Le RMI est mort, vive le RSA
Nous sommes le 6 mai 1795 à Speenhamland, à l’auberge du Pélican. Les juges du Berkshire prennent une mesure historique. Une longue tradition avait permis jusque là aux plus pauvres, d’assurer leur autoproduction alimentaire, en pouvant accéder librement aux terrains communaux. Le mouvement des enclosures, commencé en 1724, les en a privés. Pour faire face à l’accroissement de la misère qui s’en est suivi, les magistrats décidèrent d’accorder des compléments de salaire, conformément à un barème indexé sur le prix du pain. C’était là, ni plus ni moins, qu’un revenu d’existence : les ressources du travail étaient complétées par une allocation dont le montant constituait un minimum vital. Le tout était financé par un impôt spécial. Sécurité certes, pour les plus pauvres. Mais surtout, aubaine pour les employeurs qui se mirent à baisser le montant des rémunérations, conscients que les subsides compenseraient les ressources de leurs salariés. Cela eût pour effet une nette diminution du niveau de la productivité du travail. Cette mesure considérée comme transitoire, devint pérenne, véritable piège. Elle sera abrogée en 1834. Nous ne sommes plus au XVIIIème siècle, mais au XXIème. Rien ne dit que le RSA, qui est entré en vigueur ce 1er juillet, subira le même sort que son lointain ancêtre. Son vote a été précipité sans respecter les délais d’expérimentation annoncés. C’est en prise directe que nous allons en mesurer les avancées et les effets pervers.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°931 ■ 04/06/2009