Journées des maisons de l’adolescence - 2010

Que sont les maisons de l’adolescence devenues ?

Les maisons de l’adolescence nées en 1999, continuent leur progression. Elles se sont, transformées au fil du temps, en partenaire incontournable des politiques en direction de la jeunesse.
 
Quand, au mois de mai 1999, la toute première Maison des adolescents ouvre ses portes au Havre, personne n’imagine alors le succès que va entraîner ce concept. A partir de 2003, Claire Brisset, défenseure des enfants, en appelle à la généralisation de ces maisons. Elle est relayée par la conférence de la famille qui se tient l’année suivante, en 2004. La délégation Interministérielle à la famille élabore en janvier 2005 un cahier national des charges, conçu pour ne pas être réducteur et castrateur de la créativité locale. En 2008, François Fillon, premier ministre, affiche sa volonté de créer une de ces maisons dans chaque département. La même année, est fondée une association nationale qui met en réseau les maisons des adolescents. En 2010, il en existe 57 sur l’ensemble du territoire, 34 dossiers d’ouverture étant en cours d’instruction. Progression fulgurante de ces structures dont la nécessité n’est pas usurpée, si l’on en croit l’étude effectuée par la Fondation pour l'innovation politique, qui a révélé, en 2008, qu’à travers le monde, les jeunes français sont avec les jeunes japonais, les plus pessimistes face à leur avenir. Les 18 et 19 mars 2010, se tenaient à Nantes les 4ème journées nationales des Maisons de l’adolescence (1). De quoi faire le point sur ce que mettent en place ces différentes structures. Les échanges qu’elles purent avoir entre elles, à l’occasion de ces rencontres, permirent de prendre la mesure à la fois leur quête commune, mais aussi la façon dont chacune d’entre elles décline les missions qui lui sont imparties.
 

Les MDA, ça sert à quoi ?

On peut dans un premier temps déterminer l’objectif commun qui les réunit : travailler au  rétablissement du bien-être physique, psychique et social d’adolescents dont la souffrance est d’autant plus mal détectée qu’elle se développe, à bas bruit. Le public visé ne se limite pas à ces jeunes en grande difficulté, dont la visibilité explose à la une de l’actualité. Ce sont aussi ces soucis ordinaires d’adolescence qui perdurent dans la résignation et le silence, atteignant des sujets restant traditionnellement en dehors des circuits d’aide traditionnels. Le pari est donc bien d’établir le contact avec des jeunes enfermés souvent dans un déni de leur souffrance, qui affirment n’avoir besoin de rien, prétendant réussir à gérer leurs difficultés sans avoir besoin de faire appel à quiconque. Ce dont il s’agit, c’est d’essayer de faire alliance. Ce qui signifie éviter cette posture d’observateur neutre et sans affect, qui ne peut que refroidir des adolescents souhaitant plutôt travailler avec les aspects affectifs de la relation. Toute la difficulté, dès lors, est de réussir à proposer des supports identificatoires, tout en évitant l’écueil d’une proximité dans la séduction, d’aménager des lieux attractifs, marqués par la convivialité et l’hospitalité susceptibles de provoquer des transferts, tout en faisant attention aux attitudes trop enveloppantes et protectrices, de répondre aux demandes immédiates par un accueil sans rendez-vous, tout en ne reproduisant pas un dispositif qui collerait trop en miroir au fonctionnement psychique du jeune.
 

Ce qui leur est commun …

Quadrature du cercle ? Non, au-delà d’une simple prestation, il y a là une nette volonté de répondre à des adolescents qui ont du mal à penser le passé ou l’avenir, en leur proposant une écoute disponible et accueillante. Chaque Maison des adolescents fonctionnant selon des modalités qui lui sont propres, il est difficile de faire ici un descriptif qui serait représentatif. Pourtant, un certain nombre de constantes émergent. Il y a d’abord la prise en charge globale, dans la continuité et la cohérence qui implique un accueil interdisciplinaire par des professionnels intervenant dans des champs différents : somatique, social, psychique, pédagogique, judiciaire... Il y a ensuite la multiplicité des activités de médiation sui sont utilisées. Au-delà des classiques entretiens individuels, les MDA font aussi appel à d’autres média : arts plastiques, cirque, cuisine, forum, jeux collectifs, musiques, soins esthétiques, sports, théâtre… en fait, toutes sortes d’activités qui permettent d’apporter du plaisir, de la confiance en soi et un étayage narcissique à des jeunes qui ont le plus souvent une image plus ou moins dégradée d’eux-mêmes. Ces différents outils ont comme ambition de leur fournir la possibilité de se réapproprier leur vie et leur trajectoire. Autre démarche commune, un accueil anonyme garanti, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord préalable des parents. Celui-ci sera nécessaire dans l’hypothèse d’une phase ultérieure de soin, mais ce n’est pas là, la fonction première de ce type de structure.
 

Ce qui leur est spécifique

Les maisons des adolescents font preuve d’une créativité et d’un sens de l’innovation qui permettent de s’adapter avec souplesse aux crises et aux ruptures que vit le public qu’elles reçoivent. C’est la MDA de Marseille qui utilise la bande dessinée « le passage », pour aborder avec les élèves de collèges les conduites à risque et le suicide. L’objectif est bien d’instaurer un dialogue entre les jeunes, les professionnels et leur famille autour des facteurs qui favorisent l’apparition d’une crise. Mais il est aussi d’établir avec eux la différence entre ce qui relève de simples turbulences adolescentes et les véritables signes de risque. C’est la MDA de la Rochelle qui propose bien sûr une écoute aux jeunes et une écoute aux parents, mais qui assure aussi des entretiens familiaux regroupant les uns et les autres, afin de leur permettre de retrouver flexibilité et fluidité dans leurs relations. C’est la MDA du Tarn et Garonne qui a instauré des Groupes d’entraide mutuelle qui réunissent plusieurs adolescents. Cet espace collectif propose à chacun de participer au travers du « faire ensemble », à la création de nouvelles relations avec les autres. C’est la MDA de l’Isère qui organise des Réunions de concertation pluridisciplinaires qui regroupent les professionnels concernés par la situation d’un jeune en grande difficulté, mais aussi ceux qui l’ont connu dans le passé et ceux qui pourraient être concernés par son éventuel accueil. L’objectif de ces rencontres ? Inventer collectivement des propositions pour accompagner les crises, chacun s’engageant de sa place à soutenir la continuité et la cohérence de la prise en charge.
 

Réagir à la phobie scolaire

L’échec scolaire est devenu au fil des années une difficulté envahissante au sein d’une Éducation nationale qui ne sait comment y faire face. On ne peut plus se contenter de réduire les enfants qui en sont victimes à de simples paresseux ou de vulgaires cancres. Il est nécessaire de travailler le sens de la scolarité avec les élèves certes, mais aussi avec leur famille, sans oublier les enseignants eux-mêmes. La MDA de Paris a mis sur pied un  triptyque composé d’un psychiatre, d’une psychologue et d’un enseignant qui cherche à identifier, pour chaque situation, les causalités multiples individuelles, familiale et sociales de cette déscolarisation. Les trois partenaires essayent d’identifier un éventuel tableau clinique (syndrome dépressif, phobie scolaire, décrochage, refus, trouble psychotique …), mais aussi de repérer le niveau de compétences et d’apprécier l’intérêt du jeune pour les apprentissages. Cette tentative pour mieux comprendre les raisons de l’échec scolaire peut déboucher sur une remédiation. Si tous les adolescents ne sont pas aptes à reprendre leur scolarité, en s’inscrivant dans le désir des adultes, l’étroite collaboration entre l’équipe de la MDA et celle de l’établissement scolaire permet d’imaginer d’éventuelles réorientations ou un parcours alternatif à la scolarité classique.
Lieu ressource tant pour les adolescents, que pour leur famille, mais aussi pour tous les professionnels intervenant auprès de la jeunesse, les Maisons des adolescents peuvent servir à la fois d’espace d’accueil, d’écoute, d’accompagnement, mais aussi de médiation, d’expérimentation et de coordination, et encore de formation, de recherche et de réflexion. Quel que soit le rôle que chacune d’entre elles décide de jouer, elles ont une place centrale à prendre dans l’articulation de tous les partenaires et de toutes les initiatives, permettant ainsi de faire face toujours mieux aux souffrances de l’adolescence. L’avenir nous dira si elles auront réussi à relever ce défi.
 
(1)  « Les possibles entrées dans l’avenir – Adolescence, société et postures professionnelles » 4ème journées nationales des maisons des adolescents, organisées par la Maison Départementale des adolescents de Loire Atlantique, les 18 et 19 mars 2010, www.mda44.fr

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°971 ■ 29/04/2010