Avec, sans et contre

Le premier n’arrive pas à se détacher d’une quête improbable : attendre un geste d’amour de la part d’un parent qui est trop en souffrance et trop indisponible pour répondre à ses demandes. Il est prêt à tout pour le culpabiliser et le contraindre à réagir, y compris sacrifier son avenir en espérant que se sentant responsable de l’échec de son fils, il réagira. La seconde préfère rester dans un placement qui lui apporte une sécurité et une continuité, plutôt que de prendre le risque d’aller vivre avec son parent. Elle craint de vivre de nouvelles blessures, en courant à l’échec du fait de son absence de fiabilité. Le troisième tient un propos radical : il refuse d’avoir le moindre contact avec son parent, en expliquant vouloir se protéger de la maladie mentale qui empêche ce dernier de faire face à ses responsabilités éducatives et affectives. Confrontés à ces réalités à chaque fois singulières, les professionnels se heurtent à un certain nombre de postulats idéologiques qui prétendent s’appliquer en toutes circonstances : « toujours partir du présupposé de la compétence des familles », « l’objectif de la protection de l’enfance, c’est le retour de la vie en famille », « la pire des familles vaut mieux que le meilleur des foyers ». Faut-il donc confirmer au premier sa croyance absolue dans les capacités de son parent, en lui expliquant qu’un jour il en sera aimé ? Faut-il contraindre la seconde à revenir en famille, car c’est le seul objectif possible ? Faut-il convaincre le troisième que la cohabitation avec un parent menaçant et dangereux vaut mieux que tout placement ? Si, dans l’immense majorité des situations, le travail avec les familles est nécessaire, utile et propice à l’épanouissement de leurs enfants, il est des situations où ce n’est pas le cas. Ouvrons-nous à l’ensemble dialectique des possibles : travaillons avec les parents à chaque fois que c’est possible, sans quand ils se montrent abandonniques et contre quand ils sont toxiques.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1200 ■ 02/02/2017

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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