Vassileff Virginie - Pédagogie de projet

Abandonner le pouvoir qu’on a sur les autres

Virginie Vassilef est Directrice de l’Institut de la Pédagogie de Projet

Cela ne doit pas être facile de dire : « on n’a rien à vous proposer, cela va être à vous de créer votre propre formation » ?

Virginie Vassilef : On ne le dit pas d’emblée comme cela. Il y a toute une démarche préalable de mise en confiance du groupe. On recherche les échanges et on incite au dialogue multiple. Dans notre approche, le groupe joue un rôle essentiel : si la place de chacun doit être respectée, la valorisation de l’individu passe par la dynamique du groupe qui devient le lieu de l’apprentissage de l’apprentissage. Ce n’est que lorsque les conditions sont réunies qu’on va provoquer ce que nous appelons le vide institutionnel. Tant que le formateur se projette, les stagiaires s’adaptent à son projet. Quand on leur remet la propriété de l’espace temps formation, on renonce au pouvoir de savoir ce dont les gens ont besoin. On vide l’institution de tout repère adaptatif, et on place les stagiaires dans l’obligation de s’emparer de leur formation et de répondre par eux-mêmes à la question : « que voulez-vous faire de votre vie ?»  C’est un travail délicat basé sur un échange permanent et dialectique entre formateur et formé. Le formateur doit faire attention à ses propres projections et vérifier l’authenticité des projets avancés par les stagiaires. Les stagiaires, eux, vont tester le formateur pour savoir s’ils peuvent lui faire confiance et le mettent en cause dans le rôle qu’il adopte, en cherchant souvent à lui remettre le pouvoir. Pour gérer tout cela, il faut bien sûr une formation préalable.

 

Tous les publics sont-il accessibles à votre démarche ? Notamment les populations handicapées mentales ou très caractérielles ?

Virginie Vassilef : tout être humain est susceptible de bénéficier de notre approche, puisque nous centrons notre pédagogie sur la personne. Toute formation passe par l’accord préalable  sur un contrat pédagogique. Nous demandons aux personnes concernées par la formation de définir par elles même les tenants et les aboutissants de ce que nous allons faire ensemble. Cela nous permet de nous accorder à ce que souhaitent les personnes qui s’engagent avec nous. Notre démarche consiste bien à abandonner le pouvoir qu’on a sur l’autre. Nous nous refusons même à prendre des notes, et ce afin de ne pas être perçu comme celui qui juge. C’est vrai, pour l’essentiel, nous nous adressons à des travailleurs sociaux, des formateurs, des professionnels du milieu médical (cadres infirmiers, sage-femme ...). Mais rien ne s’oppose que nous fonctionnions avec n’importe quel autre public.

 

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

LIEN SOCIAL ■ n°599 ■ 29/11/2001