Wilson Geneviève - Communication non-violente
Geneviève Wilson est psychothérapeute en Gestalt. Elle est aussi trésorière de l’Association de communication non violente France. Elle a beaucoup travaillé dans les mouvements d’éducation populaire, comme cadre régional de la Fédération des MJC et vice présidente de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes. Son itinéraire professionnel et militant (sans oublier le travail universitaire qu’elle a consacré à la pédagogie de la citoyenneté et de la participation des habitants) s’est inscrit dans une même quête : doter les individus des compétences qui leur permettent d’être des gens debout.
La méthodologie proposée par la communication non violente apparaît très simple, voir très simpliste.
Geneviève Wilson : la communication non violente est une trame qui permet de soutenir la relation. C'est simple. Cela peut paraître simpliste. Mais, c’est avant tout un support qui cherche à faire le lien avec l’autre et à trouver des solutions qui sont acceptables par chacun. Je me réjouis que tout le monde puisse s’emparer de cet outil, quel que soit son niveau culturel et social ou son âge. C’est finalement très démocratique qu’on n’aie pas eu besoin d’avoir fait des études supérieures pour pouvoir l’utiliser. Marshall Rosenberg nous a fait cadeau d’une méthode limpide qui parle à chacun d’entre nous. Vive la simplicité et vive le dépouillement qui permettent à la communication non violente de ne pas être une communication d’expert, mais un outil que tout un chacun peut intégrer dans sa vie.
Pourtant, penser qu’il suffirait de se recentrer sur ses émotions et ses besoins pour résoudre les conflits ne relève-t-il pas de la recette de cuisine ?
Geneviève Wilson : quand vous évoquez un objectif qui consisterait à résoudre des conflits, je vous réponds que la communication non violente n’est pas là pour résoudre quoi que ce soit. Notre objectif n’est pas de réduire les obstacles à la communication, en nous plaçant d’un point de vue extérieur, mais de permettre aux partenaires de la relation de s’écouter avec une qualité d’attention et de respect réciproques suffisante pour leur permettre de mener une investigation sur les besoins de l’un et de l’autre. C’est cette reconnaissance des besoins qui amènent ensuite à trouver des solutions qui soient mutuellement acceptables. A l’issue de ce processus, la demande formulée peut être entendue par les deux parties. Le cycle observation/sentiments/besoins/demande peut sembler une recette. Ca ne l’est pas pour nous. C’est un cheminement qui nous permet de nous relier à ce qui est important pour chacun d’entre nous : nourrir des besoins qui, s’ils ne sont pas suffisamment pris en compte, peuvent empêcher la relation.
Geneviève Wilson : Quand deux personnes cherchent à se rencontrer au niveau d’une relation profonde et attentive, ce n’est pas une conversation, c’est une tension pour exprimer ce que l’on est et comprendre l’autre, c’est tenter de réunir les conditions pour que la rencontre soit un moment de partage. La communication non violente permet d’être dans ce lien dans le moment présent. Elle agit sur l’ici et le maintenant. Lorsqu’une personne a vécu des épisodes douloureux, elle a encore des souvenirs, des émotions et des besoins qui correspondant à ce passé. Nous ne cherchons pas à remonter aux traumatismes archaïques au pourquoi de, mais sur ce que cette blessure vient perturber dans la relation qui se tisse sur le moment. C’est justement parce que nous sommes dans le présent que nous sommes en capacité d’identifier le besoin qui est juste et nécessaire de combler et de satisfaire à cet instant là.
Beaucoup de méthodologies aspirent à l’universalité. Est-ce le cas de la communication non violente ou y a-t-il des circonstances où elle n’est pas applicable ?
Geneviève Wilson : La communication non violente possède effectivement une dimension universelle, parce que quels que soit notre âge, notre culture, notre religion, nous partageons tous les mêmes besoins en tant qu’être humains : ceux qui sont liés à notre survie (nourriture, logement, sécurité …) et à l’interdépendance avec les autres, comme ceux qui correspondent à notre élan créateur. Ce qui nous différencie, ce sont nos stratégies pour satisfaire ces besoins. Avec souvent, la confusion entre les désirs de reconnaissance et les besoins profonds. Je ne vois pas de circonstances où elle ne pourrait pas agir : dès lors que nous arrivons à une connexion au niveau de nos besoins réciproques, nous pouvons nous rejoindre dans la même humanité.
La communication non violente peut-elle vraiment articuler des besoins et leur reconnaissance mutuelle dans les cas de guerres, de violences conjugales, de divorces conflictuels… ?
Geneviève Wilson : les exemples que vous donnez sont des passages à l’acte. Quand le conflit a déjà éclaté, c’est trop tard. La première chose à faire, quand il y a violence, c’est de protéger la vie. Ce n’est pas quand une personne en agresse une autre, que la communication non violente peut faire quelque chose. Quand Marshall Rosenberg a réussi à se faire rencontrer avec succès des Hutus et des Tutsis, des Palestiniens et des Israéliens, ce n’était pas lorsqu’ils étaient en train de s’affronter. Tout se joue en amont, dans ces comportements qui contribuent à détériorer la relation : incapacité à entrer en relation avec l’autre, tendance à le juger, à le cataloguer, à le discriminer. Il convient donc de travailler à une authentique prévention et de sortir de ce véritable désastre qui fait que les humains ne sont pas en capacité de parler de leurs sentiments. Notre éducation nous a dressés à nier ce que nous ressentons, ce qui fait que nous ne pouvons ni nous accueillir tel que nous sommes, ni avoir la compassion d’accepter l’autre tel qu’il est, dans sa différence, dans son originalité, dans sa souffrance. Il est essentiel de développer chez les enfants cette intelligence émotionnelle qui permet de bien identifier ce qu’ils ressentent et des le relier à leurs besoins.
Mais il y a quand même des besoins qui semblent irrémédiablement antagonistes. Comment arriver à les articuler ?
Geneviève Wilson : il n’y a pas de besoins antagonistes, il n’y a que des stratégies de satisfaction de ces besoins qui nous amènent à nous mettre en opposition. C’est très important de reconnaître un besoin. Quand on ne le fait pas et qu’on adopte une attitude prédatrice, l’autre a le sentiment de ne pas être reconnu comme un être humain. Quand on le fait, on peut considérer qu’il est déjà satisfait à 50 %. La communication non violente incite à la coresponsabilité : quand nous satisfaisons nos besoins, si nous le faisons au détriment des autres, nous le paierons très cher. Ce n’est pas simplement une méthodologie, c’est une spiritualité laïque qui est fondée sur la conviction que nous sommes tous reliés avec les autres êtres humains, par quelque chose de plus fort et de plus grand.
Pourtant, la conciliation et le compromis n’ont pas beaucoup de succès dans notre pays, comme le montre l’échec relatif de la médiation familiale…
Geneviève Wilson : nous ne parlons jamais de compromis. Si entre deux personnes, il y a le moindre sentiment d’avoir été manipulé ou de n’avoir pas été reconnu dans ses besoins, il restera des traces. La communication non violente, c’est un moyen de faire ensemble, de faire avec et d’accueillir complètement les besoins des uns et des autres, en évacuant les sentiments de peur, de culpabilité ou de honte qui sont des facteurs de nouvelles violences. Si vous êtes contraint de faire quelque chose, vous ne serez pas satisfait et vous le ferez payer à l’autre dans la relation. Tout au contraire, si vous atteignez la dernière étape du processus : faire une demande juste qui ne soit pas une exigence, mais qui réponde aux besoins et à laquelle on peut vraiment répondre non, vous éviterez de reconstituer un contexte potentiellement violent. Vous établirez un pont avec l’autre qui résistera à la peur et permettra le respect réciproque des valeurs profondes qui nous portent,
Comment votre méthode se diffuse-t-elle aujourd’hui ? Quels sont ses succès ses échecs et ses ambitions ?
Geneviève Wilson : La culture de notre pays est une culture de la peur et de la stigmatisation. On parle de la montée de la violence, mais on a aussi de plus en plus de mal à être avec les autres. En même temps, on prend conscience du coût que représente le fait de ne pas tenir compte de l’être humain. La nécessité de lui redonner sa place centrale est souhaitée tant par les citoyens que par les institutions. Si la communication non violente est simple à comprendre, elle est très délicate à mettre en œuvre, parce qu’elle demande une expérience et un apprivoisement mutuel. Notre association propose des formations, mais aussi des groupes de parole qui aident les personnes à faire leur gamme dans cette approche qui constitue une véritable philosophie de vie. Il y a de plus en plus de personnes qui se retrouvent pour mettre en place cette démarche à l’issue de laquelle, il y a plus de paix, plus de bonheur et plus de joie. La communication non violente leur permet d’être en phase avec leur vérité et leur puissance intérieure tout en se reliant authentiquement aux autres.
Contact : Association pour la communication non violente : 13 bis, bd Saint Martin 75003 Paris Tel : 01 48 04 98 07 Email : acnvfrance@wanadoo.fr Site : www.nvc-europe.org
Jacques Trémintin - Journal de L’Animation ■ n°70 ■ juin 2006