Oubliez tout ce que vous savez sur les assistantes sociales, saison 6
KOWALCZUK Stella, Éd. du Net, 2023, 252 p.
Mais, au fait qu’est devenue Gwendoline Guérande, que nous avions quittée en fin de la saison 5, enceinte, sans que nous sachions qui était l’heureux père ? On l’apprendra dans les dernières pages de la saison 6. Ne comptez pas sur moi pour vous le révéler. Après tout, vous n’avez qu’à lire le livre !
Rappel des épisodes précédents. Le personnage inventé par Stella Kowalczuk est haut en couleur. C’est une assistante sociale de secteur à la fois totalement déjantée et d’une exceptionnelle combativité sur le terrain.
Sa vie privée relève d’une improbable saga aux rebondissements improbables. L’imprévu s’articule à l’aléatoire, l’insolite au surréaliste, le détonant à l’hilarant. On s’attend à peu près à tout et l’on n’est pas déçu, parce que ce qu’il advient est aux limites de l’imaginaire du lecteur moyen.
Il faut toute la créativité de l’auteure pour nous plonger dans des situations inextricables. Pourtant, son héroïne s’en sort toujours avec une élégance impudente et une habileté désarmante. Ça dépote, ça défrise, ça déménage à un rythme décoiffant.
Mais attention, ce qui pourrait apparaître au demeurant comme autant de galéjades cocasses, voire baroques sinon extravagantes joue un rôle essentiel. Alterner des respirations décalées avec des tranches de vie professionnelles particulièrement réalistes : voilà sa fonction, outre celle de nous faire nous bidonner.
Certes, le profil de Gwendoline Guérande ne plaira pas à tout le monde. Cette assistante sociale se montre rebelle, contestataire envers l’autorité et complètement acquise à son intuition. Elle est profondément attachée à la dignité humaine et la justice sociale, au respect de l’autre et à la promotion de son pouvoir d’agir.
Alors, comme dans sa vie privée, elle fonce. Elle bouscule les protocoles. Elle s’ajuste à chaque circonvolution du réel. Elle métamorphose chaque accompagnement en une rencontre unique et singulière. Elle donne libre cours à ce qui lui semble être le mieux. Elle privilégie l’alliance avec la personne accompagnée au respect des consignes institutionnelles.
Les récits de son quotidien de travailleuse sociale sont imprégnés de cet humanisme qui constitue l’ADN de cette profession. Le tragique se mêle à l’humour, le burlesque aux problématiques les plus éprouvantes. On pleure de rire dans la description de situations désopilantes, tout autant que l’on est touché par la dimension poignante de bien d’autres.
Tout y passe ! Depuis le vieux qu’on met au rebut dans un EHPAD à cette mère isolée en prise avec son enfant autiste, des violences conjugales qu’il faut accueillir à un mariage forcé d’adolescente à empêcher, d’un allocataire victime d’AVC à un réfugié russe déserteur de la guerre en Ukraine … jusque et y compris cette femme enceinte accouchant dans le bureau de l’assistante sociale.
On l’aura compris, je suis un fan de Gwendoline Guérande. Mais, à l’heure où les candidat(e)s désertent les sélections d’école de service social, n’y a-t-il pas pertinence à faire la promotion d’un livre qui permettrait -comme ses prédécesseurs d’ailleurs- de réalimenter la pompe à recrutement de ce beau métier.
L’art et la manière en 252 pages d’en démontrer tous les attraits mérite un coup de projecteur ! Combien cette profession d’assistant de service social peut-elle, tour à tour, affecter tout autant qu’il fait si souvent rire ? Combien peut-elle produire de découragements, mais tout autant nourrir aussi tant d’espérance ? Combien peut-elle décevoir, mais aussi donner tant de sens à son engagement ? Combien peut-elle se heurter à la bêtise humaine, mais redonner autant d’espoir dans la solidarité, l’entraide et la fraternité ? Les réponses à toutes ces questions se trouvent dans ce livre à ne pas rater !