La télévision
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Faut-il éteindre la télévision ?
Rarement, une invention n’aura à ce point révolutionné la communication humaine tout en faisant l’objet d'autant de polémiques. Pour les uns, la télévision est un extraordinaire outil de démocratisation, d'éducation et de loisir. Pour les autres, elle constitue un fantastique instrument de manipulation, d'abêtissement et de destruction des liens sociaux. Elle ne mérite peut-être finalement ni tant d’honneur, ni tant d’indignité ! Comment utiliser ce support, sans être instrumentalisé ? Comment apprendre à consommer l’image télévisuelle, tout en gardant l’esprit critique minimal ? Notre dossier de rentrée tente de répondre à toutes ces questions.L’étrange lucarne qui fit son apparition en 1949 concernait alors 297 foyers. En 2007, 97,4 % des ménages en sont équipés. Cet appareil a progressivement colonisé toutes les pièces d’habitation. Trônant initialement au salon, il s’est invité dans la cuisine, dans la chambre des parents … puis dans celle des enfants. Il reste allumé en moyenne 5 heures et 36 minutes par jour, avec des pointes de six à sept heures en hiver. Mais, dans bien des foyers, il fonctionne en quasi-permanence, occupant l’espace et le temps, remplissant ou provoquant le vide relationnel et compensant par sa présence le silence ou la solitude. Beaucoup allument leur télévision comme on ouvre un robinet d’eau, par simple habitude. Sur les huit magazines qui vendent plus d’un million d’exemplaires, six -dont les quatre premiers- sont des hebdomadaires de programme TV (1). Il n’est guère nécessaire de chercher plus avant pour le démontrer : la télévision est devenue dans notre société le media incontournable (concernant 52 millions de spectateurs potentiels), le premier loisir (occupant plus de 70% de notre temps libre) et la source d’influence majeure (exister publiquement passe par l’obligation d’ « être vu à la télé »). Les téléphages constituent donc une majorité écrasante de la population, rejetant aux marges celles et ceux qui s’honorent de ne pas posséder chez eux le moindre poste ou de réussir à le regarder avec modération. Ce qui n’empêche pas paradoxalement de voir se multiplier les critiques, les attaques et les mises en cause.
La télé contre le lien social
Première critique à être faite à la télévision, celle de favoriser le repli sur soi. Ce que résume bien le sociologue Daniel Bougnoux : "Nous demandons à la télé de nous mettre dans un état de relaxation qui permet sans bouger de chez nous et sans avoir à faire face à l’horrible monde et aux horribles "autres", de vivre ensemble séparément, d’avoir le monde chez soi. Cette vitrification de tout ce qui peut arriver (la télé est d’abord une vitre) permet d’avoir la jouissance de la stimulation sensorielle mais de façon filtrée et amortie." (2) Ce mécanisme se joue en deux temps. C’est, d’abord, l’isolement dans la sphère privée. Le temps consacré au petit écran correspond à autant de moments de vie que l’on ne partage pas avec le monde extérieur. Mais, la coupure d’avec l’environnement ne se joue pas uniquement dans l’isolement à l’intérieur de chez soi. Elle intervient aussi au coeur même de la famille. La consommation des programmes se fait en silence. Et si l’émotion et les commentaires peuvent pas être partagés, c’est bien dans la limite où cela ne gène pas son voisin, l’impétrant étant très vite invité à se taire. Une enquête a permis d’établir que 62,8% des enfants dînent alors que le téléviseur fonctionne. Ce moment du repas, lieu privilégié où l’on peut se parler, est envahi par une image et un commentaire venant remplacer la communication familiale. Certes, il arrive que le téléviseur allumé soit avant tout un fond sonore qui n’empêche pas les échanges. Mais, dans bien d’autres situations, la moindre tentative de prise de parole à table est très vite coupé par un « chut, j’écoute » qui décourage très vite son initiateur.Un téléspectateur sous contrôle
Le lien qui unit au téléviseur est de nature hypnotique : son scintillement produit un effet de captation. Le flux continuel d’images proposé interrompt et empêche la pensée. Le spectateur adopte une position totalement passive, absorbant tout ce qu’il regarde. Même dans notre sommeil, nous ne sommes pas aussi inertes : là au moins, nous rêvons, laissant libre court à notre imagination. La télévision nous prive de ce libre arbitre, entravant cette prise de distance qui est le propre d’une saine appropriation. Elle ne laisse place à aucune interaction, sa contemplation n’autorisant le choix qu’entre deux possibilités : consommer ou ne pas consommer, absorber ou ne pas absorber. Mais, cette alternative est-elle encore possible ? On peut se poser très sérieusement la question ! Car, non content de nous fasciner, en privilégiant des images qui frappent, qui émeuvent et qui touchent, la télévision fonctionne en plus comme un anesthésiant dont on dépend très rapidement. Il y a de cela quelques années, l’hebdomadaire Télérama proposa à un groupe de volontaires de rendre leur poste pendant une semaine. Seule une minorité parvint au bout des sept jours, sans avoir récupéré leur précieuse lucarne. Certains ne tinrent pas une journée. D’autres, honteux, louèrent des postes en cachette. La plupart étaient dépendants, ne pouvant résister au besoin de consommer des heures de télévision. Si cette influence sur les adultes n’est pas sans risques, celle qui se joue pour les enfants ne l’est pas moins.Du côté des enfants
Mesurer la qualité de l'influence qu’elle exerce sur les enfants nécessite bien sûr de tenir compte de l’âge des jeunes téléspectateurs, de leur personnalité et du nombre d'heures passées devant l’écran. Mais dans tous les cas, un élément nouveau s’est imposé : l’irruption d’un univers qui n’est pas encore le leur. Car, pendant longtemps, le monde des adultes leur était plutôt inaccessible : c’est progressivement qu’ils en prenaient connaissance, au fur et à mesure qu’ils grandissaient. Aujourd’hui, les 4-10 ans passent 80% de leur temps de jeunes téléspectateurs, devant des programmes « tous publics », 25 à 30 % des 8-12 ans étant encore devant le petit écran à 20h30. Il est donc important de leur permettre de métaboliser cette réalité qu’il découvre, pleine de bruits et de fureur, avec sa complexité, ses brutalités, sa sexualité, ses excès. Il en va notamment ainsi des images violentes quelle que soit leur forme: physique, verbale, psychologique ou sexuelle. On estime à 18.000, le nombre de meurtres auxquels a assisté un adolescent de 14 ans depuis qu’il regarde la télévision ! Ces images peuvent provoquer du stress, de la colère, de la honte, de l’anxiété, des difficultés d’endormissement, avec pour effets des stratégies de défense que l’enfant élabore pour se protéger : agressivité ou au contraire moindre sensibilité à la souffrance d’autrui, sans oublier une confusion potentielle en le réel et le monde virtuel. D’où l’importance de la présence d’adultes prenant le temps de reparler avec eux du contenu visionné.Un produit toxique à haute dose
La question des effets de la télévision sur le développement des enfants est loin d’être anecdotique, quand on sait qu’ils passent 850 heures par an à l’école et 796 par an devant le petit écran ! De nombreuses recherches scientifiques confirment, année après année, cette influence plutôt néfaste. Sur les performances intellectuelles d’abord. Une étude californienne menée en 2005 auprès de 350 enfants âgés de 8-9 ans a pu établir une corrélation entre ceux qui possédaient une télévision dans leur chambre et des résultats nettement inférieurs aux tests de mathématiques, de lecture et de langue. Ces incidences sur l’activité scolaire a été confirmée par une étude néo-zélandaise menée la même année auprès de 1 000 individus : beaucoup regarder la télévision entre 5 et 11 ans peut ainsi être relié au fait de ne pas achever un cycle universitaire et beaucoup regarder la télévision entre 13 et 15 ans augmente les risques de sortir du circuit scolaire sans qualification. A l'inverse, ceux qui ont acquis un bon niveau universitaire sont ceux qui ont passé moins d'une heure par jour devant leur petit écran. Autre recherche, celle du docteur Leonard Epstein, de l’université d’état de New York. Il a recruté 70 enfants en surpoids âgés de 4 à 7 ans et passant plus de 14 heures par semaine devant la télévision ou l’ordinateur. Chez la moitié d’entre eux, les chercheurs ont installé un système de sécurité à code, limitant l’accès à la télévision tandis que dans les autres foyers les écrans restaient en libre service. Au terme de deux ans de suivi, il est apparu que les enfants du groupe « moins de télé » ont perdu plus de poids que les autres.Manipuler pour vendre
Ce n’est pas tant l’activité physique qui a été un facteur déterminant (on aurait pu s’attendre à ce que moins de télé implique une plus grande dépense d’énergie à courir et à jouer dehors, par exemple). Non, ce qui a permis cette modification de la surcharge pondérale, c’est la diminution de l’apport calorique, répondent les chercheurs. « Le fait de regarder la télévision est très lié à la consommation d’aliments peu recommandables comme les gâteaux, les bonbons, les sodas… et tous les produits dont les publicités vantent les mérites aux enfants », souligne l’auteur de l’étude. On ne saurait bien sûr réduire la télévision à la seule diffusion des messages publicitaires. Et ce, malgré l’avis développé avec franchise et cynisme par Patrick Le Lay, PDG de TF1 : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...).Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...).Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. »(3)Faut-il jeter son poste ?
Le lecteur qui n’a pas encore zappé dans la lecture de ce dossier doit-il, à ce stade de notre raisonnement, aller chercher le nouvel écran plat qu’il vient de s’acheter à crédit et le balancer par la fenêtre ? Une telle extrémité n’est peut-être pas nécessaire. D’abord, parce que la télévision n’étant qu’un support, on peut y trouver le pire comme le meilleur. Le pire, c’est lorsque le spectaculaire l’emporte sur l’argumentaire, quand l’émotion supplante la réflexion, quand la sidération l’emporte sur la pensée. Cette télé-là accumule la surenchère dans la rapidité du montage, dans les effets, dans la vulgarité ou l’exhibition de l’intime : il s’agit de capter le spectateur et surtout l’empêcher de changer de chaîne (l’objectif premier étant de garder un taux d’audience qui séduira les annonceurs publicitaires). Le meilleur, c’est quand un programme offre d’accéder à l’infinité de la culture humaine, quand il permet de découvrir ce que l’on ne connaissait pas, ou encore, quand il donne à réfléchir. Cette télé-là développe l’esprit critique, élargit le champ de vision et constitue une formidable ouverture sur le monde, ses richesses, sa diversité et sa densité. Mais, il est une autre raison de ne pas jeter sa télévision : il est aujourd’hui bien difficile d’en priver totalement l’enfant. Il y a bien quelques parents ont fait ce choix, utilisant le temps ainsi libéré à partager avec leur progéniture de multiples activités dans le sport, les sorties en pleine nature, les visites culturelles, les jeux de société etc …Contrôler pour ne pas être contrôlé
Ainsi, de cette famille qui s’honorait de mettre ses enfants à l’abri de toute mauvaise influence, jusqu’au jour où elle apprit avec beaucoup de surprise que son fils cadet passait ses samedis après-midi dans la grande surface spécialisée électroménager du centre ville … scotché devant les télés en exposition. Elle se résolut à acquérir un poste, en fixant toutefois des règles très précises dans l’utilisation de ce media. Et c’est peut-être là une solution équitable qui se situe à mi-chemin entre stricte prohibition et laxisme absolu : une éducation à l’audiovisuel. Il ne viendrait l’idée à personne de laisser son enfant utiliser son vélo pour aller à l’école, sans vérifier au préalable qu’il gère bien les règles de circulation ? Pourquoi le laisse-t-on alors seul face à l’étrange lucarne, voire pire, pourquoi lui installe-t-on un poste dans sa chambre, sans contrôler sa capacité à décoder les programmes, à en éviter les pièges et les manipulations ? Cet apprentissage est pratiqué parfois à l’école, trop peu souvent dans les familles, quasiment jamais dans les centres de vacances et de loisirs. C’est là une piste qui mérite pourtant d’être explorée. Eduquer les jeunes générations pour leur permettre de devenir des citoyens équilibrés, épanouis et respectueux des autres, passe aussi par leur formation en tant que téléspectateur conscient et acteur, apte à faire des choix et à garder un esprit critique face à ce qu’on leur propose.(1) « Une autre télévision est possible » Philippe Meirieu, Chronique Sociale, 2007
(2) Sciences et Avenir, février 1998.
(3) « Les dirigeants face au changement » (Editions du Huitième jour)
Télévision et addiction
« Je représente ici les fournisseurs [de drogue], et pas n’importe lesquels : des fournisseurs très importants. Certains vous proposent une ou deux « lignes » par jour, alors que nous, nous vous proposons 625 lignes, 25 fois par seconde et 8 heures par jour ! De plus, nous sommes en mesure de vous assurer contre les mauvais trips. Le produit que je représente n’a que très peu d’effets secondaires, du moins physiques; mais l’assuétude peut être terrible et elle est même quasi irréversible chez un grand nombre de consommateurs réguliers. Si on la considère sous l’angle des conduites d’évitement, de refus du monde réel, de la fascination, de la fuite dans les paradis artificiels, on peut dire, effectivement, que la télévision est peut-être la pire et la plus répandue des drogues. »
Jean-Jacques Jespers,
Journaliste pendant 33 ans à la Radio Télévision Belges Francophones
Colloque « Comment parler des drogues ? » organisé en 1987 par Infor-Drogues asbl
Ils les prennent même au berceau !
Deux chaînes de TV se partagent depuis quelques années le public des bébés : « Baby tv » et « Baby first ». Cette initiative a provoqué une levée de bouclier des spécialistes de la petite enfance qui expliquent que le développement équilibré tant moteur qu’intellectuel de l’enfant passe par l’attachement à des figures humaines et la manipulation d’objets réels. La relation établie à une image visuelle apparaît comme une aberration : elle provoque le risque non seulement d’une dépendance, mais aussi d’un isolement affectif et émotionnel du bébé, avec pour conséquences un frein à l’évolution de l’enfant, des dysfonctionnement langagiers et des troubles de la concentration. Elle contribue en outre à habituer les parents à se désinvestir de leur fonction éducative et de socialisation au profit d’un media chargé de favoriser l’endormissement et l’apaisement du bébé.
Collectif Interassociatif Enfance et Media: www.collectifciem.org
Prévenir les parents la violence à la télévision
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a instauré une signalétique déconseillant les programmes aux -10, -12, -16 et -18 (ans). Pour sensibiliser le public, il a fait diffuser en janvier 2005 un spot d’information de 30 secondes présentant une situation familière : un père et son fils assis sur un canapé et regardant un film. La caméra nous montre l’arrière du poste de télévision, nous faisant deviner, par les cris et la musique qui envahissent la pièce, d’une montée paroxystique de violence. Un gros plan sur le visage de l’enfant montre son inquiétude grandissante. Brusquement, il est projeté en arrière, par la déflagration d’un coup de feu, comme s’il avait directement reçu le choc. Apeuré, il se réfugie dans les bras de son père. C’est Nathalie Baye en voix off qui commente alors : « à la télévision, vos enfants ne voient pas la même chose que vous »
www.csa.fr/infos/controle/television_signaletique_campagne.php
Décrypter la télé
En 1995 une émission apparaît sur l’écran de la cinquième, chaîne qui deviendra, en janvier 2002, France 5 : « Arrêt sur image ». Ce programme propose alors d’analyser chaque semaine l'image télévisuelle, de décrypter la manière dont elle influence les téléspectateurs et de comprendre ses enjeux. L’idée est bien de donner les moyens d’identifier les mécanismes des techniques audiovisuelles utilisées, de montrer en quoi il n’y a là rein d’objectif, mais que ce qui est présenté et conçu répond à des règles qu’il convient d’identifier si l’on ne veut pas se laisser instrumentaliser. En 2007, la direction de France 5 décide de déprogrammer l’émission. Daniel Schneidermann et certains des chroniqueurs qui participaient à ce programme ont monté un site internet où ils continuent leur travail de décryptage et de démystification.
Site : http://www.arretsurimages.net
Lire interview : Rougé Denis - Les pieds dans le paf
La contre-critique face aux pourfendeurs de la télévision n’est guère facile à trouver, tant le mécontentement semble répandu. On peut néanmoins trouver une dénonciation de la « stigmatisation systématique de l'objet télévisuel, qu'ils relient à une forme de politiquement correct bourgeois-bohème élitiste et généralisateur, visant à rendre la culture inaccessible aux couches populaires en répandant l'idée d'une télévision abrutissante par nature. » On ne peut que constater « la présence, quel que soit le média rencontré, d'un pourcentage inévitable de contenu "trash" ou racoleur. » C’est « la propagation de l'idée d'une télévision stupide "par nature" entraîne selon eux une dévalorisation inconsciente des programmes, qui, vicieusement, pousse les responsables des grandes chaînes (toujours selon l'idée d'un objet systématiquement abrutissant) à poursuivre la multiplication des programmes stupides et racoleurs. » (d’après Wikipedia)
10 règles pour aider les enfants à bien regarder la télé
1- Les bonnes habitudes, en matière de télévision, se prennent très tôt : plus l’enfant a été laissé longtemps à regarder le petit écran comme il le désire, plus il est difficile de lui imposer des règles.
2- Ne pas laisser la télévision allumée en permanence. Prendre l’habitude d’allumer et d’éteindre le téléviseur, en fonction de l’émission que l’on souhaite regarder. L’utilisation du petit écran doit être un évènement actif et choisi, non passif et subi.
3- Les enfants se calquent sur l’attitude des adultes. Donner un cadre à l’enfant, tout en ne le respectant pas soi-même, est faire preuve de peu de cohérence. L’enfant va s’imprégner de ce que l’on fait, plus que de ce que l’on dit.
4- Habituer l’enfant à choisir dans les programmes ce qu’il souhaite regarder. Valider son choix en vérifiant par exemple que le contenu est de son âge et que les thèmes sont variés.
5- Limiter le nombre d’heures d’écoute par semaine, en laissant toutefois la possibilité de les répartir à sa guise : cela permet à l’enfant de diversifier ses activités (sport, lecture, sorties à l’extérieur …).
6- Aussi souvent que possible, écouter les émissions et discuter de leur contenu avec l’enfant.
7- Aider l’enfant à démystifier ce qu’il voit : l’aider à distinguer entre le réel et la fiction, entre la réalité et le virtuel, à identifier les représentations stéréotypées des scènes présentées (et qui ne ressemblent pas à ce que la plupart des spectateurs vivent), à décoder les spots de publicité (destinés à faire acheter et non à informer), à comprendre le fonctionnement marchand de l'industrie audiovisuelle (les producteurs vendent des émissions à des chaînes, les chaînes vendent du temps d'antenne aux annonceurs et les annonceurs vendent des produits aux téléspectateurs).
8- Placer le téléviseur de telle façon qu’on puisse aisément partager les programmes regardés. Le poste installé dans la chambre des enfants, loin de toute présence adulte est donc à proscrire, du moins tant que l’on ne s’est pas assuré du mode de consommation de l’enfant.
9- Apprendre aux enfants à dire non aux émissions qui pourraient leur faire peur, quand ils sont en visite chez des tiers.
10- Autant que faire se peut, effectuer des choix commun de programmes autour desquels toute la famille se retrouve.
L’ambivalence de la téléréalité
« Star académie », « Popstars », « La ferme », « Koh Lanta »… la téléréalité a, au cours de la dernière décennie, progressivement envahi les petits écrans, attirant des indices d’écoute importants, incitant les différentes chaînes à user et abuser du filon, sans craindre de l’épuiser. Il semblerait néanmoins que ces programmes connaissent, ces derniers temps, une nette tendance à la baisse d’audience. Si l’indice d’audimat venait à baisser, elles seraient menacées. Ces émissions sont basées sur la mise au devant de la scène de parfaits inconnus, enfermés dans un huit clos ou devant se produire devant les téléspectateurs. Elles ont pris leur essor aux Etats Unis à compter de 1988. Les grandes chaînes confrontées aux 22 semaines de grève des scénaristes n’avaient alors eu d’autres choix que de remplir la grille des programmes avec des émissions ne nécessitant pas de scénarios. Ce fut un franc succès. Débarquées en 2001, en France, dans un tout autre contexte, le premier coup fut un coup de maître : Lof Story fut suivi quotidiennement par six millions de téléspectateurs. D’autres versions connaîtront, elles aussi, des records d’audience (jusqu’à près de 40% en juillet 2007 pour la finale de Koh Lanta). Une telle consécration peut s’expliquer de multiples manières. De façon positive, tout d’abord : la mise en scène de personnes qui sont obligées de vivre ensemble, de se parler, de surmonter des épreuves avec d'autres, de gérer les rapports de séduction sont autant de situations où les téléspectateurs, et notamment les plus jeunes, peuvent reconnaître leurs propres désirs et préoccupations. La téléréalité jouerait alors un rôle dans la socialisation par l’illustration, sinon l’exemple, dans une société dominée par la solitude et d'individualisme. Mais, l’impact de ce concept peut aussi être perçu d’une manière bien plus négative. Il y aurait là flatterie d’instincts les plus primaires que nous avons toutes et tous au fond de nous-mêmes : l’exhibitionnisme, le voyeurisme et la domination. Le désir d’exposer son intimité est fort bien illustré par la création dans notre pays, par les internautes eux-mêmes, de neuf millions de blogs, dont certains n’hésitent pas à étaler sur la toile la vie privée de leurs auteurs. Pour ce qui est de cette curiosité malsaine qui nous incite à faire intrusion dans l’existence d’autrui, elle est à l’œuvre lors de ces embouteillages qui se forment sur une route, quand chacun ralentit la circulation pour ne rien rater de l’accident qui s’est produit sur la voie inverse. Et puis, il y a la soif de pouvoir sur l’autre que l’on cherche à dominer qui s’illustre depuis des millions d’années. La téléréalité répond à ces trois pulsions : vivre par procuration l’étalage de son ego (devant des millions de téléspectateurs), la curiosité de voir ce qui se passe chez le voisin (et pas n’importe quel voisin, celui-ci pouvant être chacun d’entre nous), le pouvoir que semble posséder le spectateur quant au sort des participants (en votant pour éliminer tel ou tel candidat). Autant de pulsions que l’éducation apprend à contenir et canaliser et qu’au contraire de telles émissions valorisent et privilégient.
Bibliographie
« Une autre télévision est possible » Philippe Meirieu, Chronique Sociale, 2007Trop souvent, la télévision est soumise à la recherche d’une d’écoute dont va dépendre ses ressources publicitaires. Les meilleures intentions cèdent le pas devant les annonceurs. Il s’agit alors de maintenir le téléspectateur prisonnier de l’écran et plus particulièrement de la chaîne qu’il regarde : aller vite, faire disparaître les transitions, anesthésier toute velléité de changement, toute possibilité d’interrompre la sidération. Aucun temps mort ne doit ouvrir de brèche dans la captation hypnotique. Ce qui domine, ce n’est pas le message mais le spectaculaire, les nuances mais le pugilat, l’effort de pédagogie mais le bon mot pour briller, l’explication mais la séduction, le dialogue qui donne à penser mais le bavardage, le respect de la singularité de chacun mais l’identification au premier degré, la reconnaissance de l’autre mais la contemplation narcissique. Philippe Meirieu ne se contente pas ici d’un cruel mais roboratif pamphlet. Il propose toute une série de mesures de salubrité publique pour tenter de transformer la télévision en outil démocratique : interdire toute publicité avant pendant et après les programmes destinés à la jeunesse, initier un journal d’information quotidien à destination des enfants, contraindre chaque chaîne à consacrer 20% de ses programmes au jeune public, donner au CSA la responsabilité de concevoir le paysage audiovisuel comme un ensemble cohérent. Vaste programme : serait-ce 13ème travail d’hercule ?
« La télévision et ses influences » Sous la direction de Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet, Ina / De Boeck, 2003
Plus de cinquante ans après son apparition dans les foyers et au moment où on prépare sa fusion avec Internet, les scientifiques connaissent mieux les modes d'influence conscients et non conscients de la télévision sur les individus, sur les enfants et, plus généralement, ses effets sur les sociétés : impact des images violentes, de la publicité, des émissions politiques, des actualités et des journalistes, de la propagande, des images subliminales... Pour la première fois en langue française, cet ouvrage dresse un bilan des principales recherches dans ce domaine et explique les nouvelles pistes que suivent actuellement les chercheurs. Seuls les regards croisés de spécialistes issus de disciplines aussi différentes que les sciences humaines et sociales, la science politique, l'économie, le marketing, les sciences de la communication ou la philosophie peuvent prétendre à relever un tel défi. Ce livre regroupe donc les contributions originales de seize chercheurs, tous reconnus dans leur discipline, qui se penchent sur la question des influences de la télévision et de ses multiples programmes.
« Ils n’ont d’yeux que pour elle : les enfants et la télé » Stéphane Clerget, Fayard, 2002.
Et si les parents, soucieux de protéger leurs enfants, sous-estimaient certains dangers ? Alors qu'ils s'inquiètent de les savoir dehors à la merci des pervers, des racketteurs ou des chauffards, il plane chez eux un péril d'une autre nature, d'autant plus pernicieux qu'ils ne s'en méfient guère : la télévision. De plus en plus « accros à l'écran », les enfants et les adolescents reçoivent le spectacle télévisuel de plein fouet. Or son impact - et pas seulement lorsqu'il met en scène des représentations de la violence (y compris sexuelle) - est considérable sur la construction de leur personnalité, leur rapport au temps et à l'espace, leur mode de pensée, leur imaginaire, leur comportement, leur scolarité. La solution n'est pas dans un contrôle absolu des programmes, difficile à mettre en œuvre, ni dans l'interdiction pure et simple de la télévision ou des jeux vidéo ; elle réside dans une démarche de long terme, une éducation aux médias et à l'image, dispensée à la maison et à l'école et visant à transformer l'enfant, de consommateur passif, en téléspectateur actif. Emaillé de situations réelles rencontrées en consultation, ce livre de référence intéressera bien sûr les parents et les spécialistes de l'enfance, mais aussi les professionnels de l'audiovisuel et des nouvelles technologies.
« L’enfant et les médias, les effets de la télévision, des jeux vidéo et des ordinateurs » Patricia Greenfield, Jean Retschitzki, Éditions universitaires de Fribourg, Suisse, 1999
La télévision, les jeux vidéo et les ordinateurs font partie intégrante de la vie des enfants d'aujourd'hui. Les enseignants et les parents, soucieux de l'avenir des enfants dont ils ont la charge, sont concernés par les effets de ces médias. Faut-il s'inquiéter à propos de la vie sociale, du niveau intellectuel, de la capacité à maîtriser l'écrit d'enfants qui semblent avoir besoin de stimulation visuelle et auditive et qui préfèrent la compagnie des machines à celle des personnes ? Il ressort de ce livre nuancé une tonalité plutôt optimiste, car de nombreuses recherches montrent qu'au-delà des conséquences néfastes qui peuvent résulter d'un emploi abusif des médias, ces derniers peuvent aussi favoriser le développement social et les capacités intellectuelles. Chaque média a ses forces et ses faiblesses, et l'idéal consiste en une approche multimédia de l'apprentissage. Ce livre comporte des conclusions inattendues et des suggestions pratiques pour les éducateurs désirant aider les enfants à évoluer dans l'environnement médiatique actuel.
« La manipulation des enfants : nos enfants face à la violence des images » Liliane Lurçat, Le Rocher, 2002.
Notre vie se déroule sous l'influence de la télévision. L'imprégnation que nous subissons depuis l'enfance provoque comme une confusion entre la vie réelle et les images. Elle fait de nous des conformistes qui ignorent les influences qu'ils reçoivent. Être comme tout le monde, c'est le modèle qu'on nous impose ; penser qu'on est original, c'est la croyance qu'on nous suggère. Or plus d'un enfant sur deux disposerait librement d'un poste de télévision dans sa chambre. Les enfants, plus réceptifs aux influences, sont ainsi soumis à un véritable bombardement émotionnel. Sous l'effet des productions violentes, la barbarie exhibée fait des émules. Car l'accoutumance au spectacle quotidien d'actes violents mis en scène peut dévoyer la compassion en cruauté, comme en témoigne l'inquiétante augmentation des actes nuisibles. L'abandon éducatif et moral témoigne de l'impuissance de l'école à assumer sa fonction. La porosité de l'école aux influences des manipulateurs professionnels la rend inapte à instruire et à protéger les enfants. La Manipulation des enfants tente de faire prendre conscience d'un problème extrêmement préoccupant pour le présent comme pour l'avenir de notre société.
Jacques Trémintin - Journal de L’Animation ■ n°91 ■ sept 2008