Gref 2009 - Choisir sa mort

A-t-on le droit de choisir sa mort ?

La  question de l’euthanasie oppose des protagonistes qui défendent une vision antinomique  de l’homme. Un colloque les a fait débattre entre eux.
 
Du 26 au 28 mai dernier se tenait à La Bourboule un colloque national sur la fin de vie (1). Médecins, soignants, accompagnants, familles, philosophes, juristes, sociologues, psychologues, religieux, libres penseurs, francs maçons … se sont retrouvés pour réfléchir autour du sort réservé dans notre pays tant aux mourants qu’à ceux qui veulent mourir. Acharnement thérapeutique, euthanasie, soins palliatifs ont fait l’objet de débats passionnés et passionnants. Le monde du social et de l’éducatif confronté aux conditions d’existence dégradées ou aux handicaps lourds peut parfois être concerné cette problématique. Sans compter que nous sommes toutes et tous confrontés aux quatre peurs fondamentale face à notre fin de vie : la peur de souffrir, la peur de l’obstination déraisonnable de soins, la peur de mourir seul ainsi que la peur des circonstances dégradées de notre mort.
 
 

Une loi innovante

Au centre du colloque : la loi dite Léonetti, votée à l’unanimité des députés le 22 avril 2005, qui a interdit l’obstination déraisonnable en matière de traitement médical. Elle ne contraint pas le médecin à l’arrêt du maintien artificiel en vie, mais à respecter la volonté du malade qui apparaît dorénavant centrale et déterminante. Quand celui-ci est conscient, il peut décider de l’arrêt de tout traitement (y compris l’hydratation et l’alimentation artificielle), même si cela doit menacer son existence. Si le patient n’est pas en état de décider, il revient alors au praticien de le faire à sa place. Pour cela, le médecin doit s’appuyer sur les directives anticipées du malade, si celui-ci les a exprimées par écrit et sur l’avis de la personne de confiance que ce dernier aura désignée. Il consultera aussi la famille pour connaître son sentiment. Il s’entourera enfin de l’avis de l’équipe médicale qui a accompagné le patient et d’un autre praticien. Même s’il a encadré cette décision, par la mise en oeuvre d’une collégialité, le législateur a décidé de confier au médecin ce choix ultime, considérant qu’il est le mieux placé pour savoir quel est l’intérêt de son malade.
 
 

Pour ou contre l’euthanasie ?

Les opposants à toute forme d’euthanasie considèrent cette loi, comme une avancée mesurée et équilibrée. On y trouve des croyants qui revendiquent le caractère sacré de la vie, des psychanalystes qui rappellent l’interdit anthropologique du meurtre, fondateur de toute civilisation et des philosophes qui mettent en garde contre la prétention à vouloir contrôler sa vie et sa mort. Mais aussi des juristes qui rappellent que si la vie est un droit, la mort n’est qu’une liberté qui doit se soumettre à la loi commune, des accompagnants affirmant qu’on doit répondre à la détresse des mourants par l’écoute et la présence non par le passage à l’acte et des soignants qui parlent de la blessure inguérissable de devoir tuer un être vivant. Du côté des partisans de l’auto délivrance, les convictions sont tout autant chevillées. Il y a la revendication du droit de décider de mettre un terme à son existence, quand on estime qu’elle n’a plus de sens, liberté ultime laissée à chacun d’être maître de sa mort comme il a essayé de l’être de sa vie. Il y a la dénonciation de la barbarie qui consiste à arrêter tout traitement, tout en refusant de soulager sa fin pourtant proche en l’accélérant, ce qui revient à laisser le malade agoniser de longues journées, par dénutrition et déshydratation. Il y a le soutien aux soins palliatifs qui permettent de ne pas laisser le mourrant seul, mais il y a aussi la mise en garde contre la prétention à en faire une réponse universelle à toutes les situations. Mais, il y a surtout l’appel à laisser chacun choisir.
 
 

Expériences étrangères

La législation pratiquée dans des pays comme la Suisse, les Pays-Bas ou la Belgique qui ont soit dépénalisé, soit légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté apporte un précieux éclairage. Ainsi, chez notre voisin belge, l’auto délivrance est accompagnée d’une multitude de précautions qui passent d’abord par l’information complète et éclairée du malade sur son état et toutes les alternatives possibles. C’est toujours lui qui doit décider de sa fin de vie. Quant au protocole strict qui est appliqué avant et pendant l’acte, il s’impose encore après, une commission de contrôle devant vérifier la bonne application des règles, une saisine de la justice pouvant intervenir dans le cas contraire. A la différence de notre pays, ce sont les mêmes praticiens qui ont recours aux soins palliatifs et à l’euthanasie, l’une et l’autre constituant des possibilités distinctes mais qui peuvent s’avérer, dans certains, cas complémentaires.
L’euthanasie doit-elle devenir une option possible ou son autorisation ouvre-t-elle la boite de Pandore ? Le débat n’a pas été tranché. Gageons qu’il perdurera encore longtemps …
 
« La fin d’une vie », Centre de congrès La Bourboule, 26, 27 & 28 mai 2009, Groupe de Réflexion sur l’Enfance et la Famille
 
 
« Peut-on vraiment choisir sa mort ? Repères pour les citoyens et ceux qui les soignent » DEVALOIS Bernard, Editions Collection Oméga, 2009, 188 p
« Pitié pour les hommes. L’euthanasie : le droit ultime » LABAYLE Denis, Stock, 2009, 210 p. 
 
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°936 ■ 09/07/2009