La révolte des gueux

Vous avez aimé mai 1968 ? Vous allez adorer les émeutes de l’automne 2018. Au RSA, Léo doit se contenter, d’un reste à vivre de 3 € par jour. Karima se prive de repas pour permettre à sa fille de 5 ans de s’alimenter. Il fait 12° au domicile de cette famille qui n’a pas les moyens de se chauffer. « Aucune cause ne justifie de telles violences » a réagi notre Président. Mais ce n’était pas de cette violence-là, invisible et quotidienne, dont il parlait. Non, c’était à propos de celle des damnés qui ont mis le feu aux symboles de la richesse, de l’opulence et du luxe dans les quartiers huppés de la capitale. Humiliés, méprisés et avilis, ils ont « traversé la rue » pour exprimer leur rage et leur colère. Depuis quarante ans, les gouvernements successifs cherchent à rendre notre pays attractif aux capitaux circulant à travers le monde à la recherche des meilleurs profits : réduction des impôts pour les plus riches, diminution des charges pour les employeurs, généreuses subventions aux investisseurs. Il faut bien que quelqu’un paie. Ce sont les dépenses sociales qu’il faut réduire ! Willie est maltraité par son beau-père. Le juge a décidé de le retirer de sa famille. L’ASE n’a à lui proposer qu’un « placement à domicile ». Elle a fermé ses foyers, pour faire des économies. Youssouf vient juste d’avoir 18 ans. Mineur non accompagné, son accueil vient de s’arrêter. Ses éducateurs, l’indignation au cœur, le voient s’éloigner sans aucune solution que la rue. Le 115 refuse une nouvelle fois à Karim de dormir au chaud cette nuit : plus de place. Marina est autiste. Sa maman a été contrainte d’arrêter de travailler pour la garder les six demi-journées où elle n’est pas prise en charge dans cet hôpital de jour saturé. Non, la violence n’est pas la bonne solution. Non, les dégradations ne sont pas la bonne réponse. Non, l’émeute n’est pas la bonne réaction. Mais, que faire d’autre quand la frustration, l’injustice et l’iniquité poussent à la désespérance ?

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1242 ■ 10/01/2019

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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