Abolir un siècle de discrimination

Un carnet de circulation à faire viser par les forces de police tous les trimestres, sous peine d’emprisonnement pouvant aller de trois mois à un an. C’est ce que la loi du 3 janvier 1969 imposa aux gens du voyage, adoucissant à peine les modalités anthropométriques imposées par la loi précédente, votée en 1912, qui devaient comporter entre autres indications, la longueur de l’oreille droite et des doigts médius et auriculaires gauches (sic !). Il est peu croyable d’imaginer qu’en juin 2011, 147.305 personnes étaient encore soumises à ce régime. Bien sûr, on est loin du port de l’étoile jaune ou du triangle rose. Mais, cette incongruité, à la fois scandaleuse et humiliante, y fait quand même penser. Le Conseil constitutionnel vient de déclarer cette obligation contraire « à la liberté d'aller et de venir » et « au principe d’égalité de traitement ». Il ne s’est toutefois pas opposé à l’utilisation de son petit frère le « livret de circulation », moins contraignant, au prétexte de permettre la localisation des personnes non sédentaires. Ce Conseil, composé de membres largement nourris au lait du sécuritarisme ambiant, a fait un premier pas. Il y aurait une grande pertinence à ce que la gauche au pouvoir, qui n’a su, ni en 1981, ni en 1988, ni en 1997, abolir cette pratique honteuse, prolonge ce qui vient d’être esquissé, en mettant un terme à un dispositif qui ne fait que stigmatiser encore plus une communauté déjà largement salie et malmenée.

 

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1079 ■ 18/10/2012