Buchert Dominique - Scolarité

De la pacification à la réussite scolaire

Dominique Buchert est principal du collège du Stockfeld

Lien Social : l’opération école ouverte  n’est-elle pas demander à l’Education Nationale de se transformer en super centre aéré ?

Dominique Buchert : Tout dépend ce qu’on attend de l’Education Nationale qui ne s’appelle plus Instruction Publique. Le projet de ce ministère en terme de réponse aux attentes et aux besoins des jeunes dépasse l’enseignement de la lecture et du calcul. Je me refuse à dissocier les périodes de cours, du matin, du soir ou du midi/deux, du mercredi ou du samedi ou des vacances. Ce sont des temps où l’expertise des personnels de l’Education nationale peut être mise au service des enfants, différemment. Cela fait longtemps d’ailleurs que les associations complémentaires de l’école publique tels la Fédération des pupilles de l’enseignement public, la Ligue de l’enseignement, la Fédération des œuvres laïques, les CEMEA …ont compris le lien qu’il y a entre le temps scolaire et le temps non scolaire. La philosophie qui anime cette démarche renvoie bien à la notion de globalité du temps de l’enfant. L’école ouverte s’inscrit dans cette logique et peut donc se décliner en direction de l’enfant mais aussi des partenaires. C’est en cela qu’on dépasse la dimension d’un centre de loisirs pour rentrer dans celle d’un lieu d’apprentissage où des intervenants d’horizons différents mais complémentaires apportent leur soutien et leur aide aux enfants, notamment dans le cadre des Contrats éducatifs Locaux.

 

Lien Social : L’école ouverte semble favoriser des méthodologies d’approche de l’apprentissage du savoir adaptées aux élèves en difficulté : pourquoi ne pas employer ces pédagogies tout le temps ?

Dominique Buchert : C’est la bonne question ! Le travail que nous menons dans ce collège est basé sur la recherche d’adhésion de l’élève qui doit devenir acteur de sa formation. L’école ouverte devient un outil supplémentaire pour lui redonner du sens à son apprentissage. Si nous y arrivons, l’élève est transformé et fera alors les maths et la physique des programmes officiels avec plus de conviction. L’école ouverte  démontre que la salle de classe n’est pas le seul lieu d’acquisition des connaissances. Ainsi, nous avons des professeurs qui acceptent de recevoir des élèves, en fin de journée, sur des questions que ceux-ci auraient à leur poser. On est bien ici dans une démarche volontariste : si l’élève ne vient pas, il ne sera pas sanctionné. Mais il aura là la possibilité de démontrer ses choix et sa motivation. Il reste important, que l’expertise de l’enseignant réponde à la demande des élèves. C’est la philosophie de l’école ouverte qui entre dans le temps proprement scolaire. Ce que nous voulons, c’est bien que les gamins régénèrent leur envie d’apprendre. Nous avons ainsi un atelier scientifique qui réussit à faire intégrer à des jeunes de 4ème/3ème de ZEP, âgés de 15 ans, certains points du programme de première année de DUT de physique sur lesquels certains étudiants trébuchent, c’est quand même pas mal. Récemment, des chargés de mission du ministère ont effectué ce constat au collège.

 

Lien Social : Comment expliquez-vous qu’il y ait si peu de professeurs qui s’investissent dans l’école ouverte ?

Dominique Buchert : « L’école ouverte » prend deux formes. Il y a celle qui se déroule tout au long de l’année (le soir, le samedi matin ou mercredi après-midi). Là, un certain nombre d’enseignants sont présents. C’est notamment le cas pour le montage d’un opéra en partenariat avec l’opéra du Rhin de Strasbourg, qui vous pourrez le vérifier, n’est pas au programme ! Et puis il y a l’école ouverte qui a lieu durant les petites et les grandes vacances. Je crois que l’enseignant qui a travaillé tout au long de l’année scolaire et qui a pu s’investir dans un certain nombre de projets complémentaires a besoin de repos. Il est nécessaire qu’il se repose. Il n’est pas question de remettre cela en cause. Je me réjouis que certains collègues aient choisi d’intervenir malgré tout pendant les vacances. Le fait d’avoir une autre forme de contact avec l’élève leur permet alors d’assurer leurs cours plus facilement après. Mais il n’est pas question d’une obligation. Il faut que cela corresponde à une envie de la part du prof, à une motivation.

 

Lien Social : Quelle place pour les parents dans« L’école ouverte ?

Dominique Buchert : Les parents ne sont pas intervenus dans le cadre de la formation stricte. Ils ont par contre été associés, notamment quand on a abordé l’environnement culturel. Ils sont venus par exemple pour faire découvrir la culture de leur pays d’origine ou faire pratiquer des activités culinaires. Certains parents se sont proposés de donner un coup de main dans l’apprentissage des savoirs, à partir de leur bagage intellectuel ou de leur métier. C’est une dimension qui est à l’étude et qui sera certainement mise en œuvre en 200/2001.

 

Lien Social : Si vous aviez à retenir trois résultats positifs de l’école ouverte lesquels retiendriez-vous ?

Dominique Buchert : Je dirais citoyenneté. C’est un grand mot, c’est un slogan. Mais ce que je constate c’est la transformation complète d’un certain nombre d’enfants dans le rapport aux adultes. Mon adjoint et moi, nous consacrons du temps pour eux pendant l’école ouverte. Ensuite, des élèves viennent nous dire bonjour en nous serrant la main. Nous avons pu réintroduire de la rencontre et de la reconnaissance mutuelle.

Deuxième chose, ce serait la réadhésion. Une anecdote : après l’école ouverte de Pâques cette année, 12 élèves de troisième m’ont écrit pour me demander de leur rajouter des cours sur la base du volontariat le samedi matin. Ils ne m’auraient pas demandé cela il y a trois ans quand je suis arrivé dans ce collège. Ce  n’était pas tout à fait la même atmosphère… Et cela me permet d’aborder le troisième point qui est pacification des comportements : on est revenu au respect mutuel, parce qu’on s’est aperçu que le professeur n’est pas uniquement celui qui donne des mauvaises notes ou oblige à travailler. Il est important qu’il soit perçu comme un Maître qui apporte et donne.

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

LIEN SOCIAL ■ n°539  ■ 13/07/2000