A qui appartient l’enfant ?
Sa compagne avait accouché, alors qu’il était incarcéré. Mais, il avait néanmoins reconnu son enfant. Il apprit, bien trop tard, que la mère avait choisi de remettre le bébé en vue d’une adoption. Le Conseil général confie Corentin, le 13 juillet 2013 à 9h00, à un couple candidat. A 11h30, il reçoit un fax de l’avocate du père demandant d’interrompre la procédure. Puis, le silence : plus ne nouvelles du père. Le choix est fait, alors, de ne pas retirer l’enfant, en attendant un nouveau contact du père qui se manifestera en octobre. Par deux fois, la justice a tranché. La première, le 24 avril, dans l’intérêt du père biologique. La seconde en appel, le 25 novembre, au profit des parents adoptants. Terrible imbroglio dans lequel chaque partie argumente avec pertinence. Le père biologique évoque, avec raison, un kidnapping légal. Toute aussi légitime est la famille d’adoption, quand elle plaide le traumatisme que représenterait l’arrachement du bébé à la famille qui le choie depuis seize mois. Chacun brandit l’intérêt de l’enfant à vivre soit avec celui qui l’a conçu, soit avec ceux qui l’accueillent. Et si ce fameux intérêt n’était ni d’un côté, ni de l’autre, mais des deux ? Et si, au lieu d’avoir des adultes s’entredéchirant pour récupérer leur bien, chacun prenait conscience que Corentin a besoin à la fois du lien biologique et du maintien de la relation d’attachement ? Et si, en lieu et place d’un déchaînement d’égoïsme, chaque partie avait déclaré avant même la décision de justice que quelle qu’elle soit, elle permettrait à Corentin de préserver ses relations avec l’autre partie ? Il ne faut pas rêver. Les enfants font, depuis longtemps déjà, les frais de la haine que se vouent leurs proches. Entre parents séparés d’abord. Mais, il n’y avait pas de raison que cela ne se prolonge pas aussi entre parents d’adoption et parents biologiques. Les partisans d’un camp et de l’autre pourront continuer à s’accuser. Le seul perdant sera Corentin.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1153 ■ 11/12/2014