L'éducation à la sexualité

Quelle éducation à la sexualité ?

Trop souvent, l’éducation sexuelle se résume à un enseignement sur la physiologie humaine doublé d’une information sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles et la protection contre les fécondations non désirées. La mobilisation contre le Sida et la réalité des 10.000 grossesses adolescentes que notre pays compte encore chaque année ont contribué à bétonner ces discours, par ailleurs fort utiles et incontournables. Sans s’opposer à ces approches, mais en voulant plutôt les compléter, ce dossier insistera surtout sur la dimension humaine des relations sexuelles.

 

Pour un apprentissage de l’amour

Savons-nous toujours écouter les vraies questions que nous posent les enfants et les adolescents sur les mystères de l’amour et de la sexualité ? Nous ne savons pas beaucoup plus donner les bonnes réponses. Pour y arriver, peut-être faut-il commencer par s’interroger sur ce qui fonde cette dimension essentielle de l’espèce humaine, sur les raisons qui nous poussent vers l’autre, sur ce qui apporte tant de bonheur mais aussi tant de peine. Un peu comme si l’on abordait le pourquoi avant d’évoquer le comment : démarche inhabituelle mais combien féconde.

« Je ne sais pas ce qui m’arrive : à l’école, il y a une fille qui me fait un drôle d’effet. A chaque fois que je la regarde, j’ai une boule au creux de l’estomac. » Ainsi s’exprime, un jour, Kévin, jeune adolescent de 14 ans. Et voilà son interlocuteur adulte entraîné sur le terrain oh combien complexe des délices et des affres de l’amour. Quelle réponse apporter ? On ne peut s’empêcher de penser à cette publicité télévisée pour une marque de lait. La scène est cocasse et pourtant si représentative : un père, plongé dans son journal, au moment du petit déjeuner, marmonne aux questions insistantes de son enfant qui lui demande de lui expliquer comment la bouteille de lait qui trône sur la table est fabriquée. L’enfant finit par aborder un autre sujet « dis, papa, comment on fait les enfants ? » Et le père, rabaissant son journal, de partir dans une longue explication n’omettant aucun détail sur la façon dont sont conçues ... les bouteilles de lait ! Que dire à Kévin qui attend d’être rassuré sur ce trouble qui le ronge ? Faut-il le renvoyer à celui des parents que l’on juge plus à même de dialoguer sur ce sujet ? Peut-on jouer de l’ironie, en se gaussant d’une façon graveleuse sur le « démon de midi » qui s’empare lui ? N’est-il pas préférable de se lancer dans une description biologique des fonctions reproductives ? Ou encore d’entonner le nécessaire discours sur la prévention du sida et autres maladies sexuellement transmissibles ? Ce sont là, convenons-en, des solutions faciles auxquelles l’adulte est plus facilement accessible. Bien plus difficile est l’échange qui porterait sur la dimension à la fois délicate et passionnante des sentiments que l’amour fait naître chez l’être humain.

 

L’amour, toujours !

Comment, en effet, expliquer à Kévin ce qu’évoquait déjà il y a 25 siècles la poétesse grecque Sapho dans un des ses poèmes d’amour :  « je reste sans voix à ta vue. Ma langue se brise, la fièvre me brûle, mes yeux se brouillent, mes oreilles bourdonnent, je transpire, je frisonne, je verdis, je crois mourir. » Quelle drôle d’alchimie  est ainsi à l’œuvre, avec pour manifestation tant une euphorie sans limites que des tourments insupportables, des nuits sans sommeil que des jours sans repos. L’individu se trouve inondé de joie ou assailli de craintes, préoccupé par le seul désir ardent de la prochaine rencontre, à en oublier ses proches ou son travail. Quand cette fièvre vous tient, elle vous coupe le souffle et vous anesthésie de bonheur. C’est là une sensation inoubliable qui constitue l’un des attraits de l’existence et quand elle s’effondre, l’un de ses pires moments. L’amour peut arriver à n’importe quel âge : il ne concerne pas que les adultes de 18 à 60 ans. Il peut tout autant s’emparer des enfants que des vieillards. L’espèce humaine n’en a pas le monopole. De nombreux animaux se caressent, se flairent, roucoulent et échangent des regards affectueux avant de copuler. Deux éléphants peuvent rester des heures durant à se frotter mutuellement la trompe, côte à côte, pendant le rut.  Il s’est même trouvé en 1988, dans l’Etat américain du Vermont, un élan pour tomber amoureux d’une vache et de la suivre pendant 76 jours avant de renoncer à ses assiduités et à son désir ! Il n’est donc pas étonnant de constater que la civilisation humaine regorge sur tous les continents et à toutes les époques, d’histoires d’amour, de mythes, de légendes, de poèmes, d’élixir d’amour, de sortilèges, de querelles d’amants, de rendez-vous galants etc ... (1)

 

Recherche l’autre désespérément

Ce plaisir infini de se retrouver ensemble, de vibrer à l’unisson, de se sentir ne plus faire qu’un, semble relever d’une véritable quête éperdue pour sa « moitié ». Cette démarche universelle a d’abord eu une explication poétique, comme l’atteste ce récit d’Aristophane rapporté en 385 par Platon dans son célèbre « Banquet », connu sous le titre du « mythe de l’androgyne ». Au tout début de l’humanité existaient des êtres sphériques possédant tout en double : les flancs, les pieds, les mains, le visage et le sexe. Dotées d’une force considérable, ils n’hésitèrent pas à défier les Dieux. Pour les punir de leur immense orgueil, Zeus décida de les couper en deux et de les contraindre à rechercher ensemble leur fraction complémentaire jusqu’à ce qu’ils puissent ainsi recréer leur unité. Et Zeus de menacer : « Mais si les hommes continuent à mal se comporter, je les diviserai à nouveau et ils sautilleront sur une seule jambe ».  Plusieurs autre récits montrent l’universalité de ce mythe. En Inde, Siva Andhanarisvara est un seigneur à moitié femme par son côté gauche, et à moitié homme par son côté droit, la coupure verticale permettant de partager le corps en deux. Un mythe Aztèque évoque des césures horizontales, le premier homme et la première femme n’étant pas alors dotés de la partie inférieure du corps. En Chine, des êtres possèdent un bras droit et une jambe gauche ou vice versa. A chaque fois, l’idée est bien de se marier avec celui ou celle qui fournira les pièces manquantes du puzzle !

 

Une reproduction sexuée

Plus prosaïquement, cette tension irrépressible qui incite à trouver dans l’autre réconfort, sécurité et affection est à relier à la loi qui pousse tout être vivant, de la plus infime bactérie jusqu’à l’organisme le plus complexe, à se reproduire. Certaines espèces ont choisi des modes de reproduction non sexués. Ainsi, de la fraise qui, selon les circonstances, peut être fécondée ou au contraire se cloner et du Lombric qui, étant à la fois mâle et femelle, s’auto-féconde. Sans oublier cette originalité de certains poissons, comme le poisson éboueur de la Grande barrière de Corail en Australie, capable  de passer d’un sexe à l’autre : si l’unique mâle vient à disparaître, la femelle dominante se transforme et prend sa place (1). Pour l’espèce humaine, rien de tel. La parthénogenèse a été récemment appliquée à des brebis et des chats. Mais, mis à part les fanfaronnades des Raëliens, annonçant fin novembre 2001 le premier clonage humain, seule la Vierge Marie semble, du moins si l’on en croit le nouveau testament, en avoir jamais bénéficié ! L’hermaphrodisme, particularité d’un être vivant possédant des caractéristiques propres aux deux sexes, ne concerne que deux à trois enfants sur mille naissances. Des opérations chirurgicales leur permettent, très tôt, de s’identifier à un genre. Quant au transsexualisme qui permet de changer de sexe biologique, cinq à six milles personne seraient concernés par cette pratique. Reste la pratique concernant la presque totalité de la population et qui a fait ses preuves depuis des millions d’années : l’accouplement. Immense avantage de cette solution : l’individu qui en est issu profite par moitié du capital génétique de chacun de ses deux parents, cette diversité et cette variété décuplant ses chances de survie et d’adaptation.

 

Le plaisir d’être à deux

Si l’objectif de la mise en couple est chez l’être humain déterminé biologiquement par l’impératif de la reproduction de l’espèce, nous avons vu que ce choix n’est pas à proprement parler rationnel et réfléchi, mais qu’il prend plutôt ses sources du côté de la passion, du plaisir et de la recherche du bien-être. Que la séduction soit progressive ou que l’on ait à faire à un coup de foudre qui enflamme l’individu dans la seconde qui suit, cet élan qui nous porte vers l’élu(e) de notre cœur s’avère le plus fréquemment inexorable. Là aussi toutefois, la biologie joue un rôle essentiel. Les scientifiques ont découvert une hormone qui fut bientôt désignée comme la  « molécule de l'amour » : le phénylethylamine. Sécrétée par le cerveau humain, cette substance, dont la concentration est en nette augmentation chez les amoureux, est à l’origine du déclenchement des sensations d’allégresse, d’exultation et d’euphorie. Cet état de béatitude purement psychique est très vite renforcé par le plaisir sexuel. Les amants recherchent ensemble et trouvent l’harmonie qui permet à chacun(e) d’obtenir la plénitude physique. Les caresses, les enlacements et les étreintes qui débouchent sur l’acte sexuel, provoquent une jouissance des corps et des esprits que peu d’autre chose n’a vraiment réussi à égaler à ce jour. La nature a atteint son objectif (la procréation) en utilisant un moyen efficace entre tous (le bonheur par la sensualité). Il suffit, en outre, que les amants cherchent à renouveler cette satisfaction, pour que les occasions de la reproduction s’en trouvent multipliées (et, en moyenne les couples ont 13 rapports par mois dans les deux premières années de vie commune, puis 9 à 10 à partir de  cinq années, de quoi multiplier les occasions de se procréer). Heureusement, les moyens de contraception modernes ont permis de débarrasser la vie sexuelle de la menace présente pendant des millions d’années de grossesses non désirées.

 

De la sexualité infantile ...

La sexualité que nous venons d’évoquer est génitale (elle utilise des organes génitaux arrivés à maturité) et reproductrice (elle intervient avec des partenaires en capacité d’engendrer une descendance). Mais le plaisir n’attend pas la puberté pour émerger. Il naît avec le petit d’homme. Dès sept mois de grossesse, on distingue très bien sur certaines échographies, le phallus du fœtus de sexe masculin, déjà en érection. Progressivement, après la naissance, le bébé va découvrir les différentes zones érogènes de son corps. C’est d’abord la cavité buccale (les lèvres, la bouche) qui est le lieu des satisfactions et frustrations principales (autour de l’assouvissement de la faim), et qui devient très vite source d’auto-érotisme (plaisir de sucer). C’est, ensuite, la maîtrise musculaire anale qui procure à l’enfant des satisfactions, par simple retenue ou délivrance des matières fécales. Mais, ce sont bien ses parties sexuelles qui vont faire l’objet de sollicitations essentielles, à la fois multiples et appuyées, en raison de l’immense bien-être que ces caresses procurent. La masturbation intervient très tôt. Dès lors que l’enfant a repéré les parties de son corps dont la stimulation lui procurait une grande délectation, il n’y a aucune raison qu’il y renonce,  sauf à ce qu’une intervention adulte vienne le culpabiliser. C’est bien cette libido, terme qu’utilise Sigmund Freud pour désigner l’énergie sexuelle à l’origine de la vitalité et du dynamisme qui anime l’être humain, qui se décline jusqu’à 6 ans, avant de se mettre en veille ou plus exactement de se sublimer dans la curiosité intellectuelle et l’investissement de l’apprentissage scolaire jusqu’à la période de la puberté. La sexualité, on le constate, existe bien dès les premiers jours de notre existence. Mais sa forme diffère totalement de ce qui va se vivre à l’adolescence puis à l’âge adulte.

 

... à la sexualité adolescente

L’adolescence marque l’émergence chez l’individu de nouvelles forces intellectuelles (l’enfant entre dans le raisonnement abstrait et est capable de déduction à partir d’hypothèses) et physiques (la croissance rapide du squelette et des muscles donnent une nouvelle puissance corporelle). Les hormones libérées dans le corps provoquent le changement des organes sexuels, font pousser la pilosité, muer la voix etc ... sans compter les pulsions qui se réveillent. Le jeune est littéralement tourmenté par des forces qu’il essaie de calmer en se précipitant sur tous les plaisirs possibles et imaginables, qu’ils soient oraux (gloutonnerie, anorexie, toxicomanie...), anaux (saleté, violence, provocation...), scopiques (exhibition, curiosité malsaine...), auditifs (bruit, musique tonitruante...). Mais loin de calmer ses pulsions, les plaisirs auxquels il s’adonne de façon désordonnée, semblent les décupler encore (2). Seule la relation à l’autre lui permettra de répondre au bouillonnement hormonal qui l’agite. Car, si la sexualité de l’enfant peut se satisfaire du rapport à son seul corps, la sexualité adulte vers laquelle le jeune chemine, implique d’abandonner la voie courte de la jouissance autocentrée au profit de la voie longue de la conquête de l’autre. Ce qui n’est pas simple à mettre en œuvre : éprouver du désir pour quelqu’un  ne signifie pas que cela soit réciproque. L’échec d’une aventure sentimentale peut inciter à un retour vers les pratiques auto-érotiques qui avaient assuré la sécurité narcissique et mise à l’abri des frustrations. Mais une fois la puberté passée, ce fonctionnement n’apporte plus les mêmes réconforts qu’autrefois et l’ouverture relationnelle ainsi que la curiosité pour les autres restent plus fortes que toute aspiration à l’autosuffisance. (3)

 

Quelle éducation sexuelle ?

Cette réalité est déjà complexe à vivre. Quand il faut la faire partager à des interlocuteurs adultes, c’est encore plus compliqué. Du côté des adultes ce n’est pas plus simple. Il n’est pas toujours facile d’aborder la sexualité avec des enfants et encore plus avec des adolescents. Il y a d’abord la pudeur que ceux-ci manifestent et qui peut toujours être brusquée par un propos trop brutal ou une explication trop rapide. Il y a ensuite la gène des adultes. C’est qu’après 35 années de « libération des mœurs », la vieille morale sexuelle est loin d’avoir démissionné. Elle réapparaît même chez certains jeunes qui l’investissent comme valeur-refuge : éloge de la virginité des filles avant le mariage, honneur de la famille liée à la pureté de ces mêmes filles... Si l’information sur l’appareil génital du garçon et de la fille et leur fonctionnement reste incontournable, si les campagnes de prévention concernant notamment l’usage du préservatif ne doivent pas être abandonnées, surtout dans une période où le Sida semble relever la tête, pour autant, il y a  tout un pan de l’éducation aux comportements sexuels qui est trop souvent négligé. Et c’est bien à des questions naïves et inquiètes, concrètes et insatiables auxquelles il faut savoir répondre : comment aller vers l’autre, le séduire, le retenir ? Comment se débrouiller avec un corps qui change dont on ne sait pas toujours bien utiliser ? Quelle nouvelle relation tisser avec son entourage, sa fratrie, ses parents ?

 

Les questions que se posent les ados ...

Les adultes n’ont pas toujours conscience des centres d’intérêt des adolescents à propos de la sexualité : « quelle est la taille standard européenne du pénis ? », « un aveugle peut-il faire l’amour ? » «  Que se passe-t-il quand on reste coincé ? Que faut-il faire ? », « A quel âge pourrai-je faire l’amour et que mes parents trouvent cela normal ? », « Est-ce que l’amitié peut être plus forte que l’amour ? », « Est-ce une honte d’être puceau ? », « Quand on est timide, comment inviter une fille à sortir ? », « Il y a un garçon qui m’attire, mais il me semble inaccessible : comment pourrai-je faire pour qu’il me remarque, qu’il me parle ? », « Comment être sûr qu’on a trouvé la bonne personne, celle qui est pour nous ? », « Jusqu’où peut-on aller quand on est jaloux ? », « Comment savoir qu’une fille est fidèle ? » (4)  Bien sûr, il n’est pas toujours évident de savoir apporter la bonne réponse. Ce qui l’emporte ici c’est la subjectivité. On quitte le ton doctoral de celui qui sait pour l’avis plus hésitant de celui qui ne peut parler qu’à partir de sa propre expérience. Car comment parler de l’amour, en sortant du seul discours physiologique, sinon avant tout, en s’impliquant, en partant de soi, en dévoilant peu ou prou sa propre intimité. Cela ne veut pas dire étaler sa vie privée, mais illustrer le paradoxe qui est sans doute l’une des raisons du blocage du monde adulte sur cette question : partir de ce qu’on a de plus personnel pour que cela puisse servir aux autres, s’appuyer sur ce qui a été unique pour tenter de généraliser, se baser sur l’incommunicable pour essayer de rendre compréhensible. Quadrature du cercle ? Effectivement ! Mais, c’est le défi à relever pour que les sources essentielles d’éducation sexuelle ne soient pas les cassettes pornographiques, les rumeurs et les réflexes sexistes, misogynes et discriminatoires.

 

(1) « Histoire naturelle de l’amour » Helen Fischer, Robert Laffont, 1994
(2) « Défi à la pudeur. Quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes » Gérard Bonnet, Albin Michel, 2003
 (3) « Les éternels adolescents. Comment devenir adulte » François Ladame, Odile Jacob, 2003
(4) « Aimer à l’adolescence –Ce que pensent et vivent les 13-18 ans » Denise Stagnara, Dunod, 1999

 

Lire interview Bandecchi Yvelise - Education sexuelle

 

Jacques Trémintin – Journal de L’Animation  ■ n°49 ■ mai 2004

 

 

 

 

Fiche n°1 : Comportements d’hier et d’aujourd’hui

Les comportements humains sont autant de nœuds complexes où s’entremêlent des facteurs héréditaires et des causes déterminées par l’environnement. La sexualité n’échappe pas à cette règle. Certaines conduites pourraient bien être liées à des conditionnements remontant très loin dans le passé de l’histoire de l’être humain. L’intérêt génétique du mâle des hordes primitives consistait à tomber amoureux d’une femme susceptible d’engendrer une progéniture viable. D’où la recherche privilégiée des signes extérieurs de bonne santé et de beauté garant à ses yeux de la qualité de bonne reproductrice de la femelle humaine. L’intérêt génétique de la femelle consistait à trouver un mâle en capacité de subvenir aux besoins de ses descendants et de leur mère. D’où la recherche d’individus forts capable à la fois d’être protecteur et bon pourvoyeur de nourriture. La tradition de l’invitation au restaurant de la part de l’amant remonterait à l’époque où il convenait de démontrer ses capacités de bon chasseur. La vie en couple daterait de la période historique où, l’espèce ayant renoncé à la vie dans les arbres, la femelle pré-humaine avait besoin d’un compagnon attaché à elle pour l’aider à protéger sa progéniture. La propension identifiée universellement à l’adultère serait liée à la recherche de la diversité sexuelle garantissant chez l’homme un plus grand nombre de descendants et chez la femme la variété génétique des enfants qu’elle met au monde. La  limite de quatre ans au-delà de laquelle, on constate statistiquement dans tous les pays une explosion du nombre des divorces correspondrait quant à elle, à l’âge auquel les enfants des premières communautés humaines atteignant le sevrage, n’avait plus un besoin vital de ses deux parents. Comme quoi, bien des comportements considérés à l’aune d’un contexte contemporain pourraient remonter à des millions d’années.

Lire : « Histoire naturelle de l’amour » Helen Fisher, Robert Laffont, 1994

 

 

Fiche n°2 : Quand la pornographie éloigne de l’autre

Le déferlement du genre classé X concerne les chaînes de télé (en 2002, elles ont diffusé 943 films de cette catégorie), 30% des cassettes vidéo louées, sans oublier une publicité aux messages de plus en plus souvent obscènes. Cela fait bien longtemps déjà que les films pornographiques ont quitté les ghettos des sex-shops et des salles spécialisées pour circuler sous forme de cassettes, au cœur même des cours de collège et de lycée, quand elles ne se passent pas sous le manteau, dès la primaire. Des enfants, tout comme de jeunes préadolescents ou des adolescents les visionnent comme autant de défis lancés au monde adulte ou tentatives de mimétisme, « pour faire comme les grands ». Il ne s’agit pas de s’inscrire ici dans une quelconque croisade morale, mais de savoir distinguer ce qui correspond bien plus à l’expression d’une sexualité épanouie et ce qui relève du tourbillon mal contrôlé de ses pulsions. Car si la sexualité a toujours constitué le moyen par excellence pour faire pièce aux tendances destructrices et mortifères de l’être humain, elle peut aussi s’avérer un moyen de domination et de soumission de l’autre, débouchant sur les viols collectifs et autres « tournantes ». Bien sûr, de tous temps et sur tous les continents, la société a inventé son propre attirail pour enrichir l’excitation sexuelle. Récits, dessins, peintures, instruments divers ... l’ingéniosité n’a jamais manqué pour stimuler la libido. Notre société moderne a poussé très loin l’art de la sensualité et de la volupté. Elle a su aussi développer une dimension exhibitionniste beaucoup plus malsaine. Car, si l’érotisme se situe bien du côté de l’amour, la pornographie penche, quant à elle, du côté de la prostitution. Au début de l’enfance, il y a une sexualité pulsionnelle qui se vit grâce à la rencontre d’un objet partiel, essentiellement alimenté par l’imaginaire et le fantasme. C’est le stade que ne dépasse pas l’enfance. Vient ensuite la sexualité génitale qui se vit dans la rencontre entre deux sexes. Elle se combine, à l’âge adulte avec la première. La perversité de l’exhibitionnisme et de la pornographie tient au fait qu’elle transforme la sexualité génitale en instrument de la sexualité pulsionnelle. C’est aussi parce que ses scénarios obscènes enferment l’individu dans des schémas tout faits, dans une vision particulièrement rétrécie de la sexualité, la réduisant au coït. L’histoire est toujours le même : un homme exerce le pouvoir sur une femme, la contrôlant totalement et s’en servant comme bon lui semble. La confusion est totale entre la réalité et sa représentation que fige la pornographie. Le jeune public, tout en se doutant que les choses ne se passent pas exactement comme cela, peut être tenté malgré tout d’y croire avec comme risque que son imaginaire sexuel et amoureux aboutisse à une construction tronquée. Les effets sur les enfants sont très déstabilisants : le fantasme (projection de l’imaginaire sur l’extérieur) est percuté par le traumatisme d’une image (véritable intrusion dans son psychisme), venant ainsi brusquer une élaboration qui se voulait progressive. Les conséquences sur les adolescents sont encore pires : non seulement, ils se représentent la relation d’amour selon un modèle totalement perverti, mais la pornographie en répondant à leur recherche d’immédiateté, sans jamais les satisfaire réellement, les éloigne de la seule relation qui peut vraiment les satisfaire : la relation au partenaire.  Si le plaisir est décuplé, immédiat et maîtrisable, il n’est pas dédoublé, l’autre étant maintenu à distance. Ce n’est qu’en acceptant son alter ego en amour de la même façon qu’eux-mêmes sont acceptés qu’ils pourront le voir autrement qu’au travers de son seul sexe.

A lire : « Défi à la pudeur. Quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes » Gérard Bonnet, Albin Michel, 2003

 

 

Fiche n°3 : L’âge médian au premier rapport sexuel

Contrairement à ce qu’on imagine fréquemment, le premier rapport sexuel a lieu le plus souvent très tard dans l’adolescence. En France, les hommes et les femmes né entre 1944 et 1953 déclaraient avoir eu leur premier rapport sexuel en moyenne à respectivement 17,9 et 18,9 ans. Trente ans plus tard, l’âge déclaré est respectivement de 17,4 et 17,6. Remarquons que ces statistiques étant basées sur de libres déclarations, on peut imaginer que certains déclarants préfèrent rajeunir que vieillir la date de leurs premiers rapports. Bien sûr, certains jeunes gens peuvent passer à l’acte beaucoup plus tôt et d’autre beaucoup plus tard. Mais en moyenne, pour les personnes nées vers 1970 et selon les pays, l’âge du premier rapport a lieu à :

                                   Femme           Homme
Allemagne :                  17,7                 17,7
Belgique :                     18,4                 17,9
Danemark :                  16,7                17,4
Espagne :                     19,1                18,2
Finlande :                      18,0                18,0
France :                        17,6                17,4
Grande-Bretagne :       17,4                17,1
Grèce :                         19,0               17,4
Islande :                        16,6               16,6
Italie :                            20,3                18,4
Norvège :                      17,5                18,1
Pays-Bas :                 18,3                18,3
Portugal :                    19,8                17,4
Suisse :                      18,4                 18,2
Etats-Unis :                17,6                 17,1

Source : INED - Juin 2003

 

 

Fiche n°4 : Quelle attitude adopter face aux questions sur la sexualité ?

Dans ce dossier, nous avons insisté sur la nécessité de pouvoir répondre aux enfants et aux jeunes sur les questions qu’ils se posent sur la sexualité. Francine Duquet, sexologue et Professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal, propose sept règles de fonctionnement pour une intervention en matière d’éducation à la sexualité. Il s’agit de conventions à adopter préalablement à tout échange avec des enfants et des jeunes sur ces questions. Il s’agit ici de créer un climat de confiance et de bienveillance afin de permettre un échange de qualité.

1-      Etre sensible et respectueux des réactions et des sentiments manifestés par chacun.
2-      Etre attentif à ce que tout le monde a à dire (pas besoin d’avoir vécu une relation amoureuse ou d’avoir déjà eu des expériences sexuelles pour avoir un point de vue).
3-      Ne jamais faire de commentaires absolus ou définitifs.
4-      Ne jamais ridiculiser ou se moquer à la suite d’une question ou d’un commentaire qui peuvent sembler saugrenus.
5-      Chacun a droit de passer son tour, c’est à dire de ne pas répondre à une question.
6-      On ne discutera pas de comportement personnel et on ramènera l’échange sur le pour et le contre du comportement ou de la situation en question en indiquant, au besoin, les divers points de vue.
7-      Essayer d’employer les termes exacts.

 

 

Fiche n°5 : Quelles questions  se pose-t-on entre 5 ans et 17 ans ?

Afin de commencer à s’exercer à répondre aux enfants et aux jeunes, nous proposons au lecteur quelques questions ... on ramasse les copies dans une heure !

 5-6 ans
-  Comment le bébé est-il entré dans le ventre de la maman ?
-  À quoi ça sert un pénis ?
-  Pourquoi maman saigne ?

7-8 ans
-  Qu’est-ce que ça veut dire « faire l’amour» ?
-  Quand mes seins vont-ils pousser ?
-  Est-ce que les enfants peuvent attraper le sida ?

9-10 ans
-  Est-ce qu’on fait un bébé à chaque fois que l’on fait l’amour ?
-  Qu’est-ce qui fait des jumeaux ?
-  Pourquoi des poils poussent-ils à un certain âge ?

11-13 ans
-  Quand le sexe a-t-il été inventé ?
-  Est-ce mal de faire le sexe avant le mariage ?
-  Quelle est la taille normale d’un pénis ?
-  Mon frère regarde souvent le magazine Penthouse (filles toutes nues). Pourquoi fait-il cela ?
-  C’est quoi faire une pipe ?
-  Après combien de sorties avec une fille est-il meilleur d’avoir une vie sexuelle ?
-  Est-ce vrai que si le pénis du gars est trop gros ou trop long, il peut défoncer la fille ?
-  Je me demande si c’est vrai que la fille a deux ouvertures. J’en ai entendu parler, mais je me demande si c’est vrai.
-  Les gars ont-ils une virginité ?
-  Pourquoi les gars pensent qu’on ne les aime pas si on ne fait pas l’amour ?

14-15 ans
-  Lorsque le préservatif se déchire, quoi faire ?
-  Comment ça se passe la première fois ? Comment te sens-tu après ?
-  Est-ce que ça dérange d’avoir des relations sexuelles jeune ?
-  Pourquoi les filles crient durant une relation sexuelle ?
-  Comment dire à quelqu’un qu’on l’aime, lorsqu’on est trop gêné ?
-  Qu’est-ce que le sexe oral ?
-  C’est quoi un orgasme ?
-  Pourquoi les gars regardent-ils toujours les filles même s’ils ont une copine ?
-  Comment savoir si un gars nous aime vraiment ? S’il nous respecte ?
-  Comment dire à mes parents que je prends la pilule ?
-  Est-ce que les parents devraient savoir que l’on a un petit ami régulier ?
-  Jusqu’où peut-on aller la première fois que l’on rencontre quelqu’un ?
-  Pourquoi les parents ne répondent-ils pas à nos questions franchement ?
-  Est-ce mal de se masturber ?
-  Qu’est-ce que le grand Amour ?
-  Suis-je normal si je n’ai pas encore embrassé un garçon à 15 ans ?
-  Est-ce normal de regarder des films pornos ?
-  Faut-il toujours parler pendant l’amour ?
-  Comment faire grossir les seins ?
-  La sodomie est-elle un acte d’amour ?
-  Mon copain veut que je le suce. Est-ce que c’est bien ?
-  Vais-je empoisonner ma copine si elle avale mon sperme quand elle me suce ?
-  J’aime un garçon et il ne m’aime pas. Est-ce que je dois faire l’amour ?
-  Aimer et faire l’amour, ce n’est pas pareil ?

16-17 ans
-  Comment contrôler la jalousie ?
-  Comment se résigner à aimer une fille qui ne nous aime pas ?
-  Pourquoi les couples d’aujourd’hui se séparent plus qu’avant ?
-  Comment les filles devraient réagir aux avances d’un garçon ?
-  Est-ce que c’est normal qu’un couple qui s’aime beaucoup puisse avoir plusieurs petits conflits ?
-  Comment savoir si les filles sont sincères ?
-  J’aimerais savoir comment faire comprendre à quelqu’un que tu ne l’aimes plus, sans lui faire de peine.
-  Le mariage a-t-il encore une certaine valeur ?
-  Une de mes amies croyait être enceinte, comment aurais-je pu l’aider? Je me sentais impuissante.
-  Durant la relation sexuelle, entre la pénétration et l’éjaculation, le gars ressent-il quelque chose ?
-  Pourquoi font-ils tant d’histoires à propos du sexe ?
-  Moi, je n’ai rien trouvé de si spécial. Suis-je frigide ?
-  Pourquoi les garçons doivent se faire circoncire leurs partie s?
-  Que dois-je faire pour exciter mon copain ? Que dois-je porter ?
-  Qu’est-ce que signifie : séropositif (séronégatif) ?
-  Si je n’ai pas aimé faire l’amour avec un gars, est-ce que ça veut dire que je suis lesbienne ?
-  Faut-il des accessoires pour l’amour ?
-  Comment devient-on homo ?

D’après « L’éducation à la sexualité dans le contexte de la réforme de l’éducation »

Francine Duquet, sexologue, Professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal.

 

 

 

Bibliographie

►     « Aimer à l’adolescence –Ce que pensent et vivent les 13-18 ans » Denise Stagnara, Dunod, 1999

Depuis 1966, l’association Sésame assure des interventions dans les collèges et les lycées portant sur l’éducation affective et sexuelle. Ce sont d’abord les adultes qui sont sollicités (parents et professeurs). Les élèves eux, adressent des questions anonymes, individuelles et écrites. C’est à partir de ce matériau qu’a lieu la rencontre avec les jeunes et que s‘organisent les échanges. C’est bien à partir des inquiétudes, des interrogations et questionnements des principaux intéressés que des réponses adéquates peut être apportées. L’ouvrage de Denise Stagnara reprend un certain nombre de questions et présentent un certain nombre de réponses qui s’inspirent avant tout de la volonté de « parler d’abord de la beauté de l’amour humain, de la relation privilégiée entre un homme et une femme qui s’aiment, qui unissent tout d’eux-mêmes, corps, cœur, esprit, c’est à dire leurs projets, leurs goûts, leurs rêves. Cette relation découle d’un choix librement consenti et non pas d’une obligation, d’une violence, puisque chacun est propriétaire de soi-même et peut ainsi se donner et recevoir l’autre. Personne n’a de droit sur l’autre. » (p.124)

►     « L’éducation sexuelle sans peines » Yvonne Rousseau, Editions jeunesse et droit,  1999

La sexualité a droit de cité chez le petit d’homme à tout âge. Dès sa naissance, le bébé a besoin du contact corporel et des caresses maternels. L’enfant, bien nourri de ces gratifications physiques, pourra d’autant mieux se tourner vers l’autre, vers le monde extérieur. Il se détachera de lui-même de cette proximité, n’y revenant que pour se rassurer ou vérifier sa sécurité. Il deviendra alors un adulte épanoui. Ne pas prendre en considération ce besoin, c’est préparer le terrain aux perversions et à la pédophilie.

Certes, le temps est loin où l’on faisait « honte à l’enfant de ses curiosités touchant le corps, de ses découvertes de plaisirs, de son intérêt pour le corps des autres et de ses investigations » (p.63) Mais est-il complètement révolu ? L’éducation sexuelle ne doit être qu’une des modalités de l’éducation générale qui vise à l’épanouissement des facultés de chacun et à l’intégration harmonieuse au sein de la société. A plus de 90 ans Yvonne Rousseau nous le confirme à partir de son expérience de psychanalyste.

►     « Tout ce que vous ne devriez jamais savoir sur la sexualité de vos enfants » Marcel Rufo, édition Anne Carrière, 2003

Il est généralement admis que la sexualité des parents doive rester inconnue aux enfants. Ce qui se passe dans le secret de l’alcôve ne les regarde pas. Il est moins fréquent d’entendre que la sexualité des enfants doit, elle aussi, échapper à la connaissance parentale. Le célèbre pédopsychiatre marseillais le proclame haut et fort : cette activité humaine doit être placée sous le signe du plus grand respect et de la plus grande pudeur. Car, elle constitue l’un des axes essentiels de la structuration de la personnalité de chacun. Les six ou sept premières années de la vie sont placées sous le signe du plaisir, du désir et de la connaissance de son corps et de son sexe. Cette appropriation anatomique prend la forme d’une masturbation qui constitue une étape importante du développement de l’enfant. L’adolescence et son lot de flirts, intervient comme période  privilégiée où l’on fait ses gammes dans les rapports humains, où l’on apprivoise les relations entre pairs. Marcel Rufo, nous propose un ouvrage assez décapant, bourré d’exemples concrets qui revendique, entre le tout-interdit d’hier et le tout sexualisé d’aujourd’hui, une sexualité vécue librement, mais qui se veut la conquête permanente d’histoires intimes.

►     « Full sexuel. La vie amoureuse des adolescents » Jocelyne Robert, Les éditions de l’Homme, 2003

Voilà un ouvrage qui décoiffe. Habilement écrit par une sexologue québécoise,  illustré avec humour et finesse, il ne peut que plaire par son ton à la fois pertinent et impertinent. Ici, par de cours de tuyauterie ou de plomberie, pas de discours alarmiste ni moralisateur : juste un dialogue autour de choses simples et pourtant si complexes à transmettre sur le désir, le plaisir, la relation, l’amour ... Faire de la sexualité une source d’épanouissement plutôt que d’appauvrissement, d’émerveillement plutôt que de dégoût : tel est le défi que s’est fixée l’auteure. Et pour cela, elle n’hésite pas à s’attaquer de front aux traditionnels tabous adolescents. Et d’expliquer que tous les traités de techniques sexuelles ne vaudront pas la découverte réciproque entre partenaires : confiance, respect, délicatesse d’approche, capacité de se dévoiler, goût de découvrir, abandon... Toute autre est l’attitude qui cherche à s’imposer ou obtenir satisfaction par la menace, mais aussi à céder pour ne pas apparaître nulle ou subir plutôt que de risquer de le perdre, c’est surtout pas de l’amour. Un ouvrage à surtout laisser traîner entre toutes les mains. Son intelligence d’approche et sa sensibilité son autant de réponses à la vulgarité ou aux obscénités que des adolescents croient devoir adopter parfois en pensant ainsi se rendre dignes d’entrer dans le monde des adultes.