Cours aux éducateurs
François TOSQUELLES, Champ Social, 2003, 118 p.
Nous sommes en 1965-1966, au sein de l’Ecole d’éducateurs de Saint-Simon à Toulouse. François Tosquelles prononce six causeries. Sa réputation est déjà grande en tant que l’un des fondateurs de la psychothérapie institutionnelle. Le texte de ses interventions vient d’être réédité. Tous les lecteurs soucieux d’entendre ce que disent les enfants, de savoir ce qu’on leur dit et d’évaluer la portée des actes éducatifs qui sont posés trouveront ici, source d’inspiration. L’auteur y défend l’idée, courante aujourd’hui, mais révolutionnaire alors, qu’il faut renoncer à examiner chaque chose, l’une après l’autre, en commençant par la principale, comme on nous l’a appris. Il revendique une vision structurelle de l’homme qui ne peut être atomisé et doit être perçu dans sa globalité et non en parties séparées. Ainsi, explique-t-il, son fonctionnement ne peut se concevoir à partir de la seule réalité biologique. Vient s’y articuler la dimension de l’inconscient qui n’est pas « la boite noire interposée entre l’émetteur et le récepteur (...) il n’existe nulle part, il est partout e à tout moment, donnant forme plutôt que connaissance, informant par-dessous nos actes et nos comportements » (p.24). Répondant à une question sur le caractère symbolique de l’acte d’un enfant, il évoque la différence entre le signal (qui ne suscite aucune représentation mais provoque simplement une réaction automatique) et le langage qui fait entrer l’enfant dans la sphère du symbolique (de par la fonction médiatrice qu’il permet entre lui et les autres). Et d’inciter les éducateurs à être à l’écoute de ce qui fait signe. L’entrée dans le symbolique est la caractéristique même du processus d’humanisation. Et il revient aux parents, rappelle-t-il, d’avoir à apporter certes l’aide matérielle nécessaire au développement et à la socialisation, mais aussi ce sentiment de sécurité et de joie qui permet de répondre à l’angoisse de morcellement de l’enfant. C’est progressivement que peut se tisser alors la trame du psychisme, au travers de l’entrecroisement des identifications imaginaires et de la confrontation à l’autre objet de la projection. Et ce, par l’introduction du père dans la relation fusionnelle à deux entre l’enfant et sa mère. « Ce qui est catastrophique, c’est que la mère n’introduise pas le père dans sa parole, comme il arrive parfois, hélas » (p.65) affirme-t-il alors d’une manière prémonitoire. Et de conseiller à l’éducateur d’éviter le piège qui consisterait à capter l’enfant dans une relation duelle, en miroir. Il doit introduire une tierce personne pour ne pas l’enfermer dans une image ou un modèle réducteur. Décidément, l’ouvrage nous ramène à la même conclusion : nous travaillons sur des actes de parole.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°674 ■ 17/07/2003