S’il te plaît, ne m’aide pas! L’aide sous injonction administrative ou judiciaire

Guy HARDY et all, érès/éditions Jeunesse et Droit, 2001, 136 p.

Avec un tel titre, les auteurs avaient intérêt à ne pas nous décevoir. Pari gagné : cet ouvrage est littéralement passionnant. Il s’abreuve à la source de la systémie dont il nous rappelle brièvement les notions essentielles avant de décrire une méthodologie d’une grande pertinence. Car, s’il est bien une gageure, c’est d’essayer d’aider quelqu’un qui n’est pas demandeur. La plupart des psychothérapies considèrent que le libre arbitre et la prise de conscience par le sujet de son problème sont les conditions sine qua non de tout changement réussi. De ce fait, les situations d’aide sous contrainte sont le plus souvent des échecs. Le problème se pose ainsi : « Je veux que tu changes, mais ne te changeras que si tu le veux, donc je veux que tu veuilles te changer. » Une telle injonction paradoxale a toutes les chances de s’enliser dans les marécages du double lien. L’usager a trois possibilités : soit le refus ou le replis, soit l’adhésion. Et la troisième qui complique tout : laisser apparaître une adhésion fictive afin de stratégiquement manipuler tout le monde. L’intervenant n’a aucun moyen de distinguer la seconde de la troisième alternative.

De nombreuses tentatives ont été faites de favoriser soit l’aspect contrainte, soit l’aspect aide. Sans grand succès. Ce que proposent ici les auteurs, c’est bien de créer des espaces où il serait possible de produire des marges de manœuvre permettant de se dégager du paradoxe. Non pas le nier, ni l’éviter, mais (r) user avec lui pour faire émerger d’autres possibles. Plutôt que de se centrer sur le problème et sa genèse, la systémie insiste sur le jeu relationnel qui conditionne celui-ci. Confronté à la difficulté de faire changer un sujet, l’intervenant se propose alors, non pas d’inventer de nouvelles règles du jeu, mais de s’utiliser soi même pour expérimenter avec d’autres, un autre jeu relationnel. Tout système cherchant avant tout à préserver son équilibre, le changement est freiné car perçu comme menaçant. Mais, au-delà d’un certain seuil d’instabilité, ce même système ne va pas tant chercher à retourner à son état précédent que d’essayer d’en établir un nouveau qui garantira une nouvelle stabilité. Rencontrant un usager contraint à changer, il s’agit dès lors non pas de chercher à le faire bouger à partir de motivation internes, mais de considérer le changement comme le problème de la personne envoyeuse. L’injonction de contenu doit devenir contenante : « Comment va-t-on faire pour satisfaire la personne qui vous envoie ? » Tel est en quelque sorte le défi lancé à l’usager. D’où la nécessité de clarifier la commande (au besoin en allant la repréciser auprès de celui qui l’a émise). L’ouvrage propose de nombreuses vignettes cliniques illustrant cette méthode qui semble porter ses fruits, même si l’avant-propos met en garde contre toute illusion à vouloir les reproduire tel quel.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°596 ■ 08/11/2001