CG 44 - 2006 - Le placement familial

Délégation de la Solidarité - Le placement familial : évolution d’une fonction

Ancenis - 30 mars & 18 avril 2006
 

Le placement familial concerne en France 65.000 enfants pris en charge par 42.000 assistantes maternelles à titre permanent. L’Aide sociale à l’enfance regroupait en 2003 plus de 95% du nombre total d’enfants intégrés dans ce type de placement (exactement 61.851 !).

Ce mode de prise en charge a la faveur des autorités, tout d’abord pour sa valeur humaine : c’est celui qui se rapproche le plus de l’organisation familiale d’origine.

Mais les raisons économiques sont aussi essentielles : il coûte moins cher que les foyers. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les chiffres : les établissements représentent 38% de l’ensemble des placements et constituent 50% des dépenses de l’ASE. Le placement familial, quant à lui, accueille 55% des placements, mais ne coûte que 24% du budget de l’ASE.  

La fonction d’assistante maternelle a connu au cours des dernières années de fortes évolutions, avec notamment une professionnalisation croissante.

Ce métier, institué par la loi du 17 mai 1977 et revalorisé par la loi du 12 juillet 1992  a fait l’objet d’une nouvelle réforme le 27 juin 2005.

Le Code de l'action sociale et des familles définit dorénavant cette fonction en la distinguant bien du rôle d’accueil à titre non permanent : « L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé » (art. L. 421-2).

Mais plus encore que les modifications législatives, le métier de famille d’accueil, dont l’ancienneté en fait le tout premier des métiers du social, a connu au cours des années de profondes mutations dont que nous allons retracer à présent.

 

Un métier qui remonte à loin

L’abandon d’enfant reste, sous l’ancien régime comme après la Révolution française, extrêmement fréquent. Ainsi, au XVIIème siècle, il correspond dans la capitale à environ 30% des naissances.

L’aide qui pouvait être apportée aux mères et à leurs enfants fut pendant longtemps peu différenciée de l’assistance aux adultes. Les hôpitaux généraux et les hospices créés dès Moyen-Âge, regroupaient indistinctement les enfants avec les vieillards, les indigents, les vagabonds et les infirmes. La mortalité infantile est alors terrifiante parmi ceux qui y trouvent refuge : 90%, contre 20% dans la population générale. Beaucoup de bébés meurent en quelques mois, du fait du manque cruel d’hygiène et des maladies qui règnent en maître : scarlatine, rougeole, diphtérie et tuberculose font des ravages.

En fait, jusqu’au XVIIIème siècle, aucune loi particulière ne protège l’enfance.

La Révolution change la donne. La loi du 27 juin 1793 précise que : « La Nation se charge désormais de l’éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d’enfants abandonnés et qui seront désormais indistinctement appelés orphelins ».

Un arrêté en date du 20 mars 1797, décide de confier les enfants pauvres ou abandonnés à des nourrices ou à des particuliers, afin qu’ils soient élevés et instruits.

Dès que les orphelins atteignent leur 12ème année, le versement des pensions s’arrête. Un décret du 19 janvier 1811 décide qu’au-delà de cet âge, ils  seront placés en apprentissage chez des laboureurs et des artisans (pour les garçons), « chez les ménagères ou couturières ou dans les fabriques ou manufactures » (pour les filles).

Dès le début de la législation sur la protection de l’enfance, le placement familial est privilégié comme lieu de la bonne éducation.

Pourtant, quand on le regarde de plus près, celui-ci n’a vraiment rien alors d’idyllique. Il arrive parfois que les enfants meurent au cours du voyage qui les mène dans les lointaines provinces où les attendent les familles d’accueil.

La mortalité les frappe tout autant dans leurs nouveaux foyers, du fait des dures conditions de vie qui leur sont faites et des maladies.

Les nourrices ne sont en aucun cas inquiétées en cas de décès des pupilles. Ces placements sont pour elles, avant tout, une opération financière dans laquelle le bien être de l’enfant n’a aucune place. En pratique, il sert le plus souvent de main d’œuvre gratuite et restera souvent à l’âge adulte, comme ouvrier agricole.

La cruauté des mœurs n’a jamais épargné aucun dispositif, tout comme d’ailleurs les efforts d’humanisation.

 

Le début d’une mutation

Le placement familial fut donc longtemps plus proche d’une déportation de hordes d’enfants dans les coins les plus reculés de la campagne, réalisée dans des conditions de brusquerie et d’impréparation aux conséquences trop souvent catastrophiques.

C’est aux lendemains de la seconde guerre mondiale, que les travaux de recherche sur les effets sur l’enfant de la séparation apportèrent des éclairages tout à fait essentiels qui amèneront progressivement un bouleversement des façons de faire.

Les troubles massifs à l’origine de la décision de retirer l’enfant à la garde de ses parents apparurent pour ce qu’ils étaient : non plus congénitaux mais acquis. Il fallait bien sûr les relier d’abord au milieu familial carentiel. Mais on comprit aussi qu’ils pouvaient être encore aggravés par la façon dont la séparation était gérée.

Comme on fut convaincu qu’ils étaient en partie réversibles pour peu que l’on sache modifier l’environnement de l’enfant, sans rajouter aux blessures initiales des traumatismes supplémentaires.

Pendant longtemps, on s’en est tenu à un certain nombre de postulats issus du sens commun selon lesquels seules conteraient les qualités de cœur et de bon sens.

C’est progressivement que la prise de conscience a eu lieu.

Non, il ne suffit pas de placer l’enfant à l’abri de la source de dysfonctionnement que représente sa famille, ni de le confronter à de nouvelles images parentales stables et équilibrées, ni encore de le confier à des mères de famille qui seraient naturellement dotées des qualités maternelles adéquates.

La séparation ne suffit pas en elle-même à résoudre les difficultés psychiques engendrées par la détérioration des liens parents/enfants. Tout au contraire, les enfants placés ont tendance à réintroduire au sein de leur nouveau milieu les problèmes qu’ils portaient dans leur famille d’origine. Les échecs scolaires, la carence affective, les troubles de la personnalité etc… et qui peut perdurer tout au long des années, étaient autrefois mis sur le compte d’un mauvais recrutement ou d’une absence de formation des assistantes maternelles.

On sait aujourd’hui que ces relations houleuses font partie intégrante de la dynamique du placement familial.

D’abord, parce que les blessures inhérentes aux dysfonctionnements de la relation précoce parents/enfants persistent dans le temps.

Ensuite, parce que la séparation constitue une épreuve pleine de souffrance pour l’enfant.

Encore, parce que confronté à un nouveau cadre familial, il tente d’y rejouer les scènes passées, les expériences traumatisantes antérieures, rassuré par un contexte qui, cette fois-ci, n’est plus dangereux pour lui. Au final, en attaquant le cadre proposé, il vérifie qu’il compte aux yeux de l’autre et qu’il est aimé.

L’enfant a besoin de s’appuyer sur la continuité et la solidité du couple d’accueil, des limites et des interdits qui lui sont posés, en vérifiant ainsi qu’il n’a pas détruit le cadre offert mais aussi qu’il n’a pas été rejeté.

Pour autant, ces manifestations mettent à dure épreuve les familles d’accueil qui tentent de résister à ces assauts mais qui se trouvent facilement ébranlées et déçues  dans leurs convictions réparatrices et leurs efforts de reconstruction de l’enfant.

 

Séparer ou non ?

Les conceptions à l’égard des familles ont heureusement évolué.

Le placement familial se situe au cœur des débats qui traversent la protection de l’enfance.

On considère aujourd’hui qu’il faut préserver la place des parents et relayer leur absence par une permanence et une continuité des substituts proposés ainsi que par une attention particulière portée aux transitions qui évitent la rupture brutale des liens.

Ceux-ci vivent fréquemment le placement comme une mesure mortifiante, un arrachement. Leur coopération et leur participation ont été très longtemps négligés pour ne pas dire stigmatisés.

Pourtant, ils jouent un rôle essentiel dans la pérennité du placement en ce qu’ils l’autorisent ou le sabotent, en ce que l’enfant ressent ou non la douloureuse sensation de les trahir en investissant sa famille d’accueil. Ne pas tenir compte des parents revient donc à menacer la qualité du travail de la famille d’accueil.

Pour autant, trop souvent, on tient de grands discours idéologiques déconnectés de la réalité sur la place de la famille.

Certes, séparer un enfant de ses parents pour un placement est un acte grave, un des plus graves qu’une société puisse demander d’effectuer à ses représentants. Une séparation non justifiée est une injustice est un drame intolérable.

Mais, on oublie qu’une séparation non effectuée au moment où elle était indispensable est, elle aussi, catastrophique. Il est trop fréquent de présenter cette séparation comme un échec, alors qu’elle peut tout autant s’avérer une formidable chance pour l’enfant, en ce qu’elle peut lui permet de bénéficier d’un processus d’attachement et d’identification garant d’un avenir équilibré.

Car, ce dont a besoin un bébé, ce n’est pas tant de ce lien mythique avec ses parents biologiques, que d’un maternage adéquat susceptible de lui procurer un sentiment de sécurité (grâce à la permanence physique et émotionnelle de l’adulte, sa fiabilité, sa solidité, sa résistance aux attaques, la qualité de son portage), un sentiment d’estime de soi (qui vient du fait d’avoir été suffisamment admiré) et un plaisir partagé (par l’échange de sourires et de caresses).

Or, ces qualités, on ne les retrouve pas d’emblée chez les parents. Leur capacité d’attachement peut être satisfaisante et permettre un étayage suffisant.

Mais, elle peut tout autant s’avérer défectueuse et s’exercer d’une façon traumatisante, devenant alors source d’une excitation angoissante et d’une désorganisation pathologique.

Certains de ces parents en difficulté peuvent être aidés dans un délai compatible avec le développement de l’enfant et bénéficier ainsi du soutien de dispositifs d’aide à la parentalité.

D’autres ne pourront développer que des compétences parentales partielles.

D’autres encore n’investiront jamais leur enfant ou se sentiront persécutés par lui, se montrant incapables de jouer leur rôle.

 

L’apport de Myriam David

Tout cela peut nous sembler  évident, aujourd’hui. Ce ne l’était pas alors, à une époque où l’on pensait qu’il suffisait simplement de retirer l’enfant d’un milieu jugé comme pathogène pour que tout aille mieux.

Myriam David est l’une de celle qui a redonné ses lettres de noblesse à une pratique qui aura été marquée par des dérives propres à son époque.

Elle a notamment décrit les différentes dimensions du placement familial.

Avec en premier, le temps de l’idylle qui unit la famille d’accueil dans son besoin de réparer l’enfant et l’enfant dans son besoin de trouver la famille idéale.

Puis intervient la désillusion : le bon enfant se transforme en démon, l’adorable mère d’accueil en méchante sorcière et l’équipe en « rapteur » d’enfant. Chacun peut avoir l’impression de s’être trompé sur l’autre et surtout d’avoir été trompé par lui. Il ne s’agit pas là d’un dysfonctionnement, mais d’un processus incontournable : il intervient quand l’enfant est suffisamment ressourcé par l’amour de sa famille d’accueil pour éprouver à nouveau un sentiment d’appartenance à sa famille d’origine qui l’amène à jouer une famille contre l’autre.

Et c’est là qu’intervient la troisième phase : celle de la gestion thérapeutique des crises qui, pour pénibles et inquiétantes qu’elles soient, sont autant d’étapes pouvant permettre à l’enfant de progresser dans la maturation et l’individuation.

C’est bien pourquoi, il ne suffit pas aux familles d’accueil de posséder la générosité, la sagesse, les grandes qualités affectives et une ténacité inébranlable. Il faut aussi un accompagnement thérapeutique d’un tiers (celui de l’équipe) lui permettant de se déprendre des inévitables tensions qui se font jour.

 

Une mission impossible

Le couple nourricier a choisi ce métier à partir de deux types de bénéfices.

Les avantages principaux sont de l’ordre de la rémunération et du statut social qu’il assure.

Mais les bénéfices secondaires ne sont pas à négliger. Ils relèvent du sentiment de réparation et de la gratification morale qu’il procure. Accueillir un enfant délaissé et lui apporter le bonheur constitue une puissante motivation et représente une mission éminemment valorisante.

Ce sentiment d’abnégation se trouve malmené par l’enfant carencé du fait même qu’il n’est pas seulement un petit d’homme qui ne demande qu’à être aimé. C’est un être humain doté d’une histoire et d’une personnalité qui peut venir –comme nous l’avons vu- déstabiliser les représentations et l’équilibre de son milieu d’accueil.

On connaît cette réflexion de Sigmund Freud sur les trois tâches impossibles à accomplir véritablement : éduquer, gouverner et psychanalyser. L’on pourrait ajouter : être famille d’accueil.

Exercer ce métier relève de deux véritables paradoxes.

Le premier d’entre eux concerne le défi qui consiste à accueillir et aimer l’enfant confié tout comme si c’était le sien, alors qu’il ne fera jamais partie de sa famille. Car, cet enfant a déjà ses propres parents qui gardent une place plus ou moins importante dans son cœur.
Parfois, des contacts sont réguliers, d’autres fois ils sont plus distants. Il arrive que la qualité de ces liens change avec le temps, soit pour s’améliorer, soit pour se détériorer.
Parfois, ses géniteurs lui manquent, d’autres fois, il les rejette avec violence.
Ses sentiments ne sont pas forcément opposés. Ils se manifestent parfois de manière successive, voire concomitante, l’enfant étant ambivalent dans un mélange d’amour et de haine.
Le travail de la famille d’accueil consiste à accompagner les conséquences de  ce que tout cela produit au quotidien : désillusions, tristesse et colère face à une attente déçue, mais aussi plaisir de renouer enfin avec un parent tant attendu.
Il s’agit de canaliser des réactions parfois violentes d’un enfant qui peut se retourner contre sa famille d’accueil qui sert d’exutoire à son désespoir, cherchant à lui fait payer la trahison de ses parents.
Et pourtant, il faut le soutenir néanmoins, quand il revient défait d’une visite qui s’est mal passée (et ne pas renforcer la haine contre la famille naturelle) ou quand des liens privilégiés se retissent progressivement (même si cela peut aboutir à ce qu’il désinvestisse sa famille d’accueil).
Pas facile tous les jours, d’exercer ce travail qui peut tout autant apporter des remerciements que ce qui semble être un océan d’ingratitude...

Second paradoxe de ce métier : agir auprès de l’enfant comme s’il devait rester toujours, alors qu’il peut être amené à partir, un jour.
L’accueil n’est pas une adoption.
Il peut durer deux mois ou jusqu’à la majorité (voire plus).
Mais cela, on ne le sait jamais d’avance. Un parent peut se rétablir plus vite qu’on ne le pensait et se montrer à nouveau capable de vivre avec son enfant. Celui ou celle qu’on pensait irrémédiablement perdu dans sa toxicomanie ou son alcoolisme peut se stabiliser et finir par accueillir son enfant, après 10 ans de placement.
Et puis, ce qui semblait être un accueil de quelques semaines, pour permettre à la maman de se remettre d’une opération, va durer 15 ans !
Pourtant, qu’il reste quelques mois ou toute son enfance, l’enfant a besoin du même dévouement et de la même présence inconditionnelle. « Quel que soit le temps que tu vas rester avec nous, nous t’accueillerons avec la même chaleur et la même bienveillance. » C’est ce message qui doit passer dans la démarche de la famille d’accueil.

On mesure la difficulté de ce que cela peut représenter et les qualités d’altruisme que cela exige. Quelle souplesse, quelle patience, quelle finesse il est nécessaire de posséder, pour offrir un cadre qui permette à l’enfant de se construire, sans le contraindre à faire un choix entre toutes celles et tous ceux qui lui portent de l’amour, en reniant sa propre famille ou en refusant de s’investir dans sa famille d’accueil.

Le métier de famille d’accueil n’est pas simple, on l’a compris. Il est tout aussi logique que des mécanismes se mettent parfois en place, comme autant de moyens pour se protéger.

A une extrémité, on trouve la famille très affective et maternante qui est persuadée qu’avec beaucoup d’amour, tout peut s’arranger. Le choc peut être rude et le rejet risque d’être aussi violent que l’accueil a été fusionnel. Profondément blessée et déçue par l’absence de réponse de la part de l’enfant face au débordement de ses propres manifestations d’attachement, la famille d’accueil en conçoit une amertume et un fort découragement face à ce quelle ressent comme une immense ingratitude.

A l’autre extrémité, on trouve la famille qui se protège par un comportement par trop désaffectivé, trop distant et trop peu impliqué. L’enfant carencé retrouve là des mécanismes qu’il a déjà connus. Le placement risque de se perpétuer à bas bruit dans des conditions non structurantes pour l’enfant qui va stagner, si la vigilance du service placeur n’est pas alertée.

Ces deux attitudes sont très préjudiciables pour l’enfant accueilli : dans le premier cas, il a le sentiment d’être un étranger juste toléré, dans le second il est au cœur d’un terrible conflit de loyauté : peut-il encore aimer ses parents sans risque de trahir sa famille d’accueil ? Ne doit-il pas choisir entre deux familles ?

Entre ces deux extrêmes, on trouve toute la palette des réactions possibles.

           

La nécessaire triangulation

Le placement familial ne peut remplir sa mission s’il laisse en tête à tête famille d’accueil, enfant et famille naturelle. Il est indispensable qu’il intervienne dans une logique de triangulation, en tant que tierce personne chargée de réguler les relations et d’éviter un face à face qui peut s’avérer déstructurant sinon destructeur.

Il intervient d’abord par rapport à l’enfant, en essayant de donner du sens à ses passages à l’acte et en interprétant ses comportements  comme autant de symptômes de son mal-être.

Il intervient ensuite face à la famille naturelle pour lui garantir sa place en aménageant les visites et rencontres mais aussi en évitant les contacts physiques – si ceux-ci n’apparaissent pas nécessaires ou souhaitables – mais en permettant alors à l’enfant de continuer à savoir quels sont ses racines biologiques.

Il intervient encore dans l’ordonnancement de la vie de l’enfant sur la base de la mission qui lui a été confiée par la famille (cas du contrat d’Accueil Provisoire) ou du mandat confié par le juge des enfants (cas de la mesure judiciaire de Garde Provisoire).

Il intervient enfin dans le soutien à la famille d’accueil. Il doit lui permettre de se libérer de ses angoisses, de ses déceptions, de ses espoirs non confirmés. C’est en favorisant des lieux de parole qu’il pourra le mieux l’épauler dans sa  confrontation aux difficultés quotidiennes. Cela passe par le soutien apporté par les équipes psycho-socio-éducatives : suivi régulier, rencontre en présence de l’enfant, entretien individuel, travail de groupe …

Toutefois, on ne peut échapper à l’évocation de l‘amalgame entre l’aide et le contrôle qu’exerce ainsi le service employeur sur l’action engagée par la famille d’accueil. Aussi, n’est-il pas inutile d’aborder l’intérêt d’un soutien qui pourrait être apporté en dehors de ce service-employeur par des équipes compétentes. Ce qui se déroule déjà dans les cas les plus difficiles en collaboration avec les services de pédopsychiatrie pourraient être étendus de façon bien plus systématique.

 

Assistant familial : un travail d’équipe

L’ensemble de ces caractéristiques ont amené le secteur du placement familial à  adapter ses modalités d’intervention, en commençant par une professionnalisation toujours plus poussée des assistantes maternelles(qui ont appris à fonctionner d’une manière supplétive et non substitutive), une nouvelle approche du soutien à la parentalité (qui passe par son respect et la reconnaissance de sa place) et la nécessité d’instaurer un accompagnement par une équipe pluridisciplinaire, des parents, des familles d’accueil et des enfants.

Le placement familial reste encore chez les intervenants sociaux un sujet de polémiques, les uns revendiquant avant tout la mise en sécurité de l’enfant, les autres craignant que la mesure prise ait des conséquences bien pires que le mal dénoncé.

Ce sont ces hésitations -au demeurant légitimes- qui aboutissent souvent à des placements en urgence qui provoquent toujours les dommages les plus graves.

D’où l’importance d’une évaluation qui tienne compte de l’état des signes de maltraitance ou de négligence, des manifestations d’attachement ou d’intolérance entre l’enfant et sa famille, des caractéristiques des interactions, de la façon dont s’exerce la parentalité et du degré global de précarité de la situation psychosociale.

Ce n’est qu’à l’issue de l’examen de l’ensemble de ces facteurs qu’une décision, doit être prise, permettant alors une préparation tant de l’enfant que de sa famille et de la famille d’accueil pressentie au projet de placement.

Car, malgré tous les effets pervers qui sont vécus auxquels l’ensemble des acteurs sont condamnés à faire face et qu’ils se doivent d’assumer en toute connaissance de cause, le placement en famille d’accueil continue à constituer l’un des lieux d’épanouissement et d’évolution positive pour les enfants confrontés à des situation de dysfonctionnement grave des relations avec leurs parents. C’est un support irremplaçable de réconfort narcissique, de contenance et de sécurité.

On ne place pas des enfants en famille d’accueil pour les guérir de leur manque, mais bien plutôt pour leur apprendre à vivre avec.

On doit s’attendre à ce qu’ils nous confrontent à leurs difficultés à se projeter dans le temps, à se structurer face au monde réel pour s’y faire une place et à supporter les frustrations.

Réussir le pari d’une évolution positive de leur devenir implique avoir conscience des problèmes qui vont surgir et de prendre les moyens de les assumer.

Pour y arriver, seul un travail de collaboration où chacun, en toute humilité, assume toute sa fonction et respecte la place de l’autre, pourra permettre une action de qualité et faire en sorte que jour après jour soit apportée une pierre à l’édifice.

 

Jacques Trémintin - 30 mars 2006