« Un anti conte de noël », titrait Le Télégramme de Brest du 24 décembre dernier, à propos de l’acte de bravoure du Conseil départemental du Finistère. Les cadres d’un foyer d’urgence ont fait place nette, en expédiant trois mineurs isolés étrangers âgés de 15 ans dans un hôtel : il fallait libérer des lits, en cas de besoin, au moment du week-end sensible de noël. Voilà des adolescents à peine sortis de l’enfance transformés en variable d’ajustement d’un dispositif de protection devenu exsangue. Dans cette affaire, ce sont les deux enseignants ayant prévenu la presse et le journaliste signataire de l’article qui semblent les derniers remparts de l’humanisme : « ces jeunes ont besoin d’une assistance éducative, d’un accompagnement. Désormais, ils auront trois repas et un toit mais rien de plus. C’est un désastre ». Il serait un peu facile de stigmatiser les responsables à l’origine de cette décision. Malheureusement, les professionnels de terrain, les cadres intermédiaires, les cadres de direction sont confrontés -et le seront de plus en plus à l’avenir- à des choix cornéliens. A force de devoir réaliser toujours plus, à moyens constants, il va leur falloir trier la misère. Certains départements, comme celui du Rhône, refusent déjà de prendre en charge les jeunes majeurs. D’autres, parmi la petite poignée d’entre eux qui assument leur obligation légale d’accueil des mineurs étrangers isolés, renoncent à tout accompagnement éducatif au profit d’un hébergement à l’hôtel. D’autres encore établissent des listes d’attente de centaines de mesures de placements judiciaires d’enfants et d’adolescents en attente, car non exécutées. Le chef de l’église catholique a dénoncé cette « culture de l’indifférence qui finit par être impitoyable ». Un nombre croissant de secteurs de l’action sociale subit de plein fouet le paradigme néo-libéral du « moins d’Etat », de la régulation par le marché et de la réussite individuelle : la chasse aux moins méritants est ouverte !

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1173 ■ 12/11/2015