Être à sa place. Parcours d’enfants placés devenus grands

LEMARE Pascale, Ed. L’Harmattan, 2018, 231 p.

Peu de travailleurs sociaux savent ce que sont devenus les enfants qu’ils ont accompagnés. Ceux qui reviennent vers eux le font rarement par rancœur ou désir de régler leurs comptes. Peut-être, parce que seuls ceux qui ont réussi leur vie osent le faire. Voilà, en tout cas, un livre qui apporte un éclairage bienvenu à travers les témoignages de vingt-trois anciens enfants placés entre 1960 et 2017, ainsi que ceux de professionnels ayant travaillé en protection de l’enfance depuis 1980. Une décision de placement vécue tantôt comme un soulagement, tantôt comme un arrachement. Des familles d’accueil se comportant souvent comme des parents aimants et sécurisants, mais faisant vivre parfois l’humiliation permanente. Il n’y a jamais deux situations identiques. La rencontre se fait souvent (parfois malgré les énormes troubles chez l’enfant), comme elle peut échouer. Il faut à chaque fois composer avec le profil de celui qui est retiré de sa famille, le degré de collaboration de ses parents, la configuration de la famille d’accueil. Le descriptif du fonctionnement de l’Aide sociale à l’enfance des années 1980 permet de mesurer le chemin parcouru. On n’en est plus à ces 150 à 200 dossiers suivis par une assistante sociale qui n’intervenait que dans les familles d’accueil où un problème se posait. Idem pour le blocage quasiment systématique d’alors face au maintien des liens avec le milieu naturel. Pour autant, une constante traverse tous ces témoignages : une fin d’accueil ressentie comme brutale et pas assez préparée, vécue tel un abandon et/ou une injustice. La qualité des liens affectifs et le tissage d’une confiance absolue envers un adulte constituent un facteur central tant pour l’équilibre du placement que pour la suite de la vie adulte de l’enfant placé.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1249 ■ 16/04/2019