Les goûts et les couleurs
De tous temps, les enfants se sont plaints de la cantine. Les adultes écoutent passivement leurs doléances qui leur rappellent leur propre enfance. C’est un peu comme s’il y avait une fatalité à ce que la nourriture qu’on y sert devait, de génération en génération, être toujours aussi fade, aussi caoutchouteuse et aussi exécrable, sans que l’on ne puisse rien y faire. Il est loin le temps de ces mamies trônant dans leur cuisine et passant leur matinée aux fourneaux, à concocter amoureusement de sublimes petits plats qui faisaient le délice des petits et des grands. Tout ça n’est plus aux normes. Il faut respecter les conditions d’hygiène, faire attention aux allergies toujours possibles, calibrer le moindre ingrédient, aseptiser et désinfecter, ce qui revient à stériliser le moindre goût. Un couple de formateurs a assuré pendant des années, pour le compte de la FAL, un stage consacré à l’animation en restaurant d’enfants. Pendant qu’une moitié des participants planchait sur l’économat, l’autre moitié apprenait à concevoir et à présenter des plats, avec le budget moyen d’une cantine ordinaire. Entraînement oblige, à chaque repas, deux entrées, deux plats de résistance et deux desserts étaient préparés. Une cuisson respectueuse des saveurs, une présentation esthétique et soignée et tout changeait, donnant envie de manger. On peut bien organiser une semaine du goût, une fois par an. Ce n’est pas très efficace, quand le reste du temps, c’est dégueulasse.
Jacques Trémintin – Journal De l’Animation ■ n°133 ■ novembre 2012