Enfants en souffrance… la honte. Le livre noir de la protection de l’enfance
RIGUET Alexandra et LAINE Bernard, Ed. Fayard, 2014, 351 p.
Complémentaire du reportage éponyme, cet ouvrage réutilise la même veine : une charge violente et sans concession. Dénonçant, à juste raison, des situations scandaleuses et cassant l’omerta qui étouffe, trop souvent, leur révélation, la réalité qu’il expose ne peut que révolter le lecteur. Qu’il s’agisse de s’en prendre à l’absence de transparence, à la carence de contrôle ou à la passivité des autorités de tutelle face aux dérapages de certaines associations ou au gaspillage de l’argent public, cela peut parfaitement s’entendre. Qu’il soit question des effets pervers des placements trop tardifs, de la trop grande charge de travail en AEMO ou du délaissement d’enfants pourtant adoptables, bien des professionnels adhèreront. Mais là, où l’on ne peut suivre les auteurs, c’est dans la confusion fréquente entre des dérives légitimement dénoncées et la stigmatisation de tout un dispositif. Toute leur démonstration s’appuie sur la présentation détaillée et précise d’une quinzaine de situations qui leur permettent ensuite de généraliser à l’ensemble du secteur les dysfonctionnements qu’ils décrivent avec brio et talent. Ont-ils raison de reprocher à la protection de l’enfance, de ne pouvoir empêcher ces abjections existantes en son sein ? C’est comme si l’on demandait à la justice de ne jamais se tromper. Ont-ils raison de la rendre responsable des échecs de certains des enfants confiés ? C’est comme si l’hôpital était accusé de ne pas réussir à guérir tous ses malades. Ont-ils raison de lui reprocher d’être une loterie, quant à la qualité de la prise en charge des enfants ? C’est comme si l’Éducation nationale devait garantir l’égale qualité de la prestation de ses 800.000 enseignants. Finalement, cet ouvrage pêche par là où il brille : à vouloir trop dénoncer, il se montre parfois réducteur, simpliste et caricatural.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1150 ■ 30/10/2014