Galéjade

Nos amis lacaniens adorent le double sens des mots. En linguistique, cela s’appelle un homographe. Vous savez « le mousse qui gratte la mousse » sur la coque du bateau. Pour le commun des mortels, c’est l’occasion d’un calembour. Pour certains psychanalystes, c’est une ouverture sur l’inconscient qui se manifeste ainsi. Une lecture d’été m’a fait découvrir l’un de ces jeux de mots, interprété comme une authentique explication d’un comportement problématique. Je me suis amusé à le mêler à trois autres que j’ai totalement inventés. Je fais appel à la sagacité du lecteur pour distinguer les intrus. Monsieur n’arrive jamais à trouver le ton juste dans la chorale qu’il fréquente. Sa cure lui révèle qu’il a failli s’étouffer quand il était enfant, en mangeant un plat à base de thon. Madame utilise toutes les économies de la famille pour acheter des actions de la société du tunnel sous la manche. Suivi en thérapie, elle se remémore qu’enfant elle avait fait l’objet d’une tentative d’enlèvement et n’avait pu s’échapper, qu’en tirant sur la longue manche de son agresseur. Monsieur prend systématiquement des tasses, quand il se baigne. Sa psychanalyse lui révèlera, à lui-même, la déception qu’il avait causée à sa mère, lorsqu’il avait cassé les tasses à café du service en porcelaine hérité de sa grand-mère. Cette adolescente se dispute toujours avec son petit ami, nommé Marc. Son thérapeute l’aidera à faire émerger le souvenir du mauvais tour que lui avait joué son grand frère, quand étant petite, il lui avait fait avaler du marc de café présenté comme du réglisse en poudre. Ces quatre récits peuvent apparaître soit comme des fictions loufoques, soit comme des révélations. Après tout, peu importe que ces scénarios soient tirés par les cheveux ou qu’ils constituent des messages de l’inconscient, qu’ils agissent comme effet placebo ou qu’ils touchent à la vérité du sujet. L’important est, pour que cela fonctionne, que analysant et analysé y croient et soient convaincus.

 

LIEN SOCIAL ■ n°1151 ■ 13/11/2014