Se former au développement social local
Sous la direction de Jean-Marie GOURVIL et Michel KAISER, Dunod, 2008, 317 p.
L’action sociale et éducative héritée des trente glorieuses a toujours privilégié l’aide centrée sur le sujet, le travail social de groupe et communautaire étant resté confidentiel. Cela s’explique d’abord par la structuration jacobine et centralisatrice de nos institutions qui ne laissèrent, pendant longtemps, aucune initiative au niveau local. Il y a ensuite les mécanismes d’un l’Etat providence favorisant les prestations financière individuelles, au détriment d’une mobilisation des ressources collectives. Enfin, on peut évoquer le modèle culturel de la modernité qui propose une lecture exclusivement individualisante de la souffrance. Ces circonstances sont liées à un contexte historique donné. Aujourd’hui, de nouvelles tendances sont apparues : décentralisation, retour à la proximité, désinstitutionnalisation des problèmes sociaux, volonté de redonner leur place aux usagers. On ne peut plus se limiter au registre exclusivement psychique, le positionnement dans le contexte social et économique étant aussi perçu comme un facteur non négligeable. D’où l’éloignement des politiques sociales des logiques exclusivement liées aux seuls dispositifs et leur rapprochement des principes de mobilisation des potentialités de proximité. C’est ainsi qu’a émergé le développement social local (DSL) qui entend constituer une troisième voie entre la logique endogène et ascendante à l’anglo-saxonne (qui s’appuie avant tout sur le local, l’Etat n’étant sollicité que d’une manière subsidiaire) et la logique exogène et descendante à la française (qui compte avant tout sur les impulsions de l’administration centrale). Ce dont il s’agit, c’est bien de revitaliser tout le tissu social, par la mobilisation des politiques publiques et l’encouragement des acteurs se situant au cœur des populations. Axes principaux de cette approche : le « faire pour » cède le pas sur le « faire avec », l’usager qui doit trouver sa propre voie, le territoire comme la base du travail engagé, les logiques institutionnelles devant être dépassées au profit d’une coopération et d’un travail de réseau entre partenaires. Il n’est nullement question d’un nouveau paradigme qui en remplacerait un autre, le DSL n’évacuant pas la prise en charge individuelle qui garde toute sa légitimité. Il s’agit bien plus d’une articulation, voire d’un va et vient entre l’individuel et le collectif. Reste la question du contraste entre le volontarisme des textes officiels et leur concrétisation sur le terrain. Pour y remédier, il faudrait une formation et des compétences que les professionnels sont loin d’avoir. Mais aussi, une capacité de mobilisation dans le temps de populations bien plus préoccupées de trouver les moyens de vivre au jour le jour. Il n’est donc pas sûr que le travail social soit au rendez-vous du DSL. Puisse ce livre y contribuer.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°898 ■ 25/09/2008