Mettre des mots sur l’indicible
Comment parler de cette affaire, en évitant tout populisme, tout en réussissant à imaginer l’inimaginable et à se représenter l’irreprésentable ? La Cour d’assises du Bas-Rhin vient de condamner un couple de parents à vingt ans d’incarcération. Leur crime ? Avoir violé de façon répétitive leur petit garçon de quatre ans, et avoir continué à le faire au parloir de la prison où le beau-père était incarcéré. Face à de tels actes, on reste stupéfait et sonné. Et pourtant, il faut recommencer à penser. Concevoir les épreuves vécues par cet enfant et réfléchir à l’accompagnement qui lui permettra d’essayer de se reconstruire, sans que le reste de sa vie ne soit compromis. Concevoir la perversité de ces adultes et leur incapacité à s’identifier à ce que pouvait vivre leur enfant et s’interroger sur ce qui a pu en faire ce qu’ils sont devenus. Concevoir le traumatisme que pourrait constituer tout nouveau contact familial et s’interroger, dans ces cas extrêmes, sur la justification du sacro saint principe du maintien des liens, à tout prix. Concevoir l’outrance d’un avocat mettant en cause la responsabilité de l’administration pénitentiaire accusée de n’avoir pu empêcher l’agression sexuelle et réfléchir à cette dérive envahissante consistant, au-delà de ceux qui commettent des agressions, à incriminer ceux qui auraient soi disant pu (ou du) les en empêcher. Oui, surtout, se mettre à penser, pour canaliser cette haine envahissante qui submerge la raison.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1121 ■ 10/10/2013