Soudainement en ce dimanche 29 avril, le ciel s’est assombri. De gros nuages noirs en provenance de ta Normandie venaient de nous apprendre la mauvaise nouvelle. J’ai fait ta connaissance pendant mes études, en lisant « Les parents symboliques ». Rencontre choc avec un auteur capable de partir d’une pratique spécifique, tout en réussissant à en transmettre l’essence. Pendant des années, la première page que j’ouvrais dans Lien Social était celle de ta rubrique. Avec toi, pas de projet individualisé, de protocolisation, de normes qualité, ni d’indicateurs standardisés de performance. Juste la substantifique moelle d’un acte éducatif déployé au quotidien et retranscrit d’une manière limpide. Alors que la technologisation du travail social avance comme un rouleau compresseur, tentant de transformer l’éducateur spécialisé en technicien coordinateur faisant à peu près tout, sauf d’accompagner la personne, il nous reste tes livres comme autant d’actes de résistance. Il nous faudra continuer à te lire, à te faire lire, pour préserver et faire vivre auprès des nouvelles générations ce qui constitue le fondement de notre action. Comme tu nous y invitais, nous devons nous opposer à l’idéologie de la demande (qu’il faudrait attendre, au lieu de l’anticiper en exprimant notre foi dans les capacités de l’enfant), à l’idéologie du lien (qui prétend que la relation parents enfants serait par essence bonne et commet ainsi un meurtre psychique en remettant cet enfant à sa famille) et à l’idéologie de la distance (attitude omnipotente prétendant tout maîtriser de ses affects et fuir les risques d’une altérité émue). « Les travailleurs sociaux et les ’’psys’’ sont à mes yeux les héritiers des plombiers et des garagistes » disais-tu « Dans leur musette : le fer à ressouder les relations, l’huile des médiations, le trousseau de clefs de l’inconscient et la pince éducative à resserrer les boulons. » Merci Jean ! Essayons d’être dignes de tout ce que tu nous as transmis.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1229 ■ 15/05/2018