui peuvent tourner au ridicule. A l’image de la Belgique qui, au lieu de dire « jeunes délinquants » parle de « mineurs ayant commis des faits qualifiés infraction ».
Effectivement, il faut entendre ce que nous disent les personnes différentes qui se voient affublées par une terminologie qu’elle ne maitrisent pas et respecter leur effort d’en reprendre le contrôle. Mais beaux parmi elles revendiquent à la fois la commune humanité que nous partageons avec elles et leur diversité. Et banaliser le vocabulaire les concernant favorise notre identification commune, mais nie leur spécificité. Utiliser une terminologie particulière peut tout autant les flétrir que reconnaître leur altérité.
Au final, croit-on vraiment que changer de lexique suffira à promouvoir le respect qui est dû à chacun(e) ? Bien des mots peuvent véhiculer tolérance ou rejet, bienveillance ou méchanceté, humour ou humiliation. Tout dépend du ton, du contexte et de l’intentionnalité. Le plus souvent, les destinataires ne s’y trompent pas. D’autant qu’il y a parfois retournement du stigmate, la spécificité induisant un jugement négatif étant revendiquée comme élément d’identité et objet de fierté.
Passons en revue quelques qualificatifs attribués aux personnes différentes que les travail-leurs sociaux côtoient ?
Doit-on parler qu’elles sont « handicapées » ou « porteuses de handicap » ? Une solution a été trouvée : l’expression « autrement capables ». Inaptes à déployer les compétences attendues chez les « neurotypiques », elles s’adaptent à leur manière au monde qui les entoure.
En protection de l’enfance, se succédèrent les termes : orphelins, enfants moralement abandonnés, assistés, trouvés, pupilles difficiles ou vicieux, bâtards … « Enfants de la DDASS ? Quel drôle de nom ! Pourquoi pas farfadets ou tartempions ? » s’exclamait en 2009 l’anthro-pologue Serge Escots, paraphrasant Jacques Prévert.
Avant d’utiliser la notion de déficience psychique, la psychiatrie désigna ses patients comme des aliénés, des idiots, des arriérés, des crétins, des dégénérés, des débiles, des faibles d’esprit, des insensés … autant de qualificatifs adoptés par le registre de l’insulte.
Il y a aussi eu cette polémique autour du public concerné par l’action sociale. Il y eût ces « clients » des assistantes sociales d’après-guerre, terme bien vite abandonné face à la montée d’une marchandisation menaçant le travail social. Bien sûr, « cas soc » fut rejeté rejeté pour son mépris et ce qu’il a pu véhiculer de résignation passive et d’assistanat. L’« usager » fut tout autant banni pour sa proximité phonétique avec le participe passé « usagé » fortement dépréciateur (= usé, épuisé, décati ?). Alors que ce terme évoque l’usage du service public qu’est avant tout le service médico-socio-éducatif.
Voilà qu’aujourd’hui qu’un distinguo s’impose entre transsexualité et transidentité : le premier renverrait à une maladie, quand le second réintègrerait la vaste variété de la diversité humaine.
A qui le tour ?
Certes, pour reprendre la fameuse citation de Camus : « mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». Mais, encore faut-il se mettre d’accord sur la « bonne » dénomination, les polémiques incessantes ne permettant pas au final de se mettre d’accord Bien sûr, le choix du vocabulaire peut être symptomatique d’un mépris ou d’une souillure. ! Mais, l’euphémisation a aussi ses limites qui peuvent tourner au ridicule. A l’image de la Belgique qui, au lieu de dire « jeunes délinquants » parle de « mineurs ayant commis des faits qualifiés infraction ».
Effectivement, il faut entendre ce que nous disent les personnes différentes qui se voient affublées par une terminologie qu’elle ne maitrisent pas et respecter leur effort d’en reprendre le contrôle. Mais beaux parmi elles revendiquent à la fois la commune humanité que nous partageons avec elles et leur diversité. Et banaliser le vocabulaire les concernant favorise notre identification commune, mais nie leur spécificité. Utiliser une terminologie particulière peut tout autant les flétrir que reconnaître leur altérité.
Au final, croit-on vraiment que changer de lexique suffira à promouvoir le respect qui est dû à chacun(e) ? Bien des mots peuvent véhiculer tolérance ou rejet, bienveillance ou méchanceté, humour ou humiliation. Tout dépend du ton, du contexte et de l’intentionnalité. Le plus souvent, les destinataires ne s’y trompent pas. D’autant qu’il y a parfois retournement du stigmate, la spécificité induisant un jugement négatif étant revendiquée comme élément d’identité et objet de fierté.