Petit Demange Jean-Claude - Scolarité
« L’école doit être aussi le lieu de l’apprentissage de la citoyenneté »
Jean Claude Petit Demange est Conseiller Général du canton où est implanté le collège du Stockfeld.Lien Social : Quel regard portez-vous, en tant que politique, sur l’école ouverte ?
Jean-Claude Petit Demange : C’est une action importante qui consiste à trouver d’autres intégrateurs sociaux par rapport à ceux qui aujourd’hui ont disparu ou ne fonctionnent plus bien. L’école ouverte constitue une innovation qui mérite d’être encouragée, car nous sommes entrés dans une profonde mutation de la société marquée notamment par une transmission de valeurs qui se fait de plus en plus mal par la famille, parce qu’elle éclatée et recomposée. L’école n’est plus seulement un lieu de diffusion des savoirs mais aussi de l’apprentissage de la citoyenneté et de la vie collective.
Lien Social : L’école ouverte montre la pertinence de faire autrement, d’employer d’autres méthodes d’approche des jeunes en difficulté que celles utilisées traditionnellement : ces pédagogies originales ne méritent-elles pas d’être généralisées ?
Jean-Claude Petit Demange : Notre école fonctionne encore de la manière dont Jules Ferry l’avait voulu. Elle doit s’ouvrir beaucoup plus sur le monde et en même temps être le lieu d’apprentissage de la vie, lieu de réalisation du pacte républicain permettant de faire des enfants des citoyens accomplis, autant de fonctions qu’elle n’avait pas auparavant, mais qui sont les siennes aujourd’hui parce que la société bouge et que les relations sociales ne fonctionnent plus de la même façon. Tout le problème de notre système scolaire c’est qu’il sélectionne par l’échec. Ce qu’il faudrait peut-être changer, c’est la maîtrise des flux, voire le recours à des discriminations positives à l’égard de certains enfants qui sont complètement largués. Quand je pense que certains collèges ont jusqu’à 60-70% d’échec au Brevet, et que certains de leurs élèves restent illettrés, cela pose un vrai problème à la société française quant à son système de formation. Je crois qu’il y a un certain nombre de déterminations à prendre pour l’avenir.
Lien Social : Justement, pensez-vous que les autorités politiques vont prendre les bonnes décisions en la matière ?
Jean-Claude Petit Demange : Je pense que ces questions sont au coeur des préoccupations des responsables. Mais, vous savez, la société française ne se réforme pas comme cela, aussi simplement. Nous sommes, en outre ,face à une grosse machine très centralisée qui ne se bouscule pas. Notre manière de réformer n’est pas bonne. Je pense qu’il faudrait plutôt commencer par des expérimentations dans des départements ou des régions qui seraient candidats et les étendre par la suite, plutôt que de faire une réforme générale de Brest à Strasbourg en passant par Pau et Marseille. Je crois plutôt à la vertu de contagion des innovations. Il faut du temps. Mais, les évolutions se feront par la force des choses. La France est un vieux pays qui fonctionne par Jacqueries, par grand acoups. Comme toujours ce qui n’était pas possible le jour même le devient le lendemain. Je crois que ce sont les hommes et les femmes qui décident de leur destin. Le jour où les français voudront que leur école s’adapte aux nécessités de leur époque, ils favoriseront cette évolution. Si nous ne le faisons pas, je crains que nous ouvrions la porte à l’enseignement privé qui, lui, a des capacités d’adaptation dans ce domaine beaucoup plus importantes.
Propos recueillis par Jacques Trémintin
LIEN SOCIAL ■ n°539 ■ 13/07/2000