Secondes chroniques d’une assistante sociale en milieu médico-social

Maurey Christine, Éd. L’Harmattan, 2023, 95 p.

En 2016, paraissait le premières chroniques de Christine Maurey. Notre collègue récidive, pour notre plus grand plaisir.

Assistante sociale au sein d’un établissement médico-social accueillant des enfants porteurs d’un handicap sensoriel, elle nous y décrivait son quotidien face à la problématique de cette déficience. L’occasion, alors, de commenter ses vingt-cinq ans d’expérience à ce poste.

Aujourd’hui, l’auteure est retraitée. Elle a quitté son service sous les applaudissements de ses collègues et des enfants. Départ émouvant qui a peut-être stimulé son envie de plonger une (ultime ?) fois dans quarante ans d’une carrière bien remplie. Au moment de ranger ses affaires et d’en jeter d’autres, elle porte un regard nostalgique sur tant de visages, de situations et de familles croisés.

Ce trèfle à quatre feuilles qui lui fut donné, par Idir. L’enfant, psychotique qui passait son temps à en chercher … et il en trouvait beaucoup. Cette petite Elodie qui lui dit un jour : « moi je sais que tu fais … tu défends moi ! ». Mais aussi cette citation, parmi toutes celles qu’elle accrochait au mur de son bureau : « on n’est jamais aussi grand qu’à genou devant un enfant » (Einstein)

Des ratés et des regrets, mais aussi des réussites et des fiertés l’ont accompagnée. Il y aurait tant à dire. Ce qu’on aurait dû voir. Les maladresses qui auraient pu être évitées Un signalement malveillant … un autre qui se sera avéré trop tardif. Mais aussi, tant de satisfactions face à tous ces enfants pris en compte dans leur singularité et leur diversité. Tous ces combats menés jusqu’au bout et gagnés. Toutes ces belles histoires avec des familles.

Et puis il y a cette satanée institution arcboutée sur une règlementation parfois en porte-à-faux avec l’humain. Ce décalage se manifestera d’autant plus à l’occasion du confinement de la COVID. « Un établissement, c’est plein de petites éminences grises qui font le vent, soufflent sur les braises, attisent ou calment les tensions en fonction, non pas de l’intérêt du bateau, mais de leurs propres intérêts » dénonce l’auteure avant de constater aussitôt, avec honnêteté et lucidité : « je faisais partie de ces petites éminences grises »

Mais, Christine Maurey n’a pas a écrit ce court récit pour éclairer sa seule fonction. Son coup de projecteur est aussi dirigé vers les professionnels qu’elle a côtoyés et à qui elle tient à rendre hommage. A l’image de Marie-thé, l’Aide à la vie journalière qui accompagne la malvoyance en travaillant avec l’enfant sur la locomotion et le toucher, le temps et le langage, les sensations et le jeu, sans oublier le goût. Mille et une chose du quotidien à tricoter pour favoriser l’insertion dans le monde des voyants.

Son style littéraire à la première personne est relayé par la parole donnée fictivement à Arlette, entraperçue lors d’un journal télévisé. Que penserait cette vieille dame qui tient à plus de 90 ans le café de son village, des situations évoquées dans le livre ? Une manière élégante de boucler la boucle pour une Christine Maurey expliquant se sentir « riche de tout ce que j’ai vécu, riche de tout ce que j’ai appris des autres ».