La psychologie

La psychologie peut-elle aider l’animateur ?

La psychologie a pris, au cours des dernières décennies, une  place grandissante, voire envahissante dans notre existence. Vulgarisée dans la presse grand public, sollicitée pour fournir conseils et expertises sur tous les sujets de société, mise en demeure de  tout expliquer … au point que d’aucuns dénoncent une psychologisation, voire une psychiatrisation de notre vie. Refusant tant la diabolisation que l’idéalisation, le dossier de ce mois-ci cherchera à reconnaître à cette discipline des sciences humaines et plus particulièrement à la psychologie clinique, toute sa place mais rien que sa place.

De tous temps, les hommes se sont intéressés à comprendre ce qui régissait leur perception, leurs sensations, leurs émotions, leurs sentiments ou encore leur pensée. Longtemps, sans doute, les réponses ont été exclusivement mythiques, magiques ou religieuses. Ce sont les premiers penseurs philosophiques de la Grèce antique qui feront sortir cette réflexion de sa gangue ésotérique, posant les bases d’une connaissance rationnelle du fonctionnement de l’esprit humain. Ainsi, si pour Pythagore (-569 / -494), le cerveau est le siège de l’intelligence et de la folie, Platon (-427 / -346) et Aristote (-384 / -322) distinguent l’âme de l’esprit. Quant à Hippocrate (-460 / -370), père de la médecine, il détermine quatre types d’humeur à l’origine de quatre tempéraments : la bile jaune (cholé, en grec) qui donne la colère, la bile noire (mélan cholé, en grec) qui donne la mélancolie,  le sang (sanguis, en latin) qui donne les sanguins et le mucus (phlegma, en latin) qui donne le caractère phlégmatique… La psychologie a donc des racines très anciennes. Ce n’est que progressivement que cette discipline va acquérir sa propre autonomie au sein des sciences humaines, en se séparant d’abord de la philosophie, puis de la médecine, avant de se démultiplier en une multitude de champs d’application : la perception, la mémoire, l’apprentissage, l’action, la cognition, la communication, l’émotion, la personnalité, le développement, les masses, l’environnement, le diagnostique, sans oublier la psychologie animale, sociale, clinique et appliquée !

 

Les points cardinaux de la psychologie

La psychologie recouvre donc un vaste domaine que l’on peut définir comme l'étude scientifique des faits psychiques, du fonctionnement mental et du comportement. Deux axes permettent de cartographier le continent qu’elle occupe (1). L’axe vertical Nord/Sud, tout d’abord, distingue le normal et le pathologique. Au Nord, on trouve l’étude des mécanismes généraux communs à tous les humains : ce sont par exemple les développements cognitifs tels que la perception, l’apprentissage, la mémoire ou le langage, mais aussi les processus affectifs comme la motivation, les émotions ou la formation de la personnalité que la psychologie tente d’explorer et d’expliciter. Au Sud, se situe le pathologique qui englobe les maladies et les troubles psychologiques : déficiences intellectuelles, démences sébiles, schizophrénie, dépression, phobie, paranoïa …qu’il s’agit de comprendre et d’analyser. Le second axe Est/Ouest distingue le biologique et le social. A l’Est d’abord s’épanouit l’immense domaine de ce qu’on appelle les neurosciences qui essaient d’associer à une fonction psychique donnée (la vision ou le langage par exemple) une structure cérébrale précise. A l’Ouest enfin, le social qui va englober l’ensemble des interactions entre l’homme et le groupe et que certaines branches de la psychologie étudient avec minutie. La plupart des grands secteurs de la psychologie contemporaine peuvent être placée le long de ces deux axes, entre ces quatre pôles.

 

De la psychanalyse…

Il n’est déjà pas facile de cartographier l’espace où se déploie la psychologie. Il est encore plus complexe d’essayer de classifier ce qui relève de son application clinique, celle qui se consacre au soin et à la résolution des différentes souffrances psychiques. La créativité n’ayant que peu de limites en la matière, on comptabilise à ce jour environ 400 « écoles » ! Et encore, rien n’interdit qu’elles continuent à se démultiplier. Toute modélisation en la matière étant forcément partielle et réductrice, nous prenons néanmoins le risque d’une synthèse, en proposant un regroupement en quatre grandes familles. La première s’intéresse avant tout à l’inconscient : ce sont les théories psychanalytiques qui considèrent que nos conduites sont sous-tendues par des mécanismes relevant d’une instance à laquelle nous n’avons pas directement accès, mais qui se manifeste sous forme de symptômes, de lapsus, d’actes manqués ou de rêves. Seule l’analyse menée avec un professionnel rompu aux théories freudiennes (ou à celles de ses successeurs) -ce que l’on appelle la cure- permet d’aller en chercher la signification profonde et ainsi identifier les racines d’un comportement le plus souvent enraciné dans la petite enfance. Illustration : l’addiction d’un fumeur peut être recherchée du côté d’une frustration vécue tout bébé, quand le sein maternel (ou le biberon) venait à manquer : le têtement du bout de sa cigarette tenterait alors de retrouver cet état infantile. Il ne s’agit pas à proprement parler de guérir, mais d’utiliser la prise de conscience chez le patient des racines de ses comportements, pour lui permettre de reprendre le pouvoir sur sa vie.

 

… à la thérapie cognitivo-comportementale

La seconde famille de psychothérapie refuse de plonger dans cette boite noire qu’est l’inconscient. Son objectif est bien d’intervenir hic et nunc (ici et maintenant), se centrant sur les effets du trouble psychique et ses symptômes. A l’origine des comportements humains, il y aurait des mécanismes mentaux qu’il s’agirait de remplacer par des modes de fonctionnement plus appropriés à l’équilibre de la personne. Cette approche se regroupe sous la dénomination des thérapies cognitivo-comportementales. Les techniques thérapeutiques utilisées passent par une déconstruction systématique des comportements qui ont été appris dans certaines situations et maintenus par les contingences de l'environnement. Un conditionnement opérant idoine permettra alors de forger de nouvelles habitudes, sous forme d'apprentissage par imitation ou par l'affirmation de soi. Le thérapeute adopte un rôle de guide et de modèle. Illustration : face à l’agoraphobie (anxiété panique face à la foule), la thérapie propose une action en trois étapes. Dans un premier temps, il s’agit d’acquérir des  techniques de relaxation et de contrôle respiratoire. Puis, on demande au patient de se confronter par l’imaginaire à à la situation redoutée : identifier les réactions possibles et les moyens d’y faire face rationnellement et émotivement. La thérapie n’est considérée comme réussie qu’à partir du troisième temps, quand la personne se retrouve confrontée réellement aux circonstances qui, jusque là, la terrorisait et arrive à les gérer.

 

Devenir son propre thérapeute

La troisième famille, que nous distinguerons ici, se revendique comme une voie alternative tant par rapport à la psychanalyse qu’aux thérapies cognitivo-comportementales. Ses déclinaisons sont nombreuses (bioénergie, Gestallt thérapie, analyse transactionnelle, cri primal, programmation neuro-linguistique, …). Au-delà de leurs spécificités propres, elles partagent toutes une référence implicite à la maïeutique de Socrate. Ce philosophe de la Grèce antique avait pris l’habitude de retourner la question à l’interlocuteur qui l’interrogeait, afin de l’inciter  à trouver la réponse par lui-même. A l’image de la divinité Maïa (protectrice des accouchements), il accouchait des connaissances que chacun a enfouies au plus profond de soi. On retrouve cette logique chez les psychologues humanistes qui sont convaincus que chacun possède des compétences, sans en avoir forcément conscience, leur tâche consistant alors à révéler ce que l’on sait déjà, mais que l’on ne sait pas que l’on sait … Illustration : l’une des dimensions de l’équilibre individuel réside dans le degré de l’estime de soi. Celle-ci est acquise dès l’enfance, mais est alimentée constamment par la volonté de se sentir aimé et de se sentir compétent. Réussir à compenser son éventuel déficit passe par mieux se connaître et s’accepter, être honnête avec soi-même et admettre l’idée de l’échec, s’affirmer et agir.

 

Les thérapies familiales

Nous terminerons par la quatrième grande famille qui regroupe toutes les approches qui s’intéressent non plus seulement à la personne en tant que sujet isolé, mais en tant que partie d’un groupe d’appartenance. Une théorie originale s’intéresse à cette dimension : c’est l’approche systémique. Elle considère que toute personne est en interaction permanente avec les différentes parties qui l’entourent. C’est pourquoi, le changement ne peut intervenir qu’en agissant sur la relation qui relie les uns aux autres. La chaîne causale n’est pas recherchée, comme le raisonnement cartésien nous y a habitué, de façon linéaire, entre une cause et un effet. Elle est explorée dans une logique circulaire et interactive. C’est une démarche faisant donc largement place à la globalité ainsi qu’à la complexité d’une problématique. Illustration : une personne qui manifeste une difficulté peut, en réalité, exprimer un malaise du groupe auquel il appartient. C’est à ce dernier qu’il faut s’adresser et non focaliser sur ce qui est visible mais qui n’est, en réalité, qu’un symptôme et un effet d’une problématique bien plus vaste. La nécessité de tenir compte du contexte dans lequel vit un sujet qui va mal, s’est assez vite imposée aux psychanalystes et aux thérapeutes cogitivo-comportementalistes qui ont notamment intégré les implications familiales à leur technique de traitement. Si certains thérapeutes restent fidèles à une théorie bien déterminée, bien d’autres n’hésitent pas amalgamer les concepts d’origine diverses qui leur semble opérants.

 

Qui a raison ?

Au départ, chacune de ces techniques se centrait sur un type de souffrance : la psychanalyse s’adressait plus aux névroses, les thérapies comportementales et cognitives aux phobies et aux obsessions, les thérapies humanistes aux personnalités dépressives, les thérapies familiales aux dysfonctionnements au sein du milieu familial. Et puis, avec le temps, chaque démarche a prétendu être opérante pour toutes les formes de difficultés. De nombreuses études comparatives ont tenté de tester la validité des unes et des autres. Nous retiendrons l’une d’entre elles, particulièrement synthétique, effectuée en 1995 par Martin Seligman de l’université de Pennsylvanie. Son enquête porte sur 7.000 bénéficiaires d’une psychothérapie. Cette recherche conclue qu’elles ont toutes plus d’efficacité que l’absence d’intervention ou qu’une discussion avec des amis. Pour autant, il n’y a guère de différence entre elles, au regard de leur efficience respective. Ce qui semble important pour le patient, c’est avant tout sa motivation, sa disponibilité et surtout la qualité de la relation qu’il va établir avec son thérapeute. Dès lors qu’une personne se montre désireuse de changer, elle pourrait bien se montrer capable de s’emparer de n’importe quelle projection  théorique, comme support aux changements auxquels elle aspire. Et c’est bien là toute la force et la faiblesse de la psychothérapie : grâce à la volonté de faire évoluer ses comportements, beaucoup de choses peuvent évoluer. Sans elle, le thérapeute est impuissant.

 

Portée et limite de la psychologie

Mais, comme chaque médaille a son revers, chaque démarche scientifique a ses effets pervers. Pour ce qui est de la psychologie, on peut en déterminer au moins trois. Le premier écueil consiste dans le risque de pathologisation de la vie quotidienne. A force de soumettre notre existence à une analyse minutieuse et systématique, le risque est bien de voire le moindre de nos comportements perdre tout caractère spontané et naturel. Il est des périodes de la vie qui ne sont guère faciles à vivre : deuils, déception (amoureuse ou professionnelle), tristesse, moment de cafard etc… L’histoire de chacun(e) d’entre nous est faite de ces moments heureux et d’autres qui le sont moins. On est là dans la pure normalité. Combien, pourtant, ne supporte plus ni frustration, ni la moindre angoisse. La France est championne du monde toutes catégories pour la consommation des drogues psychotropes : notre pays consomme de deux à quatre fois plus d’anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs et autres neuroleptiques que n’importe quel autre pays européen (2). Le montant des remboursements de l'assurance-maladie pour ces produits est passé de 317 millions d'euros estimé en en 1980, à un milliard en 2004 ! La psychologie ainsi instrumentalisée aboutit au contraire de son objectif : au lieu de promouvoir tant le bien-être que l’équilibre de la vie de l’individu, elle laisse se développer le fantasme d’une vie parfaite, illusion qui asservit la personne à une quête utopique.

 

Psychologisme et dogmatisme

Mais, il est une autre dérive potentielle tout aussi pernicieuse, c’est celle qui consiste à phagocyter toutes les autres entrées possibles pour comprendre le fonctionnement humain et à tout réduire à des facteurs psychologiques en ne validant d’une manière unidimensionnelle que cette interprétation. Les sciences humaines sont riches de multiples disciplines susceptibles d’éclairer les motivations et raisons d’agir de notre espèce. La psychologie prend une place non négligeable, mais doit pouvoir s’articuler avec la sociologie, l’ethnologie, le droit, les connaissances médicales, l’histoire, la géographie, l’économie, l’éthologie, la pédagogie ou la philosophie. Le psychologisme commence dès lors où l’on réduit la souffrance du sujet au seul registre personnel, en oubliant l’environnement social et économique dans lequel il vit, qui constitue pourtant un facteur tout aussi important dans son évolution. Dernière dérive qui n’est pas la moindre, c’est la déviance vers le dogmatisme : nombre d’écoles de cette discipline pensent sincèrement avoir réussi à décrypter le mystère du fonctionnement humain et croient détenir la vérité. Elles élèvent leurs concepts au rang d’axiomes universels, faisant de leurs théories un véritable dogme. Aucune projection conceptuelle n’a réussi à ce jour à percer à jour la psyché humaine. Le croire relève de la croyance mystique ou sectaire, voire d’une forme laïque de religion.

S’il n’est guère facile de s’y retrouver dans cette diversité de théories que nous propose la psychologie, il n’en reste pas moins que cette discipline nous offre une incroyable richesse conceptuelle. Il revient à chacun de choisir la manière dont il souhaite utiliser les grilles de compréhension de la psyché humaine. On peut adhérer à une école, en approfondissant ses concepts et ses méthodes ou s’inspirer de plusieurs d’entre elles, en sélectionnant parmi les notions proposées par chacune d’entre elles, celles qui apparaissent fécondes aux situations que l’on rencontre. Intervenir auprès des populations dans un objectif d’accompagnement social ou de loisir ne peut faire l’économie de ces connaissances, au risque d’amoindrir l’impact de son action.

 

(1)Sciences Humaines Hors série n°19 : « La psychologie aujourd’hui » Décembre 1997 /  Janvier 1998

(2)« Le Prix du bien-être. Psychotropes et société », Edouard Zarifian, Odile Jacob, 1996

 

Lire interview : Brunschwig Hélène - Psychologie


 
Qui consulte ?
Une étude, menée en 2003, a pu comptabiliser qu’1,2 million de personnes ont consulté un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste. Le nombre moyen de consultations est proche de deux. Globalement, 70% des consultants sont des femmes qui, dans plus de la moitié des cas, vivent seules. Sur dix personnes qui consultent, six le font en raison d'un trouble psychique dont elles ont conscience et 11%  y ont recours, de façon non programmée pour « améliorer le moral ». Les psychiatres accueillent la moitié des consultants en santé mentale et surtout des adultes de 30 à 59 ans. Les psychologues reçoivent davantage de patients jeunes, les trois quarts d’entre eux ayant moins de 20 ans (ce qui représente 229.000 patients). Mais, ils sont également consultés par des adultes (234.000). Environ 241.000 personnes ont rencontré un psychanalyste.
Insee, Etudes et résultats n°533, novembre 2006.
 

Les débriefings sont-ils efficaces ?
Il n’est pas de catastrophe (déraillement de train, accident d’avion, attentat, mort violente d’un enfant…), sans que surgissent des équipes de psychologues qui proposent un débriefing. Il s’agit de faire parler les victimes ou les témoins sur ce qu’ils ont vécu, pour éviter un « stress post traumatique ». L’expression de la parole libèrerait les tensions créées par l’évènement et faciliterait ainsi son évacuation. Bien que jugé aidant par la plupart des participants, les données actuelles semblent indiquer que le débriefing ne favorise pas toujours la réduction des effets pervers. Il existerait même des risques associés à son utilisation. Satisfaisantes pour certains, ces interventions pourraient être contre-productives pour d’autres. D’où la question de leur utilisation massive et systématique.
 
 
Psychothérapeutes : du pire au meilleur
Depuis 2000, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes met en gade contre le risque sectaire dans le domaine psychothérapeutique. La fragilité et le déséquilibre personnels qui peuvent amener à consulter un psychothérapeute peuvent constituer un terrain propice tant pour les sectes que pour les charlatans. La vigilance s’impose donc pour distinguer le « bon grain de l’ivraie » Quelques conseils simples  permettent de bien choisir. Il vaut mieux éviter les publicités racoleuses, les diplômes prestigieux autant qu’invérifiables et les témoignages complaisants de patients. Leur préférer les conseils d’un médecin généraliste ou hospitalier ou encore le bouche à oreille (on ne recommande que les thérapeutes dont on a été satisfait). Dès la  première rencontre, doivent être abordés les tarifs et le rythme des séances. Ne pas hésiter à questionner le thérapeute sur sa formation, ses diplômes, sa méthodologie et ses inspirations théoriques, son affiliation à des associations professionnelles. Ensuite, tout va dépendre de la relation de confiance qui se tisse.
Un site à consulter : www.psyvig.com

 

Les abus intolérables et parfois criminels du discours interprétatif
Que des praticiens se livrent impunément dans le secret de leurs cabinets à ces jeux arbitraires sans les présenter comme tels à ceux qui les subissent et qui vont les rétribuer à prix d’or, c’est déjà scandaleux ! Mais on est encore plus effaré et indigné quand on pense à ce qui se passe quotidiennement dans les tribunaux où des gens sont condamnés à de très lourdes peines, en grande partie à cause de l’impression considérable faite sur les jurys par les délires de soi-disant experts psychiatres qui, sans se laisser démonter par les contradictions formulées par leurs pairs( !), s’autorisent à porter des jugements péremptoires sur le degré de responsabilité des accusés, expliquent de manière infaillible leurs comportements, décrivent avec un aplomb incroyable leurs intentions et leurs mobiles.
Christian Singer
www.mutations-radicales.org

 

Psy et Compagnie…
Il n’est  pas toujours facile de s’y retrouver dans les appellations de la galaxie psychologique. Petit lexique pour savoir qui est qui …
- Le psychiatre est un médecin qui a suivi une formation universitaire classique et s’est par la suite spécialisé dans les troubles psychiatriques et les maladies mentales. Il propose souvent des consultations, des entretiens thérapeutiques, au même titre que le psychologue, des évaluations à visée diagnostique, mais il est le seul habilité à prescrire un traitement (antidépresseur, anxiolytique, somnifères,psychotropes divers). Il peut également proposer ou imposer (dans de très rares cas) une hospitalisation dans un centre spécialisé. La consultation qu’il donne est remboursée par la sécurité sociale au même titre qu’un autre spécialiste. Les psychiatres sont en France au nombre de 12.000, se répartissant entre  5.500 qui exercent en libéral, 4.000 en hôpital public, 7 à 800 dans les cliniques privées et 4.500 dans le secteur médico-social (les mêmes patriciens pouvant se retrouver dans plusieurs secteurs à la fois)
 (source : Syndicat National des Psychiatre Privés)

- Le psychologue a, lui aussi, suivi une formation universitaire lui permettant d'obtenir un titre, après l'obtention d’un master. Il exerce dans tous les domaines de la société (éducation, santé, social, travail, sport...). Il peut se spécialiser dans une pratique clinique, mais aussi en orientation professionnelle, en psychologie du travail, en psychologie scolaire… Selon sa formation, il propose des entretiens à visée thérapeutique, des tests de personnalité (neuropsychologiques, d’intelligence ou de développement). Il peut aussi assurer des thérapies de couple, familiales ou de groupe (supervision de professionnels, groupe de parole, etc…). N’étant pas médecin, sa consultation, quand il exerce en libéral, n’est pas remboursée par la Sécurité Sociale. Les psychologues sont un peu plus de 40.000 (chiffres variant selon les calculs), dont 8 à 9.000 exercent dans le secteur médico-social, 5 à 8.000 en libéral,  5.000 comme psychologues du travail, 4.700 comme conseillers d’orientation, 4.600 dans les hôpitaux et cliniques, 4.000 dans la fonction publique territoriale, 3.500 au sein de l’Education nationale, 1.022 dans l’enseignement et la recherche et 430 dans la justice et la police. (d’après l’Express et Avenirs)

- Le psychothérapeute n’a pas à proprement parler suivi de formation universitaire. Il peut se référer à différentes approches (bio-énergie, développement personnel, sophrologie, analyse transactionnelle, Programmation neuro-linguistique...) et avoir reçu une formation et une reconnaissance des écoles privées qui forment à ces techniques. Il propose des entretiens et suivis à visée thérapeutique. Mais, aucun titre n’est exigé pour accrocher une plaque à sa porte. La tarification est libre et la consultation non remboursée par la Sécurité Sociale. Si le psychothérapeute ne peut prétendre au titre de psychologue ni à celui de psychiatre, il existe des psychologues et des psychiatres qui peuvent exercer comme psychothérapeute. En l’absence de statistiques précises, leur nombre est estimé entre 5 000  à 15.000 praticiens de divers niveaux de qualification.

- Le psychanalyste utilise comme technique la théorie conçue par Sigmund Freud. Il n’existe pas de diplôme qualifiant pour cette pratique. Le psychanalyste a été formé aux théories freudiennes et/ou post-freudiennes et a lui-même été en cure psychanalytique personnelle pendant plusieurs années. La tradition veut qu’il soit reconnu par les autres psychanalystes comme faisant partie de cette famille (cooptation) et qu’il appartienne à une association. Il existe plusieurs courants de pensée psychanalytique : Freud, Lacan, Jung … Il arrive souvent que les psychanalystes aient une double casquette : soit psychiatre-psychanalyste, soit psychologue-psychanalyste. Leur consultation sera remboursée par la sécurité sociale dans le premier cas, pas dans le second. Ils seraient entre 4 et 5.000.

 

A qui s’adresser ? Attention à l’ostracisme
Malgré son intérêt évident, l’enseignement en psychologie n’a pas droit de cité en tant que tel ni dans le cursus du BPJEPS, ni dans celui du DEFA. De nombreux instituts privés proposent des stages de quelques jours d’initiation ou de sensibilisation sur ces thèmes. Leur fréquentation peut entrer dans les plans de formation continue des associations employeuses. Il faut toutefois être attentif à qui on s’adresse, car il est toujours étonnant de constater à quel point la grande famille de la psychologie est capable de s’entre-déchirer, de s’invectiver et de se haïr. Il y a d’abord la guerre entre les différentes écoles. Le « livre noir de la psychanalyse » (1)  écrit par les tenants de la thérapie cognitive a attaqué avec une grande violence la psychanalyse, en l’accusant d’être basée sur des concepts creux inventés de toute pièce, des trucages et des mensonges. Réponse du berger à la bergère, dans l’ « anti-livre noire de la psychanalyse » (2), les psychanalystes contre-attaquent en accusant les cognitivistes de valider des thérapies aversives et punitives qui « ne se distinguent plus de la torture que par une différences de degré » (p. 25) Bonjour l’ambiance ! Mais la guerre se déploie aussi au cœur des écoles elles-mêmes. Ainsi, le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, s’illustra-t-il le premier, en ne cessant, tout au long de sa vie, d’exclure de son mouvement d’anciens collaborateurs qui divergeaient de la ligne qu’il avait fixé. La France aura réussi à perpétuer brillamment cette tradition. Tout commence en 1926 par la création de la Société psychanalytique de Paris qui scissionne en 1953, les dissidents créant la Société française de psychanalyse, qui scionnera à son tour, les nouveaux dissidents créant en 1964 l’association psychanalytique de France. Parallèlement, se crée la même année l’Ecole freudienne de Paris que quitteront certains membres en 1969 pour créer l’Organisation psychanalytique de langue française. L’école freudienne de Paris ayant été dissoute en 1980, naît l’année suivante l’école de la cause freudienne, puis en 1982 l’association lacanienne internationale, puis en 1994 l’espace analytique et en 1998 les forums du champ lacanien. Une vingtaine de groupes lacaniens vient compléter le tableau. Et tout cela pour quatre à cinq milles psychanalystes en France. Chacune de ces organisations attaquent sa voisine dont elle se considère éloignée du fait de plus ou moins profonds désaccords ! Pour paradigmatique que puisse être la psychanalyse en matière de dissémination et d’éparpillement, elle est loin d’être seule à suivre cette logique. Un autre grand psychothérapeute, Carl Rogers, fort de l’expérience du mouvement freudien, refusa de son vivant de créer une association regroupant ses partisans. Il craignait de voir sa théorie être transformée en une doctrine rigide. Sitôt, Rogers disparu, cette structure émergea, afin de prolonger son œuvre. Il ne fallut que quelques années pour qu’une scission intervienne entre ceux qui défendaient l’orthodoxie et ceux qui voulaient l’adapter, la développer et la prolonger. La maladie infantile de tout ce qui commence par « psy », la tendance innée au dogmatisme, a donc longtemps fait des ravages : chaque école prétendant détenir la vérité, idéalisant ses propres méthodes et disqualifiant sa voisine. Si certains continuent toujours à s’enfermer dans l’unicité de leur méthode, le monolithisme des différentes écoles s’opposant les unes aux autres a laissé progressivement la place à une multiplicité des perspectives. Théoriciens, universitaires, chercheurs et cliniciens s’écoutent de plus en plus, convaincus que la psyché humaine est un univers trop vaste pour qu’une seule approche, quelle que soit son excellence, la circonscrive. Ils sont de plus en plus nombreux à renoncer à la pureté de leur doctrine et à reconnaître que le pluralisme représente une richesse et une possible complémentarité : les différentes techniques doivent pouvoir se combiner, les limites reconnues par chacune étant aussi les garanties de leur efficacité.

 

Témoignage de Thomas Janus
« Ayant reçu dans mon parcours universitaire une formation en psychologie, c’est tout naturellement que j’utilise cette ressource. J’ai des réflexes automatiques, quand je suis confronté aux situations d’enfants ou d’adultes. Pour reprendre la typologie exposée dans l’article de ce dossier qu’on m’a donné à lire, je suis convaincu qu’on s’abreuve dans les faits à toutes les sources. Ainsi, un jour, ai-je utilisé le concept développé par Freud sur la bisexualité (chacun(e) ayant une part de masculin et de féminin en soi) pour répondre à des adolescents qui discutaient entre eux à propos d’un de leur copain qu’il soupçonnait d’être homosexuel. Une autre fois, nous avons monté avec l’équipe une  action de prévention routière. Nous avons organisé un grand jeu basé sur les règles de circulation avec récompenses à ceux qui réussissaient à faire le moins de fautes. Je savais que l’on faisait là, sans le savoir du comportementalisme, en renforçant positivement par des gratifications les bonnes attitudes. Lorsqu’un groupe d’enfants vient me trouver, en me disant qu’il s’ennuie, je ne me précipite par pour lui proposer aussitôt une activité. Je les laisse chercher et trouver ce qu’il pourrait faire, me proposant seulement de les accompagner à réaliser leur projet. Je m’inspire là de la psychologie humaniste. Enfin, quand j’essaie de convaincre un jeune de se joindre à une sortie, je sais qu’il faut aussi que j’en parle à ses copains les plus proches, car à cet âge, on se décide beaucoup avec son groupe de référence. Je fais de la systémie ! Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, tout se passe comme si on s’appuie sur la psychologie, sans forcément savoir qu’on le fait ! C’est lié, je crois, à la pénétration de cette discipline dans la formation et dans les pratiques. »

 

 

Bibliographie
« L’estime de soi - S’aimer pour mieux vivre avec les autres »
Christophe André et François Lelord, Odile Jacob, 1999
Pour vivre et s’épanouir le petit d’homme a besoin d’un minimum d’amour propre, ou pour être moins affectif et plus objectif, d’« estime de soi ». On identifie quatre positions de base. C’est d’abord la haute estime de soi stable : l’individu est serein et sécurisé face à ses valeurs et ses limites. Seconde position possible, la haute estime de soi instable marquée par une certaine fragilité et le besoin de vérifier en permanence la validité de ses qualités. Puis, vient la basse estime de soi stable qui enferme le sujet dans une représentation très dépréciée de lui-même. Enfin, la basse estime de soi instable qui rend l’individu dépendant et réactif aux événements extérieurs qu’ils soient positifs ou négatifs. Les sujets animés d’une basse estime de soi ont plutôt tendance à se réfugier dans les groupes (et sont plus facilement la proie des sectes) ou vivent par procuration en se projetant dans la vie des célébrités. Ceux équipés d’une haute estime de soi la protège en externalisant les causes de l’échec, en évitant toute généralisation, oui encore en se comparant à moins compétent qu’eux. Mais, « selon les circonstances, la plupart d’entre nous adoptent des comportements variables. Parfois, nous nous sentons en confiance et notre estime de soi se montre stable. D’autres fois, parce que nous sommes fatigués et que nous ne nous sentons plus en sécurité, nous adoptons des réflexes qui signent une estime de soi instable ». (p.72)

 

« Les visiteurs du soi ; A quoi servent les psys ? »
Jean Cottraux, Odile Jacob, 2004, 347 p.
L’intervention d’un psy n’est pas forcément la démarche la plus pertinente, affirme l’auteur. Ce qui se pose donc, face aux 210 formes actuelles de psychothérapies différentes, c’est de vérifier dans quelle mesure elles apportent plus de bien que de mal. C’est l’un des axes de l’ouvrage de Jean Cottraux qui présente un tableau assez précis de la galaxie psychothérapeutique. L’auteur n’est pas très gentil avec la psychanalyse à qui il reconnaît toutefois d’avoir joué un rôle non négligeable contre le tout pharmaceutique, mais qu’il accuse de s’être figée dans un dogmatisme étroit et sectaire. A cette méthode longue et coûteuse qui ne vise pas tant à la guérison qu’à la recherche de soi, il oppose les approches comportementalistes et cognitivistes qui ont bien plus ses préférences. Il les affuble d’emblée d’une meilleure note : mieux validées et plus faciles à appliquer cliniquement. Mais ils présentent aussi les thérapies interpersonnelles qui, s’inspirant des trois premières, se proposent d’agir exclusivement sur les relations entre les personnes. Un chapitre consacré aux thérapies humanistes (gestalt, analyse transactionnelle, non-directivité de Rogers, cri primal, bioénergie, systémie) termine ce tour d’horizon. Revendiquant le libre choix du patient, l’auteur rappelle malgré tout, avec pertinence, que « la vie est une chose trop sérieuse pour la laisser longtemps entre les mains d’un psychothérapeute » (p.285)

 

« Etre psychothérapeute. Questions, pratiques, enjeux »
Serge GINGER et all, Dunod, 2006
Parmi les psychothérapeutes, on compte seulement 50% de médecins et de psychologues. Ils proposent leurs services s’adressant à environ trois millions de personnes menant une vie sociale, professionnelle et familiale tout à fait normale, mais demandant à être soulagées du stress, de l’anxiété, de la dépression liés aux aléas existentiels du quotidien. Quelles que soient les écoles de pensée et les méthodologies, on retrouve un certain nombre de traits communs qui traversent une profession qui reconnaît l’incertitude et la complexité des processus thérapeutiques : l’influence réciproque du thérapeute et de son client (les caractéristiques de l’un et de l’autre jouent un rôle déterminant), la subjectivité du thérapeute (on soigne autant avec ce qu’on est, qu’avec ce qu’on fait), l’absence de toute règle, critère ou technique standards (toute prétention à constituer un méta modèle et à revendiquer une définition universelle de la souffrance humaine est une illusion). Au-delà de leur différences, tous les psychothérapeutes partagent les mêmes qualités (accueil positif, empathie, qualité de l’écoute, authenticité, humour, capacité d’autocritique) et recherchent les mêmes changements ferments d’une vie plus pleine, plus riche et plus solidaire (meilleure acceptation de soi, sentiment personnel plus positif, plus grande compréhension de son propre mode de fonctionnement et  amélioration de son rapport aux autres).

 

« Comment être psychanalyste d’enfants ? »
Hélène Brunschwig, érès, 2008,
S’il est bien une dérive, quand on utilise un filtre pour voir la réalité, c’est d’en arriver à les confondre l’un et l’autre. C’est justement ce qu’Hélène Brunschwig a réussi à éviter. Se refusant à s’enfermer dans quelque chapelle que ce soit, elle n’a pas hésité à s’inscrire dans le creuset de plusieurs courants (la psychanalyse, l’éthologie, la systémie) et à rejeter toute idéologie réductrice : « il faut se garder d’explications causales trop univoques et trop linéaires » (p.122) Elle se revendique de la théorie psychanalytique, utilisant certains de ses concepts centraux. Ainsi de ce contre-transfert ressenti par l’analyste, mettant en branle ses propres sentiments et qui le renseigne non seulement sur lui-même, mais aussi sur l’analysé : «  ce que vous fait éprouver votre patient, il doit aussi le faire éprouver à d’autres et c’est l’occasion rêvée de comprendre pourquoi » (p.21) Mais, elle reprend tout autant à son compte la conviction de la thérapie familiale qui s’intéresse non seulement à l’individu, mais aussi à son environnement, son réseau relationnel. Elle travaille donc avec les deux bouts de la chaîne : le système de la famille et le système de l’individu. Mais si elle cultive volontiers les références théoriques, Hélène Brunschwig affectionne tout particulièrement de se laisser porter par ses patients. Son approche thérapeutique est basée non sur la toute-puissance ou le savoir de l’intervenant mais sur les capacités de la personne.

 

 

Jacques Trémintin - Journal de L’Animation  ■ n°93  ■ nov. 2008