Le premier entretien dans la relation d’aide. Comment travailler sur les limites?

WEBER Philippe, Éd. Chronique Sociale, 2019, 128 p.

L’avantage du manuel de bonnes pratiques rédigé par Philippe Weber, c’est qu’il fournit de nombreuses références conceptuelles d’autant plus précieuses qu’il ne s’agit pas, pour un professionnel, de réinventer le fil à couper le beurre, chaque matin. Il peut avec grand bénéfice s’appuyer sur ce qui a été pensé, élaboré et testé avant lui.

L’inconvénient de cette approche est d’enfermer le praticien dans un carcan qui ne lui permet plus d’appréhender la complexité de la relation humaine. La simplification, que proposent alors les procédures et les protocoles proposés, présente le risque de vouloir abolir l’énigme que représente toujours autrui face aux tentatives pour la percer à jour.

Cet ouvrage cultive les deux registres offrant à la fois des références très utiles, mais se montrant bien plus rigide à d’autres moments.

Commençons par les belles ressources mises en exergue. Il apparaît essentiel de savoir distinguer dans la communication professionnelle entre le langage digital (le verbal), le paraverbal (ton, intonation, débit …) et le non verbal (gestes, postures, mimique …). Tant il est vrai que le message transmis par l’usager ou l’intervenant lui-même se manifeste sous ces diverses formes. Ce qui se dit peut entrer en contradiction avec ce qui se lit sur le visage et le positionnement de son interlocuteur. La dimension cachée théorisée par T. Hall est aussi rappelée avec pertinence : toute relation d’aide doit tenir compte d’une proximité physique qui peut s’avérer intrusive, dès lors qu’elle pénètre dans la bulle intime d’autrui (d’un diamètre de 40 cm).

Le décryptage qui est fait ici de l’urgence constitue aussi d’utiles repères pour ne pas se perdre dans une précipitation potentiellement stérile.

Enfin, parmi les précieux conseils dont on pourra tirer profit, il y a aussi le rappel que la bonne relation n’est pas le but en soi et que se confronter peut s’avérer utile, ne signifiant pas pour autant rompre le lien. Ou encore que la métacommunication permet de faire le point sur ce qui est en train de se tisser dans la relation, là où la technique de reformulation limite les risques d’incompréhension réciproque. Tout cela est d’une grande pertinence.

Mais bien d’autres propos tombent comme un couperet doctrinal, sans aucune nuance ni prudence. Ainsi, quand l’auteur affirme d’une manière péremptoire que la visite à domicile présente peu d’avantages (?), que ne pas préparer son entretien mène toujours à l’échec (??), qu’il faut éviter l’excès de confiance et prendre ses distances (???), sans oublier le temps d’attente de trois à quatre semaines à fixer lors d’une première demande de rendez-vous, permettant au client de mûrir sa demande (????) !

Autant de convictions que l’on peut tout à fait proférer. Mais de là à prétendre à la vérité relève quand même d’une légère tendance au dogmatisme. Ce qui ressort quand même de la manière dont tout cela est asséné. Car, on peut aussi considérer que se rendre sur le territoire les usagers permet de relativiser la toute-puissance de l’intervenant ; qu’aborder le rendez-vous avec seulement ce qu’on a décidé d’aborder peut rendre sourd à ce que la personne veut nous dire ; que cette défiance conseillée peut casser d’emblée la mise en relation ; et que supposer d’emblée que le client n’a pas de demande claire à formuler relève quand même d’un certain mépris à son égard. Mais toutes ces objections justifient pleinement qu’on les discute à leur tour. Toute préconisation, quelle qu’elle soit, se doit d’être relativisée, contextualisée et toujours ajustée aux circonstances.