Jeux de vilain

« En manipulant sa carabine 22 long rifle, il tue sa sœur » titrait la presse en mai 2013. En France, un tel fait divers tragique ne pourrait se dérouler que chez les chasseurs, catégorie de la population à l’origine d’une cinquantaine de morts, en moyenne, tous les ans. Aux États-unis, cela s’est passé dans une famille ordinaire : un garçon de cinq ans a atteint mortellement sa sœur de deux ans, avec le fusil spécialement conçu pour les enfants, que ses parents lui avaient offert en cadeau ! Un pays qui, non seulement, laisse ses enfants manipuler des armes à feux, mais en fabrique à leur intention est atteint d’une dérive quelque peu pathologique. Pour les défenseurs de la liberté « constitutionnelle » qui permet à tout citoyen de posséder son arme, chaque massacre est l’occasion du même argument : il aurait fallu que les victimes soient elles-mêmes armées, pour pouvoir se défendre. L’adaptation d’un 357 Magnum à la taille de la main d’une petite fille est effectivement une solution. L’apprentissage du lancer de grenade en est une autre. Sans oublier le maniement du fusil d’assaut et/ou de la kalachnikov. C’est vrai qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Récemment, une petite fille de neuf ans a abattu son instructeur, l’effet du pistolet mitrailleur Uzi qu’elle manipulait dans un stand de tir, ayant détourné le tir et atteint l’individu en pleine tête. « Une nation « moderne » où près de la moitié de la population croit que le monde a été créé il y a moins de dix milles ans et qui pratique et soutient majoritairement la peine de mort et la libre circulation des armes est encore, sous divers rapports, une nation « primitive » » (1) affirme, avec raison, le philosophe Patrick Tort. Heureusement, dans notre pays, on est bien loin de tout cela. Ici, on se contente d’aller faire mumuse à la guéguerre dans les « paint ball » et autres « laser game ». Jeu infiniment moins dangereux, convenons-en, mais quand même un peu pathétique.


(1) « Sexe, race et culture » Patrick Tort, éd.Textuel, 2014, p. 93

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1150 ■ 30/10/2014