L’affectif et la protection de l’enfance
ALLARD Christian, Ed. ESF, 2013, 139 p.
Loin des idées reçues du secteur aussi désuètes qu’obsolètes sur la « bonne distance » ou « l’affectif appartient aux seuls parents », Christian Allard nous propose ici une étude sinon exhaustive, du moins extrêmement détaillée sur la question de l’affectivité. Sémantique, philosophie, psychologie, droit, vignettes cliniques, expériences de terrain sont convoqués pour apporter un éclairage large et approfondi. L’affectif est pour tout être humain la source des relations à l’autre et le fondement de ses actes, rappelle-t-il. Du côté de l’enfant, d’abord : le lien à une personne fiable, prévisible, disponible et sensible constituent un besoin primaire, basique et premier non réductible à la satisfaction des soins physiologiques. Dès lors où il se trouve confronté à des figures d’attachement marquées par l’impermanence, l’imprévisible et l’incompréhensible, il se trouve privé de cette sécurité intérieure indispensable pour lui permettre d’apprendre à réguler ses émotions : le sentiment de peur se mue en terreur, celui de surprise en panique et celui de tristesse en désespérance. Dès qu’on lui offre une niche affective réassurante, son développement peut reprendre un cours structuré. De l’autre, il y a des professionnels : la protection de l’enfance induit chez eux des émotions et des mouvements affectifs dont la force, et parfois la violence, plonge dans l’histoire personnelle. Plus ils sont confrontés à l’enfant carencé, plus ils sont exposés aux chocs émotionnels. Pour s’en protéger, ils ont imaginé une posture de repli : désaffectiver leur relation à lui, le degré de professionnalisation étant inversement proportionnel à l’attachement. Christian Allard démontre l’absurdité et la nocivité de cette préconisation qui prive l’enfant d’un facteur essentiel à son développement : se renarcissiser, en investissant des figures de protection, d’identification et de projection.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1150 ■ 30/10/2014