L’assistant(e) social(e) scolaire et le voile islamique
-
dans Billets d'humeur
Une loi votée le15 mars 2004 affirme que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».
Même si ce texte législatif peut, à juste raison, être soupçonné de viser initialement les symboles de la religion musulmane, il semble au vieil athée, à l’indécrottable sans-Dieu et à l’éternel mécréant que je suis, tout à fait légitime.
Je ne partage aucune des croyances spirituelles existantes, les considérant toutes comme autant de superstitions. Je reste particulièrement hostile aux institutions religieuses qui n’ont cessé dans l’histoire de se ranger du côté des dominants, des oppresseurs et des tyrans. Ce qui ne m’empêche aucunement de ressentir le plus profond respect pour les personnes dotées d’une quelconque foi.
La seule limite à ma tolérance, c’est le rejet de ce qui ne pense pas comme soi. La persécution des incroyants m’est aussi insupportable que la chasse aux religions sous le régime soviétique. Que chacun(e) d’entre nous bénéficie de la liberté de croire en quelque divinité que ce soit ou de ne pas croire … et qu’il fiche la paix aux autres : telle est ma devise !
Aussi, je préfère que l’expression des différents cultes se fasse discrète. Je ne me vois pas porter personnellement un tee-shirt annonçant la bonne parole lancée par Friedrich Nietzsche « Dieu est mort ». Ce, par souci de ne pas choquer ou provoquer les croyants. Je comprends les manifestations extérieures de dévotion. Mais, je les trouve bien trop ostentatoires, à l’image de ces processions catholiques bretonnes défilant dans les rues, derrière des reliques ancestrales. Celle organisée à Perpignan le 19 mars 2023 … pour faire tomber la pluie hésitait entre le burlesque et le pathétique. Mais, après tout, ses participants ne faisaient de mal à personne (sauf peut-être à leur image).
Bref, cela ne me gêne pas que les croyants pratiquent leur religion et je serais le premier à défendre cette liberté, si elle devait être menacée. Mais, de là à en autoriser l’expression publique à l’école, il y a une limite que je ne souhaite pas voire franchie.
Pourtant, une information m’a profondément choqué : la consigne donnée à nos collègues assistantes de service sociale scolaires d’avoir à interpeller tout élève portant un signe religieux dans l’enceinte d’un établissement, afin qu’il l’enlève. L’argument employé pour justifier cette attitude serait l’appartenance à la même communauté éducative qui imposerait donc les mêmes obligations.
L’article 15 du Code déontologie de l’Association nationale des assistants sociaux affirme pourtant que « l'Assistant de Service Social ne doit pas accepter d'intervenir, ni de fournir des renseignements dans un but de contrôle. » Et c’est bien de contrôle qu’il est question ici. Les règles de notre métier doivent-elles varier en fonction des exigences de nos différents employeurs ? Est-ce la loyauté envers notre institution qui doit primer ou la référence à notre déontologie professionnelle ? La dénonciation, l’inspection et la surveillance font-elles partie dorénavant des nouvelles valeurs de l’assistant(e) de service social ? Poser ces questions, c’est y répondre !
Voilà un paradoxe de plus dans l’exercice de cette fonction : pouvoir, en tant que citoyen(ne), adhérer à une loi, tout en refusant, en tant que professionnel(le) d’avoir à l’appliquer !