Une fausse bonne idée

Martin Hirsch vient de lancer une idée « révolutionnaire » : récompenser les lycéens pour leur assiduité en cours, par l’attribution en fin d’année, d’une cagnotte collective ! Trois lycées professionnels de l'académie de Créteil se sont, dès à présent, lancés dans cette expérimentation. Cette initiative est choquante, hypocrite et illusoire. Choquante, d’abord, car elle inscrit l’acquisition du savoir dans une logique d’intéressement financier. A l’image de certaines entreprises, affichera-t-on bientôt, sur un tableau d’honneur, à l’entrée de chaque établissement, le lycéen du mois (celui qui aura le moins séché ses cours) ? Elle est hypocrite, ensuite, car elle fait reposer sur les jeunes ce qui relève de la responsabilité des adultes. Si un élève manque un cours, c’est au système éducatif de s’interroger et de se remettre en cause, pas aux copains de jouer aux flics. Enfin, elle est illusoire. Deux types de motivations poussent les individus à agir. Les raisons intrinsèques (l’envie, le plaisir, le sens du devoir) et extrinsèques (la contrainte ou … les encouragements financiers). L’économiste Bruno Frey a démontré l’existence d’« incitations désincitatives », telle que l’introduction de facteurs monétaires dans les relations non-marchandes. Plus on dédommage un acte gratuit, moins on encourage à sa réalisation bénévole. Après l’indemnisation de l’assiduité, faudra-t-il une cagnotte pour le travail scolaire fait à la maison ou la réussite aux examens ?

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°945 ■ 15/10/2009