Pourquoi je n’ai pas signé la pétition
La mobilisation autour de Jacqueline Sauvage a porté ses fruits : François Hollande lui a accordé une grâce partielle. Le sort de Norbert Marot abattu de trois coups de fusil dans le dos ne nous fera pas ici verser la moindre larme. C’est bien plus le calvaire vécu pendant près de cinquante ans par cette femme et sa famille, victimes des violences permanentes et de viols perpétrés par ce sinistre individu qui a de quoi attirer l’empathie. Sa prochaine sortie de prison est plutôt une bonne nouvelle.
Pour autant, si l’on fait un pas de côté face à la seule réaction compassionnelle, trois questions se posent. La première fait référence à un principe fondateur de l’État de droit : personne n’est légitime à se faire justice soi-même. La vengeance personnelle n’est plus l’ordre du jour, encore moins à la loi du Talion. Des institutions existent qui permettent de juger, dans le respect du contradictoire et des droits de la défense, celles et ceux qui sont accusés de crime (cour d’assises), leur garantissant un second jugement (cour d’appel) et une vérification du respect des règles judiciaires (cour de cassation). Tout cela ne peut être balayé, dans l’émotion que peut fort justement provoquer le calvaire de Jacqueline Sauvage. La seconde question a trait à la loi votée le 18 septembre 1981 abolissant, dans notre pays, la peine de mort. Il n’est pas à l’ordre du jour de remplacer la guillotine par le fusil de chasse ! Le pire des individus, au comportement aussi ignoble et répugnant soit-il, ne peut se voir réservé un sort qui, par exception, reviendrait à rétablir la peine capitale. Enfin, reste la troisième question qui ne peut que nous tarauder : comment peut-on rester dans le griffes d’un tortionnaire pendant un demi siècle, sans réagir ? La réponse systématique qui est faite renvoie aux mécanismes d’emprise. Mais, en évacuant toute responsabilité d’une victime passive et soumise, l’explication n’épuise pas totalement cette énigme.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1180 ■ 04/03/2016