Rayons de Soleil de l’Enfance

Quel avenir pour les maisons d’enfants ?

Remis en cause, contestés, parfois même diffamés, les internats sont les premiers à réfléchir à l’évolution de leur pratique. C’était le cas, fin mai en Arles.

La Fédération des Rayons de Soleil de l’Enfance (1) qui regroupe 15 maisons d’accueil à travers tout le pays réunissait ses personnels lors d’un colloque organisé en Arles les 31 mai et 1er juin. Enjeu de cette rencontre : démontrer les capacités des MECS à construire des réponses en adéquation avec les mutations émergeant sur le terrain : s’adresser aux enfants en tant que vrais sujets de l’accompagnement éducatif, associer les parents au projet de leur enfant, diversifier les prestations des institutions pour répondre aux besoins des familles.

Ali Boukelal, formateur à l’Actif présenta le cadre des évolutions en court. Pendant longtemps ce qui a dominé, c’est l’idéologie de la normalisation qui mettait en avant les déviations du mineur pour préconiser sa mise au vert, de préférence loin de son milieu familial. Simple objet de l’intervention arraché à sa famille, l’enfant est depuis, devenu acteur, citoyen en devenir qu’on doit appréhender dans un cadre écosystémique, en tenant compte de tout ce qui fait son contexte de vie. Cette tendance qui s’observe à l’échelle européenne a abouti à une diminution du nombre d’enfants placés et en conséquence une diminution de la taille des établissements, à la désinstitutionalisation de structures appelées à s’ouvrir sur l’extérieur et à la création de lieux ressources pour les familles. C’est bien dans ce cadre général que doit se réfléchir l’avenir des internats éducatifs. Y a-t-il encore un avenir pour les maisons d’enfants ? Ou, comme à l’image des Etats-Unis, nous orientons-nous vers leur disparition ? La question de la pertinence de la séparation entre l’enfant et ses parents est largement imprégnée de considérations idéologiques, rappellera Richard Josefsberg, Directeur de MECS. Or, une famille n’est pas bonne en soi pour éduquer un enfant, pas plus qu’un internat est forcément la bonne solution pour réduire ce qui pose problème entre un enfant et ses parents. Ce qu’il faut interroger ce n’est pas tant la séparation d’avec la famille que la façon dont elle est gérée, qu’elle se vit et se déroule. Cela peut se faire par exemple en posant un cadre organisé, en désignant un tiers témoin et prévoyant un temps d’élaboration. Finalement, faire de la séparation, un moment symbolique porteur de sens. C’est aussi l’avis de Michèle Benhaïm, psychanalyste, pour qui, la coupure doit se travailler non pas tant entre l’enfant et sa mère, mais entre l’enfant et le désir du parent pour l’enfant.  On connaît trop ces accueils allant à l’échec, parce que l’hostilité de la famille n’a pas suffisamment été prise en compte. D’où l’importance d’intégrer la souffrance de la mère dans la prise en charge, au risque sinon de voir le projet éducatif pris dans un ensemble d’affects qui peuvent figer l’enfant dans ses symptômes. Si, du côté des professionnels, la mise à distance est toujours un outil à manipuler avec précaution, pour l’usager, il est essentiel que la qualité de ce qui va lui être proposé soit garantie. Pour Jean René Loubat, le secteur de l’enfance en danger doit sortir de l’état d’exception dans lequel il évolue depuis tant d’années et appliquer ce qui se passe partout ailleurs, et que vient enfin d’officialiser la loi 2002-2 : clarifier l’offre qui est faite et l’améliorer à partir d’une vérification des besoins des usagers auxquels il faut répondre d’une façon personnalisée et respecter la démarche contractuelle : « ce n’est pas le bénéficiaire qu’il faut évaluer, mais le prestataire au travers de la plus-value qu’il apporte ». Exemplaire est finalement cette évolution qu’a connu la Maison Marie Dominique à Vernaison. Confrontée à la souffrance du placement pour des adolescents en errance, l’établissement a été amené à s’adapter ponctuellement d’abord, puis d’une manière générale : l’accueil séquentiel. Il s’agit d’essayer de moduler les modalités de l’accueil à partir d’une situation familiale donnée qui est à chaque fois unique.  L’étayage est ajusté à partir de l’évaluation d’où en est chaque famille. Le principe adopté, c’est bien que ce ne soit pas l’usager qui s’adapte à la structure mais le contraire. Certains jeunes relèvent d’un accueil à temps complet en internat, leurs parents ayant besoin qu’on porte leurs enfants à leur place. D’autres peuvent passer une partie de la semaine en famille, aux moments les moins compliqués. D’autres encore ont besoin d’aller éprouver la capacité de leurs parents à les recevoir sur une longue période. Les éducateurs d’internat partagent donc leur temps de travail entre l’accompagnement des jeunes en hébergement et dans leur famille. Un tel dispositif est très proche du Sapmn de Nîmes, dont la Maison Marie Dominique a appris l’existence, bien après avoir elle-même mis au point sa méthodologie. Elle rencontre les mêmes problèmes de légalité de la procédure, mais bénéficie du soutien des magistrats qui ont reconnu l’incomparable souplesse de la démarche. Reste à trouver les financements et à se débattre avec le prix de journée. Mais, là, rien de bien neuf : les décideurs rêvent tous d’un modèle qui coûterait de moins en moins cher et qui serait de plus en plus efficace.

 

Jacques Trémintin – Juin 2002

 

Actes disponibles : Fédération des Rayons de Soleil de l’Enfance 8 bis rue Martel  Paris

Contact : Maison d’Enfants Marie-Dominique : 86 chemin Razat 69390 Vernaison. Tél. : 04 78 46 05 30