Mayenne - la parole de l’enfant 2

Comptes-rendus des groupes de travail - La parole de l’enfant

1, 7 & 8 février 2008 - Château-Gontier - Laval - Mayenne

ATELIERS DU 1ER  FEVRIER

Compte-rendu n° 1

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant?
Les moments et lieux de recueil possibles :
▪       à table, en voiture, lors de moments d'intimité (toilette, habillement, soins, rdv, leçons...), seul a seul avec l'enfant, autour d'une activité.
▪       paroles lâchées lors de moment d'indisponibilité (exemple, lorsqu'on s'occupe des plus  petits, cuisine, téléphone...).
▪       lorsque la fin approche ... lors de dates butoirs (réorientation, retour en famille, âge de fin de placement).
Il est nécessaire de faire d’une attention constante, sans relâchement, car parmi des paroles banales de la vie quotidienne peuvent se glisser des mots clés.
 
La manière dont est recueillie la parole :
▪       à chaud : cela nécessite une réaction immédiate et adaptée face à la parole donnée par l'enfant. On reformule pour essayer d'éclaircir ce qu’il a quelques fois du mal à verbaliser lui-même. Avec deux résultats possibles : soit l'enfant se laisse guider par notre reformulation, soit il se rétracte.
▪       à froid : on choisit un moment de tête à tête et on chemine vers le sujet. On reprend avec lui ses paroles ou son comportement, en essayant de l'amener vers une confidence. Là aussi, deux résultats possibles : soit l'enfant parle, soit il se referme
Il est impossible de savoir quel est le meilleur moment.
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge?
Dans un premier temps jauger. De multiples facteurs interviennent. Nous gérons par rapport a notre éducation : « tu ne mentiras pas », « c'est pas beau », « il faut dire la vérité » ... Mais aussi par rapport a notre vécu  et notre expérience. Entre aussi en ligne de compte l'importance et les raisons du mensonge. Cela peut être en rapport avec le vécu de l'enfant : cela peut être culturel (une façon de fonctionner dans son milieu familial). 
Dans un second temps réagir. On demande à l'enfant d'expliquer à sa façon, de nous donner sa vision des faits. On redéfinit, on reformule avec lui, on lui explique les conséquences de son mensonge, vers là où cela pourrait l'emmener, tout en le guidant vers la réalité des choses.
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
▪       Si possible ne pas être catastrophé, ne pas laisser nos sentiments envahir la révélation afin de ne pas influencer l'enfant.
▪       Ne pas juger les événements, ni les victimes, ni les accusés.
▪       Ne pas prendre de parti pris.
 
 

Compte-rendu n° 2

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant?
La réflexion dans le groupe a débuté sur la question du  quand?
▪       Moment de parole particulièrement privilégié : dans la voiture car l'enfant est cadré dans un espace sans bouger, sans voir le regard de celui qui l'écoute.
▪       Autres moments : le retour de l'école, au  goûter, pendant les repas, au moment du coucher,  quand il se plaint du mal de ventre, de différents maux, quand il fait pipi au lit quand il grogne, quand il devient trop silencieux
Comment écoute-t-on ? Est-ce qu'on peut entendre ? On parle avec lui, on peut lui demander ce qui le tracasse, parler de ses craintes, on peut échanger.
Le dialogue est propice si une confiance peut s’établir.
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge?
Comment faire avouer le mensonge?
▪       On peut banaliser le mensonge, suivant l'âge ou la maturité de l'enfant. Notamment, quand il embellit sa vie mais n'a pas de conséquences fâcheuses.
▪       Il faut tenir compte de l'importance du mensonge: quand il est grave et peut avoir des effets négatifs sur son devenir, on doit réagir, trouver les réponses appropriées, pour éviter des résultats nuisibles, lui montrer ses responsabilités face à ses nuisances, face à sa santé, face à sa personne pour le protéger.
▪       essayer de comprendre pourquoi il ment
▪       quand on est sûr et qu'on a la preuve, il faut amener l’enfant à reconnaître son mensonge, faire un rappel à la loi, aux règles, faire intervenir l'éducateur.
La confiance là aussi a une grande importance pour gérer le mensonge.

Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
On écoute l'importance des violences (traces de coups,  des signes sur son être, quand il change de comportement ou d'attitude en revenant de chez ses parents...). On n'entend pas toujours et on peut passer à coté, on peut apprendre par d'autres. Comment réagir quand on est touché, comment gérer ses émotions ? Il faut se ressaisir, agir professionnellement : savoir écouter, savoir parler calmement avec l'enfant pour qu'il puisse s'exprimer, savoir alerter, savoir en parler avec l'éducateur ou le service de l'ASE.
 
 

ATELIERS DU 7 FEVRIER

Compte-rendu n° 3

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant?
▪       La parole « arrive » soit pendant la toilette, le coucher, les voyages en voiture, la préparation du repas, au calme au salon le soir. Le bon moment : rien que l’enfant et l’assistante familiale.
▪       L’enfant peut utiliser un journal pour écrire, dessiner son ressenti, son vécu du week-end en famille naturelle, l’assistante familiale peut-être autorisée par l’enfant à lire.
▪        « Travail » sur le positif : « qu’est ce qui va bien? », avant d’aborder le négatif : « qu’est ce qui ne vas pas? »
▪       Lorsque l’enfant a envie de parler, essayer d’en profiter pour approfondir en posant les bonnes questions, sans le « brusquer », le « bloquer » …
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge?
▪       Le mensonge sur le quotidien, exemple les dents, la toilette lorsqu’il est répété, peut provoquer un sentiment d’énervement, l’envie de « laisser tomber » ou alors cela finit en conflit.
▪       Il faut reconstruire / restaurer la confiance, sinon cela ne passe pas et ce dans la douceur.
▪       Arriver à faire la preuve du mensonge, faire voir que l’on n’est pas dupe
▪        « Recette » adaptée à chaque enfant
▪       Toujours tenir sa parole
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
▪       Toujours noter et faire remonter les révélations au référent. Faire un courrier en reprenant tous les mots de l’enfant.
▪       Rassurer les enfants par rapport à la vérité.
▪       Problème de la vêture : les parents préparent des vêtements pour leurs enfants qui ne sont pas appropriés : les enfants sont mal à l’aise. L’assistante familiale essaie de rattraper les choses pour leur bien être, leur personnalité, leur image par rapport aux autres ; quant c’est possible
 

 

Compte-rendu n° 4

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant?
 Le plus souvent, elle est recueillie de manière fortuite et pas toujours dans l’intimité. Cela peut-être au cours de la toilette, du coucher ou d’un trajet en voiture tout comme dans une grande surface commerciale ou sein d’un groupe d’inconnus.
Elle est à prendre avec précaution, en fonction du contexte, la vigilance est nécessaire pour éventuellement dédramatiser une situation qui peut être anodine.
Cette parole est parfois fragmentée, ou interprétée. Cette parole n’est par ailleurs pas figée. Elle peut mettre en cause la famille d’accueil ou son entourage. Là encore, pas de précipitation ni de décision hâtive qui peuvent mettre en cause la  famille d’accueil tant sur le plan professionnel que dans son intégrité morale. Surtout que l’enfant ne mesure pas toujours les conséquences de ses révélations et qu’il peut se retrouver dans un scénario qu’il n’avait pas envisagé d’une part, et qu’il n’avait pas souhaité d’autre part. Les confrontations avec les personnes mises en causes peuvent être nécessaires, judicieuses.
Et bien sûr en référer au service et à la hiérarchie.
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge?
Inciter l’enfant à dire la vérité : « faute avouée, faute  à demi pardonnée... ». Tenter de lui faire donner un sens à son acte. Faire comprendre à l’enfant que l’adulte n’est pas dupe, qu’il a conscience du mensonge et qu’il sait que l’enfant a lui-même conscience de la situation.
Savoir que le mensonge peut avoir son utilité, et parfois un moyen de survie.
Qu’il peut exprimer un appel à l’aide, un S.O.S. Accuser un tiers à tort, pour  attirer l’attention sur  une personne que l’enfant ne peut désigner pour des raisons qui lui sont propres.
Réaliser que le mensonge piège, qu’il peut entraîner une infraction au niveau de la loi. Il peut amener des sanctions au quotidien lorsqu’il masque une infraction aux règles établies, mais il peut aussi engendrer des conséquences terribles que l’enfant n’a pas envisagées, car il n’en a pas toujours conscience.
Même petit, le mensonge ne doit pas être  banalisé, il est important d’en expliquer les tenants et les aboutissants. Il devrait servir de leçon et il entraîne souvent une sanction !!
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
 Sur le vif, être disponible et surtout ne pas orienter les réponses à nos interrogations éventuelles, puis en référer au service, à la hiérarchie.
Faire savoir à l’enfant que cela engendre des procédures, comme les examens médicaux, des confrontations douloureuses, une implosion de la famille, que l’enfant peut se sentir paria, culpabilisé…. Et que nous sommes là pour le soutenir.
Pour la famille d’accueil, (mise en cause ou pas dans les révélations de l’enfant), il est nécessaire d’être soutenu d’une part pour ne pas avoir su décoder la souffrance de l’enfant quand c’est le cas, et d’autre part pour faire face aux séismes de ces révélations tant sur l’enfant accueilli que sur notre cellule familiale.
Que le jeune parte ou qu’il reste, dans le cas d’une mise en cause terrible de la famille d’accueil,  avoir un vrai soutien pour continuer le métier avec ou sans l’enfant accueilli mais permettre de rebondir.
Dans tous les cas faire appel à l’équipe éducative et ne pas rester seul(e) .
 
 

Compte-rendu n° 5

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant ?
Sur le sujet des abus sexuels :
▪       « J’observe l’attitude de l’enfant, la façon qu’il a de se regarder dans une glace, je ne pose aucune question, c’est l’enfant qui me dit des choses , je l’écoute ».
▪       « Je m’assois à côté de lui : tu as besoin d’en parler »
▪        « Il faut être disponible, mais ce n’est pas toujours le bon moment, leur dire qu’on les prend au sérieux »
▪        « Si on leur demande de parler, ils disent pour faire plaisir »
▪        « Il faut préciser que la parole va être transmise aux éducateurs, gendarmes, procureur, tribunal…, préciser que s’il a dit des choses fausses, cela peut être très grave. »
 
Il y a des conséquences importantes pour la famille d’accueil quand il y a des révélations de cette nature : c’est une situation éprouvante ; il faut accompagner les enfants aux Assises, et éprouvant dans la relation à la famille naturelle.
De manière générale, nous avons souligné l’importance de la présence de l’adulte : faire savoir à l’enfant qu’il est attendu et entendu, dans ses histoires quotidiennes. Il a besoin d’être rassuré et de partager des activités.
Les moments d’échanges les plus privilégiés sont les ballades, dans la voiture, le soir avant le coucher, les repas.
En pédopsychiatrie, la relation est différente : l’échange se fait par un contact (tenir la main, le regard).
 
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge?
▪        « On apprend à gérer le mensonge : au départ on a du mal à accepter puis avec le temps on relativise.
▪        « On rapporte les faits, signaler qu’on n’est pas dupe, tourner à la dérision »
▪        « Il faut en parler avec tout le monde, éviter les conflits, éviter de monter en pression »
▪        « Proposer à l’enfant de se dénoncer par écrit. »
▪        « Proposer le ’’ faute avouée, à moitié pardonnée’’ permet d’entamer un rapport de confiance »
▪        « Il y a d’autres formes de mensonges : fausses signatures au collège ;  prévenir l’enfant des conséquences de tels actes (faux témoignages). »
▪        « Quel bénéfice un enfant tire t-il du mensonge ?  Recherche d’existence, de protection ».
▪        « Quand l’enfant ment, ce n’est bien souvent pas pour nuire à la famille d’accueil, cela permet de ne pas se laisser envahir par ses émotions ».
▪       « Suivant les services, l’accompagnement n’est pas le même. En pédopsychiatrie et en IME, les réponses des référents sont immédiates ».
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
Certains points sont une redite par rapport à la première question.
▪       « Ecouter, ne pas poser de questions, ou pour certains demandent à ce qu’on les guide ».
▪        « Moment difficile pour l’assistante familiale à recevoir ces confidences sans accompagnement. Cela soulève des émotions qu’il faut gérer en sachant qu’on a le devoir de respecter les familles naturelles »
▪        « Dans le cas de révélations de mauvais traitements, la famille d’accueil est exposée aux réactions très violentes de la famille naturelle sans aucune protection. La famille d’accueil a à gérer des attitudes parfois irrespectueuses des gendarmes ».
 
 

ATELIERS DU 8 FEVRIER

Compte-rendu n° 6

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant?
Pour certains enfants, cela est  instantané, ils vident leurs sacs : dimanche soir à table devant tout le monde, au goûter ou dans les magasins. D’autres vont attendre quelques jours que  la visite passée, pour en parler.
Les lieux où se libèrent la parole sont divers : en voiture, pendant la toilette (ex : brossage de cheveux), pendant une insomnie (ado : envie de parler), dans sa chambre (il s’isole pour attirer l’attention de l’assistante familiale, afin de se confier), par le pipi, caca (pour des enfants qui n’arrivent pas à s’exprimer avec la parole).
 
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge ?
▪       Petits mensonges de tout les jours, afin qu’on occupe de lui.
▪       Mensonge pour donner une bonne image d’eux ou de leur famille par rapport aux autres.
▪       Mentir pour protéger sa maman.
▪       Suite au mal être de l’enfant, il a fait un mensonge qui a mis la famille d’accueil en danger (difficultés à le croire après).
▪       Ado : beaucoup de mensonges et de vols (portable, MP3….etc.), comment refaire confiance?
▪       Leur faire comprendre que trop de mensonges amènent la perte de confiance  et que cela est un engrenage dangereux. (Qui va te croire maintenant ?)
▪       Dialoguer : sur les conséquences du mensonge et d’ où en est la confiance.
 
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle?
Maltraitance verbal (harcèlement moral) : « tu n’aurais pas du naître », « tu n’es pas l’enfant que l’on aurait voulu »…etc. Informer le service, rassurer l’enfant et le revaloriser.
Maltraitance physique : enfant laissé chez ses parents pour le week-end et une heure après la maman appel la famille d’accueil pour prévenir que le beau père devient violent avec l’enfant. La famille d’accueil va récupérer l’enfant en se mettant en danger face au beau père. Conseil donné : prévenir le service (éducatrice ou numéro d’urgence pour le week-end) voir si besoin la gendarmerie.
 
 

Compte-rendu n° 7

Question 1 : Comment est accueillie la parole de l'enfant ?
▪       Ecoute de l'enfant : profiter de la voiture pour discuter par exemple.
▪       Savoir faire la différence entre la discussion "vraie" et mensonge.
▪       Leur faire confiance si cela est possible.
▪       Expliquer les choses (à nous de gérer les moments de discussion)
 
Question 2 : Comment est géré le mensonge ?
Cela dépend de l'individu, de l'âge, du handicap ou de la raison.
▪       Discussion avec l'enfant.
▪       Pas de sanction pour petit mensonge.
▪       Sans donner trop d'importance (enfant mythomane).
▪       Demande d'un suivi psy quand les mensonges sont trop importants.
 
Question 3 : Comment faire face à la révélation de mauvais traitements dans la famille naturelle ?
Mauvais traitement physique ou moral.
▪       Etre à l'écoute.
▪       En parler à l'éducateur ou éducatrice et se reposer sur eux.
▪       Epauler l'enfant au quotidien.
▪       Constat par un médecin.
 
 

 Synthèse des ateliers sur la parole de l’enfant

Préambule

-       L’ensemble des groupes a produit une réflexion d’une grande richesse, dont le texte qui suit reproduit les principaux arguments. Eparpillés dans les sept comptes-rendus fournis, il ont simplement été articulés et argumentés pour en faire un  ensemble cohérent.
-       Je remercie les organisateurs de ces journées de m’avoir fait confiance pour les animer et les participant(e)s pour l’intensité et la pertinence de leur travail de réflexion.
 
 

Les circonstances qui favorisent l’expression de la parole

-       Ce peut d’abord être les moments d’intimité au cours desquels l’assistante familiale se retrouve seule avec l’enfant : la toilette, le brossage des dents ou des cheveux, l’habillement, les soins, l’aide aux leçons … L’enfant peut utiliser ces instants privilégiés, quand il sait que l’adulte est là rien que pour lui, pour lui faire des confidences, pour se libérer d’un secret, pour s’épancher sur une peine ou un gros chagrin.
-       Mais, le plus souvent, cette parole est recueillie de manière fortuite et pas toujours dans l’intimité : l’enfant peut dire des choses dans une grande surface commerciale ou au sein d’un groupe d’inconnus.
-       Il peut tout autant décider de mettre à profit les moments d'indisponibilité de l’assistante familiale, lorsque par exemple elle est occupée avec les plus petits, lorsqu’elle est en pleine cuisine ou qu’elle est au téléphone. Un peu comme si l’enfant saisissait délibérément un instant particulièrement chargé pour l’adulte, afin de ne pas avoir à se retrouver à répondre à de plus amples questions.
-       Un autre lieu peut être privilégié pour libérer la parole, parce qu’il ne permet pas le face à face : c’est la voiture, car l'enfant y est sécurisé dans un espace où personne ne peut bouger et qu’il n’est pas alors sous le regard de celle (celui) qui l'écoute.
-       En fait, on ne peut être limitatif en la matière. L’enfant peut parler en toutes circonstances et en tous lieux : au retour de l'école, au goûter, pendant les repas, au calme au salon le soir, au moment du coucher, quand il se plaint du mal de ventre ou d’autres maux, en s’isolant dans sa chambre  pour attirer l’attention de l’assistante familiale, quand il fait pipi ou caca au lit (pour des enfants qui n’arrivent pas à s’exprimer avec la parole), quand il grogne, quand il devient trop silencieux, pendant une insomnie… Mais aussi, lorsque la fin de l’accueil approche ... à l’occasion des dates butoirs (réorientation, retour en famille, âge de fin de placement).
-       En pédopsychiatrie, la relation est différente : l’échange se fait par un contact (tenir la main, le regard).
-       Ce contexte particulièrement vaste explique pourquoi il est nécessaire de faire preuve d’une attention constante, sans relâchement, car parmi des paroles banales de la vie quotidienne peuvent se glisser des mots clés. 
-       D’où la nécessité de savoir comment accueillir cette parole, comment entendre l’enfant : c’est la seconde série de questions abordées par le groupe.
-       On peut tout d’abord réagir à chaud. Les propos de l’enfant nécessitent parfois une réaction immédiate et adaptée. Il est alors important de l’aider à reformuler pour essayer d'éclaircir ce qu’il a quelques fois du mal à verbaliser lui-même. Avec deux résultats possibles : soit l'enfant se laisse guider par la reformulation, soit il se rétracte.
-       On peut aussi choisir de différer. Laisser passer quelques temps et prendre un moment en tête à tête pour cheminer progressivement vers le sujet qui le préoccupe. On reprend avec l’enfant ses paroles ou son comportement, en essayant de l'amener vers une  confidence. Là aussi, deux résultats possibles : soit l'enfant parle, soit il se referme.
-       Il est impossible de savoir quel est le meilleur moment de favoriser sa parole. Lorsque l’enfant a envie de parler, on peut seulement essayer de l’aider à approfondir ce qui le tracasse, à évoquer ses craintes, en posant les bonnes questions, mais en faisant attention de ne pas le brusquer, ni le bloquer …Le dialogue est propice si une confiance peut s’établir.
 
 

Comprendre et faire face au mensonge

-       Qui dit parole, dit vérité et mensonge. Si le propos de l’enfant qui dit vrai n’est pas forcément facile à accueillir, celui qui s’avère falsifié l’est encore plus.
-       Dans un premier temps, il apparaît nécessaire de comprendre et de jauger.
-       De multiples facteurs interviennent pour expliquer les réactions possibles de l’adulte face au mensonge de l’enfant.
-       Nous réagissons par rapport à notre propre éducation : « tu ne mentiras pas », « c'est pas beau », « il faut dire la vérité » avons-nous entendu toute notre enfance ...
-       Mais, il n’y a pas que le conditionnement éducatif subi. Il y a aussi notre vécu  et notre expérience qui nous ont montré la nuisance que constitue le fait d’apparaître comme un menteur.
-       Pour autant, il est essentiel de se décentrer de notre perception, pour comprendre à quoi sert le mensonge pour l’enfant.
-       Car cette attitude, pourtant sujet universel de réprobation, peut néanmoins avoir son utilité. Son usage est toujours relié à un bénéfice que l’on cherche à en tirer.
-       Il peut parfois constituer un moyen de survie ou exprimer un appel à l’aide, un S.O.S.
-       Sans aller toujours jusque là, le mensonge peut avoir pour fonction de donner une bonne image de soi ou de sa famille par rapport aux autres, de protéger un parent ou quelqu’un qu’on aime, de ne pas se laisser envahir par ses émotions, de rechercher à exister ou à se protéger. 
-       Ce sont aussi ces petits mensonges de tout les jours, destiné à se faire remarquer et qu’on s’occupe de soi.
-       Il n’y a pas une seule façon, ni une seule raison pour mentir. Tout dépend de l'individu, de l'âge, du handicap éventuel ... Il peut même s’avérer nécessaire de demander un suivi psy, quand les mensonges sont trop importants (situation de mythomanie pathologique).
-       Mais, nous ne pouvons nous contenter de comprendre. Il nous faut, dans un second temps réagir.
-       Quand on est sûr et qu'on a la preuve qu’il affabule, il faut amener l’enfant à reconnaître son mensonge et tenter de lui faire donner un sens à son acte. On lui demande alors de s'expliquer, de nous donner sa vision des faits. On redéfinit, on reformule avec lui, tout en le guidant vers la réalité des choses.
-       Bien sûr, il faut tenir compte de l'importance du mensonge. On peut ainsi ne pas le dramatiser, car selon  l'âge ou la maturité de l'enfant, il peut ne pas avoir de conséquences fâcheuses (notamment quand il cherche à embellir la vie). Mais, même petit, le mensonge ne doit pas être  banalisé. Il est important d’en expliquer les tenants et les aboutissants. Il doit servir de leçon et entraîner une sanction même symbolique.
-       Quand le mensonge est grave et peut avoir des effets négatifs sur le devenir de l’enfant, on doit encore plus réagir, trouver les réponses appropriées, pour éviter les résultats nuisibles.
-       Plusieurs solutions sont alors possibles, comme proposer à l’enfant de se dénoncer par écrit ou utiliser le principe de ’’ faute avouée, à moitié pardonnée’’, tourner à la dérision ou en parler avec tout le monde. Il est essentiel de lui expliquer les conséquences de son mensonge, vers là où cela pourrait l'emmener.
-       Il s’agit aussi de montrer à l’enfant ses responsabilités dans les nuisances ainsi produites, lui faire réaliser que le mensonge piège, qu’il peut entraîner une infraction au niveau de la loi.
-       Il y a bien d’autres formes de mensonges telles les fausses signatures au collège qui sont assimilables à un faux témoignage.
-       Si le mensonge peut amener des sanctions au quotidien, lorsqu’il masque une infraction aux règles établies, il peut aussi engendrer des conséquences terribles que l’enfant n’a pas envisagées, car il n’en a pas toujours conscience.
-       Qu’il reconnaisse ou non sa dissimulation, il est important de faire comprendre à l’enfant que l’adulte n’est pas dupe, qu’il a conscience du mensonge et qu’il sait que l’enfant a lui-même conscience de la situation.
-       Et puis il y a cette multiplication des mensonges qui amènent l’engrenage dangereux de la perte de confiance.
 
 

Réagir aux allégations de maltraitance

-       La parole de l’enfant peut révéler des circonstances qui le placent en situation de victime. Cela peut aller du plus banal au pire.
-       Ce sont par exemple ces parents qui préparent des vêtements inappropriés. Quand l’enfant réussit à dire son malaise, l’assistante familiale essaie de rattraper les choses pour son bien être, sa personnalité, son image par rapport aux autres, quant c’est possible.
-       Mais, les familles d’accueil sont aussi parfois destinataires de révélations des enfants placés qui évoquent des mauvais traitements vécus dans leur propre famille. Il est important de rappeler qu’on n'entend pas toujours, qu’on peut passer à coté, qu’on peut apprendre par d'autres.
-       Cela peut relever de maltraitance verbale (harcèlement moral) : « tu n’aurais pas du naître », « tu n’es pas l’enfant que l’on aurait voulu »…etc.
-       C’est aussi le cas de certaines maltraitances physiques : situation classique de la mère appelant une heure après le début d’un week-end programmé, pour prévenir que le beau père devient violent avec l’enfant. La famille d’accueil doit aller le récupérer, en se mettant en danger face au beau père.
-       Certains enfants vident leur sac, instantanément, le dimanche soir, à table devant tout le monde. D’autres vont attendre quelques jours après la visite, pour en parler.
-       Qu’elle soit immédiate ou différée, la révélation peut nous bouleverser. Comment réagir quand on est ainsi touché par le sort de l’enfant ? Comment réussir à gérer ses émotions?
-       La première réaction est à destination de l’enfant victime.
-       Sur le moment, il faut être disponible et surtout ne pas orienter les réponses à nos interrogations éventuelles.
-       Il faut essayer de se ressaisir et de ne pas se laisser envahir par ses sentiments.
-       Il est essentiel d’agir professionnellement : ne pas juger les événements, ni les victimes, ni les accusés, ne pas prendre de parti pris, afin de ne pas influencer l'enfant, mais au contraire savoir écouter, savoir parler calmement avec l'enfant pour qu'il puisse s'exprimer.
-       Il est important de noter précisément la nature et l'importance des violences (traces de coups, signes comportementaux inhabituels, notamment quand l’enfant rentre de chez ses parents...) et de faire remonter les révélations au référent. Faire un courrier en reprenant tous les mots de l’enfant.
-       L’enfant peut lui aussi être incité à écrire, dessiner son ressenti, son vécu du week-end en famille naturelle, l’assistante familiale peut-être autorisée par l’enfant à lire.
-       Il faut à un moment ou à un autre faire savoir à l’enfant que sa révélation va engendrer des procédures, des examens médicaux, des confrontations douloureuses, parfois une implosion de sa famille, qu’il peut se sentir paria, culpabilisé…. Mais, que nous sommes là pour le soutenir. La présence de l’adulte est importante : se rendre disponible, faire savoir à l’enfant qu’il est attendu et entendu, lui dire qu’on le prend au sérieux. Il a besoin d’être rassuré.
-       Ce n’est pas un moment difficile que pour l’enfant. L’assistante familiale peut rencontrer elle aussi des difficultés à recevoir ces confidences. Cela soulève des émotions qu’il faut gérer en sachant qu’on a le devoir de respecter les familles naturelles. C’est une situation éprouvante aux conséquences parfois éprouvantes quand notamment, il faut accompagner les enfants aux Assises.
-       D’où la pertinence à être soutenue : d’une part pour ne pas avoir su décoder la souffrance de l’enfant quand c’est le cas, et d’autre part pour faire face aux séismes de ces révélations tant sur l’enfant accueilli que sur sa propre cellule familiale. Suivant les services, l’accompagnement n’est pas le même. En pédopsychiatrie et en IME, les réponses des référents sont immédiates. Dans le cas de révélations de mauvais traitements, la famille d’accueil est exposée aux réactions très violentes de la famille naturelle.
-       La parole de l’enfant est-elle toujours fiable? Comment distinguer la parole "vraie" et le mensonge?
-       Toute parole est à prendre avec précaution, en fonction du contexte.
-       La vigilance est nécessaire pour éventuellement dédramatiser une situation qui peut être anodine.
-       Cette parole est parfois fragmentée ou interprétée.
-       Surtout que l’enfant ne mesure pas toujours les conséquences de ses révélations et qu’il peut se retrouver dans un scénario qu’il n’avait pas envisagé d’une part, et qu’il n’avait pas souhaité d’autre part.
-       Il est tout aussi important de préciser à l’enfant que sa parole va être transmise aux éducateurs, gendarmes, procureur, tribunal…, préciser que s’il a dit des choses fausses, cela peut être très grave. 
-       Il arrive que la famille d’accueil soit mise en cause par l’enfant et que cela ne s’avère pas vrai. Ce mécanisme est connu : accuser un tiers à tort, pour attirer l’attention sur  une personne que l’enfant ne peut désigner pour des raisons qui lui sont propres.
-       Quand la famille d’accueil ou son entourage est mise en cause, il convient d’éviter une précipitation et des décisions hâtives qui peuvent être source de préjudices tant sur le plan professionnel que pour l’intégrité morale des personnes qui ne sont encore que soupçonnées. La famille d’accueil peut avoir a à gérer des attitudes parfois irrespectueuses des gendarmes. Que le jeune parte ou qu’il reste, dans le cas d’une terrible accusation de la famille d’accueil qui s’avère fausse,  avoir un vrai soutien pour continuer le métier avec ou sans l’enfant accueilli doit permettre de rebondir.
 
 

Conclusion

Le travail de réflexion mené par les trois groupes d’assistantes familiales a permis de rentrer dans la complexité de la problématique choisie. A aucun moment, il n’a été question de chercher des solutions toutes faites ou des recettes. La lecture de ce travail permet de rappeler ce qui est au coeur de nos professions : l’indétermination et le bricolage.
 
Romuald Arvet l’explique fort bien : le cheminement que nous devons emprunter n’est jamais programmé à l’avance et demeure toujours inachevé. Notre rapport à l’enfant et à sa famille doit maintenir un lieu vide de tout savoir et de tout impératif toujours ouvert aux remaniements. Les réalités fugaces, déconcertantes et ambiguës que l’on rencontre au quotidien ne se prêtent ni à une mesure précise, ni à un calcul exact, ni au raisonnement rigoureux. Elles nécessitent au contraire de construire avec les usagers, au cas par cas, des solutions toujours particulières, garantissant la reconnaissance de la singularité du sujet.