Le placement d’enfants et les familles - recherche qualitative sur le point de vue des parents des enfants placés
Isabelle DELENS-RAVIER, éditions jeunesse et droit, 2001, 172 p.
Universitaire en science criminologique, l’auteure nous propose ici une typologie des parents d’enfants placés qu’elle classe en trois catégories. Ce sont d’abord les parents sans prise pour qui le placement réactive leur propre histoire et qui se manifestent surtout par le repli sur soi, la fuite et l’intériorisation de leur image négative, mais aussi un total assujettissement aux intervenants. Viennent ensuite les parents contestataires qui se blindent dans une réaction d’opposition farouche les faisant refuser toute légitimité aux intervenants et entrer avec eux dans des relations conflictuelles. Dernière catégorie, celle des négociateurs dégagés : vulnérables et fragiles, ces parents s’en remettent au placement pour fournir à leur enfant ce qu’ils ne se sentent pas en capacité eux-mêmes d’apporter. Cette analyse est finalement bien vue : elle est bien présentée et bien argumentée. Toutefois, l’auteure, dans son travail auprès des familles interrogées semble avoir été particulièrement touchée par leur détresse : « le placement des enfants marque une rupture terrible : il y a la situation d’avant le placement et la situation d’après. Avant, la famille était heureuse, parents en enfants vivaient une complicité, des plaisirs partagés » reprend-elle ainsi du discours de ceux qu’elle interroge. Oh, bien sûr : « il ne s’agirait pas de diaboliser un responsable : les agents institutionnels enfermant les pauvres parents dans une position de victimes impuissantes d’un processus sociale d’exclusions » se défend-elle (p.160). Et puis, « il ne s’agit pas de se prononcer pour on contre le placement ». Mais enfin, quand même, cette mesure « est utilisée tous azimuts et répond à une série d’impératifs sociaux et institutionnels fort éloignés des difficultés familiales auxquelles elle prétend pallier » (p.156) Ben voyons ! Et de continuer sur la même veine : « on continue à croire qu’en retirant les enfants d’un milieu chaotique, on va leur permettre de mieux s’intégrer dans notre société »(p.152) C’est dans les dernières lignes que l’on comprend quel est le malentendu principal : l’auteure, en effet, y dénonce « l’idéologie des droits de l’enfant consacrant l’enfant ou le jeune comme repère unique dans l’analyse des situations » (p.159), et revendique finalement sa conviction profonde : « il faut remettre les parents au centre du débat » (p.162). Et bien, non, Madame Ravier : si tout doit être fait pour permettre à l’enfant de tisser ou retisser les liens avec ses parents, cela ne se fera jamais au détriment de sa sécurité et de son avenir. Sdi des progrès restent encore à faire pour améliorer et affiner toujours plus l’approche des professionnels dans le travail avec les familles, cela ne se fera jamais au détriment de l’enfant qui doit rester au centre de nos préoccupations.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°589 ■ 20/09/2001