Farid est un adolescent fragile et sensible, doutant de sa valeur. Très logiquement, son projet individualisé se donne comme objectif, la « renarcissisation » de son estime de soi. Vient l’évaluation. Dans son apprentissage, il se sent bien, montrant de vraies compétences dans le métier qu’il apprend. Au CFA, il se dit incapable de retenir les cours théoriques : il n’a jamais aimé l’école. Dans ses passages à l’acte délinquants, il est très sûr de lui, il ne se fera jamais prendre : il est trop malin… jusqu’à sa sortie de la gendarmerie, apeuré, perdu et plein de doutes, après sa garde-à-vue ! L’objectif de la confiance en soi a-t-il été atteint ? Difficile de faire rentrer la réalité dans des cases prédéfinies, comme le rappelle avec humour Roland Gori : « Francis le prêtre et Francis le chauffeur de taxi décèdent le même jour. Dieu les reçoit. Évaluant leurs mérites respectifs, il envoie Francis le chauffeur de taxi au paradis, lui confiant un bâton de platine et une tunique d’argent. Francis le prêtre va aussi au paradis, mais avec un bâton en chêne et une tunique en lin. Surpris, le prêtre se plaint au Seigneur : « L’autre Francis, je le connais, nous étions du même village. Il a mené une vie très dissolue, il picolait, blasphémait et conduisait comme un dingue. Moi, j’ai mené une vie exemplaire, chaste, fidèle, sobre. J’ai donné tous les sacrements à cette population de mécréants, j’ai dit la messe tous les dimanches. Il doit y avoir une erreur ! » Le Seigneur consulte de nouveau son registre et lui répond : « Mon fils, il n’y a pas d’erreur. Nous avons changé notre mode d’évaluation. Nous procédons aujourd’hui de manière plus objective grâce à des indicateurs standardisés de performance. Nous avons constaté que, chaque fois que tu disais la messe le dimanche, tout le monde s’endormait, alors que lui, chaque fois qu’il conduisait, tout le monde priait ! » Toute ressemblance avec des faits existants ou ayant existé serait purement fortuite.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1223 ■ 22/02/2018