Intervenir en milieu ouvert

Gabrielle et Johanne LAROCQUE, Chronique Sociale, 2003, 124 p.

Le principal outil de l’intervenant en milieu ouvert, c’est sa personnalité, affirme d’emblée les auteures de cet ouvrage qui nous vient du Québec. L’amour des enfants constitue la pierre angulaire de toute intervention de qualité, récidivent-elles : se sentant aimés, ceux-ci accepteront d’autant mieux l’action du professionnel. Sans le savoir-être, le savoir et le savoir-faire sont inutiles, continuent-elles ! Tenir de tels propos à des travailleurs sociaux à qui on a seriné, des années durant, la nécessaire prise de distance affective face aux usagers est risqué, mais combien proche de notre quotidien : «  nous laisserons le temps à l’autre de nous apprivoiser, nous découvrir, nous apprécier et nous ferons tout autant de notre côté » (p.59) Eh oui, c’était finalement si simple de le reconnaître. Et les auteures de décliner toute une série d’ingrédients venant conditionner la réussite de la démarche d’aide. Il y a d’abord ce qui constitue le fond de sauce : la présomption de compétence. Dire à l’enfant qu’on croit en lui, considérer ses parents comme de précieux collaborateurs et le milieu dans lequel vit la famille comme un terreau fertile, mais aussi (last but not least) croire dans ses propres capacités d’intervenant. Ensuite vient une bonne poignée d’authenticité : être sincère, naturel, vrai, camper sur ses valeurs car s’autoriser à être humain, c’est autoriser l’autre à l’être aussi. Puis, on ajoute un bon verre de curiosité professionnelle : c’est l’étincelle qui donne le goût de chercher et de comprendre les choses et les gens. Rajouter une poignée de capacité d’adaptation (permettant de se placer en harmonie avec l’environnement, les personnes et les circonstances), une quantité suffisante d’ouverture d’esprit (accepter d’être heurté dans nos valeurs, apprendre à transcender les apparences et à voir plus loin, à être réceptif à ce qu’est l’autre dans ses forces et ses faiblesses), sans oublier un pincée de sens de l’humour (ce qui permet de dédramatiser les situations explosives) et de créativité (l’art de construire à partir de rien). En mélangeant le tout avec un bain de parole accessible à l’autre (il faut parler pour être compris), on obtient un professionnel qui devrait réussir à agir au sein des familles. Pourtant, même si on respecte toutes ces proportions, il est fréquent que des attentes réciproques viennent perturber quelque peu les relations. La famille voit parfois le professionnel comme un sauveur. Mais, il arrive aussi qu’elle l’accueille avec scepticisme. Ou bien, elle attend surtout de lui qu’il la déculpabilise. Elle peut enfin être dans une demande d’urgence absolue. Le professionnel n’est pas pour autant quitte face à la famille : il a parfois une foi démesurée dans son pouvoir salvateur ou peut être convaincu de la possibilité de réaménager rapidement le quotidien et de modifier tout aussi promptement la dynamique familiale. En fait, pour qu’une relation soit saine, il faut qu’elle soit en évolution constante. D’où l’importance d’éviter la routine. Si l’intervenant doit se montrer disponible, solide et fiable, son action ne saurait aller au-delà de trois ans d’affilés, au risque de voir toutes les facettes de son talent s’épuiser. Malgré l’aspect un peu recettes, voilà un manuel simple, didactique et intelligent à la portée du débutant mais très instructif aussi pour le professionnel expérimenté.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°672 ■ 03/07/2003