Aider à vivre - Propos sur le travail social
Catherine DE BECHILLON, érès, 1998, 206 p.
Voilà un livre qui doit être lu en toute urgence par celles et ceux qui ont du vague à l’âme, qui accumulent les doutes et se demandent ce qu’ils font dans le métier d’assistant de service social. Recueil de textes écrits entre les années 60 et les années 90, on retrouve sous la plume d’une authentique professionnelle (à une époque où un peu trop de gens s’enquièrent de parler de ce qu’ils ne connaissent pas vraiment), une continuité et une cohérence qui rappelle les fondements d’un engagement qui va bien au-delà d’un simple gagne-pain. Le métier d’A.S. relevait à ses débuts d’une aide moralisante apportée à une population en difficulté qu’il s’agissait d’adapter et de mettre en conformité avec les normes du moment. La conception du travail a évolué : elle n’est plus de « faire accepter ce qui est acceptable, ni d’offrir notre sollicitude pour faire tolérer les carences de la société » affirme avec force l’auteur (p.33). EIle est ni de soigner, ni d’enseigner, ni d’éduquer, elle est d’aider à vivre. La relation d’aide engagée consiste bien à maintenir l’équilibre viable, à soutenir les forces vives, à amener la personne à se prendre en main et à se développer au mieux d’elle-même. Cela exige une invention perpétuelle même si le problème a déjà été rencontré cent fois. Chaque personnalité est à la fois unique et différente et mérite une approche particulière : « chaleureuse avec l’un, exigeante avec l’autre, distante et presque froide avec un troisième à qui on ferait peur si on montrait l’intérêt qu’on éprouve pour lui, car il est des êtres effrayés par tout autre même s’ils crient au secours » (p.36) Cela nécessite de se dégager soi-même de sa prison de préjugés, d’intolérance et de peur mais aussi de reconnaître et d’identifier les sentiments de toutes sortes qui paralysent ou stimulent ses propres conduites. Hier comme aujourd’hui, « l’envie ne nous manque pas de nous retirer quand nous n’avons rien à proposer, que les situations paraissent sans issue et que nous nous sentons inutiles ou juste bons à offrir des palliatifs. Pourtant, ces moments-là sont ceux où nous sommes les plus nécessaires. » (p.32-33) Car, le besoin d’aide n’est pas toujours calqué sur la demande. Elle n’est pas non plus nécessairement identifiée par la personne. Tout l’art du professionnel est bien alors de soutenir par sa présence, pour favoriser la poursuite du chemin pour l’usager plutôt que la soumission, l’abandon et la perte de soi-même, son efficacité dépendant toujours du potentiel de l’usager et finalement se mesurant à sa disparition et à sa capacité à se rendre inutile. « Oui, je peux vous aider, non parce que je suis investie d’un quelconque pouvoir, mais parce que vous, vous avez eu la force de venir me chercher. » (p.37) Que cela est bien dit ! Cela me donnerait presque envie de faire ce métier (si je ne le faisais pas déjà !).
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°499■ 16/09/1999