Deux psychiatries

Jérôme souffre de difficultés de comportement. Certaines d’entre eux sont atypiques. Mais, évoquer des problèmes psychiatriques n’est-ce pas un réflexe facile, celui de la patate chaude que l’on passe au secteur voisin, quand on ne sait plus comment agir ? Pourtant, quand l’adolescent entame des monologues avec son poisson rouge ou reste de longues minutes fasciné par l’ampoule du plafond qui s’illuminé et s’éteint, quand il appuie sur l’interrupteur, les doutes s’évanouissent: Jérôme a un problème qui ne relève pas seulement de l’éducatif. Au CMP voisin, deux infirmiers le reçoivent très vite et à raison d’un entretien hebdomadaire qui ne dépasse parfois pas quinze minutes, vont l’apprivoiser, jusqu’à ce qu’il accepte de rencontrer le psychiatre et d’intégrer l’hôpital de jour. Fabrice annonce la couleur: il est « bipolaire ». Il peut se mettre à éructer, en annonçant sa ferme intention de faire un carnage ou de se jeter sous un train dans les minutes qui suivent. Puis, subitement, il se calme se montrant agréable et enjoué, vous demandant gentiment de vos nouvelles. Son psychiatre refuse de le rencontrer « tant qu’il ne sera pas dans la demande ou qu’il n’y a pas d’injonction judiciaire ». C’est vrai que lorsque Fabrice aura planté quelqu’un avec un couteau, il n’aura peut-être plus le choix. Deux manières d’appréhender la maladie mentale : l’une dans la collaboration entre l’éducatif et le sanitaire, l’autre dans la non assistance à personne en péril.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1120 ■ 03/10/2013