Grandeur Nature ou la parole des enfants. Quinze années d’expéditions maritimes avec des jeunes
Collectif, Ed. Grandeur Nature, 30 €, 496 p.
Voilà un ouvrage dont la lecture ne peut que provoquer émerveillement et bonheur. Ce carnet de voyage regroupe des textes extraits des journaux de bord qui ont été rédigés, jour après jour, par les enfants voyageurs ayant participé aux douze expéditions de l’association Grandeur Nature. Beaucoup d’émotions et de sensations prises sur le vif, dans ces récits qui évitent des énumérations factuelles ou des comptes-rendus quotidiens fastidieux. Le lecteur est propulsé en direct dans la fascination ressentie par ces jeunes, autant que dans leurs frustrations face à la vie de groupe. Cette lecture est d’autant plus saisissante, qu’elle est illustrée par des centaines de magnifiques photos, dont la plupart présente des paysages de rêve. Reprenant chronologiquement le déroulement des neuf voyages transatlantiques organisés par l’association, depuis quinze ans, on se prend à aborder avec regret la dernière d’entre elles assurée en 2004/2005. Heureusement, le reste de l’ouvrage décline les autres croisières proposées, dont une tentative de tour du monde, relançant le plaisir de la lecture. Décidément, on ne se lasse pas de suivre ces huit adolescents et leurs quatre accompagnateurs dans leurs péripéties, à travers les mers et les îles. « Ce voyage n’est pas une coupure, car même si nous vivons dans notre petite bulle de vie au milieu de ce désert d’eau, il est une ouverture sur le monde » commente Anthony (2003-2004). Moments particulièrement intenses, quand on nage à leur côtés, au milieu des baleines à bosse sur le Banc d’Argent ou que l’on assiste, avec eux, à la ponte des tortues Luth. Épisodes saisissants, quand on les suit sur l’île à la Vache, à la rencontre de l’orphelinat et des ses cinquante pensionnaires et qu’on les voit aider à la baignade quinze d’entre eux atteints de polyhandicap. Descriptions émouvantes que celles de ces retours en famille qui marquent la fin du voyage. Elfie qui a du mal à se séparer de ses vieux vêtements troués encore imprégnés du souvenir de l’aventure. Lysianne qui trouve sa maison bien vide, sans bruit et sans vie. Benjamin qui n’estime facile ni l’atterrissage, après une telle expérience, ni les tentatives pour se remettre dans la vie quotidienne. Que de souvenirs qui les marqueront pour le reste de l’existence, que de vécus étonnants, déstabilisants et extraordinaires qui contribueront à changer peu ou prou leur vie ultérieure, que de rencontres avec des personnalités leur donnant une autre représentation de l’humanité et d’eux-mêmes … De longues pages sont consacrées à ce que sont devenus ces enfants voyageurs. « Est-ce que j’ai perdu dix mois de sa vie ? » s’interroge une maman. « Non, je lui en ai donné au contraire dix qu’elle n’oubliera jamais ».
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1079 ■ 18/10/2012