La petite graine et le jardinier - Eduquer, c’est possible

Jacques DESBOIS, éditions Mutine, 1999, 155 p.

Que font la plupart des éducateurs arrivant en fin de carrière et partant à la retraite ? Ils se replient sur leur vie privée, se consacrant à leur famille, bien décidés à enfin profiter d’un repos bien gagné. Il ne viendrait à personne l’idée de le leur reprocher. Une vie entière consacrée à aider les autres, cela justifie bien qu’on leur lâche enfin la grappe ! Pourtant,  une telle expérience accumulée mériterait mieux que cet effacement programmé. En Afrique, un proverbe affirme qu’un vieillard qui disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle. Un professionnel qui a exercé pendant des décennies et qui n’en laisse aucune trace, c’est autant de traités de psychopédagogie qui ne seront jamais écrits. Certes, tous n’ont pas la plume légère et l’aptitude à rédiger leurs mémoires. Mais, c’est quand même bien dommage. Aussi, est-ce avec plaisir que nous présentons ici l’écrit de jacques Dubois. Ce n’est pas là une contribution révolutionnaire à la profession. Juste des propos d’une grande justesse de quelqu’un qui s’est coltiné 40 ans durant des gamins en grande difficulté et qui leurs a apporté -si l’on s’en tient aux principes pédagogiques qu’il défend- les meilleures armes pour s’en sortir dans la vie. Si l’action de l’éducateur est relative explique l’auteur (le jeune passe 83 fois plus de temps avec d’autres personnes qu’avec lui a-t-il même calculé), il n’en porte pas moins la responsabilité de l’avenir de celles et ceux qui lui sont confiés. La personne la plus importante de la relation éducative est, continue-t-il, celle qui est en souffrance. Voilà pourquoi la première chose que le professionnel doit apprendre, c’est de se taire et d’écouter. La seconde est bien d’élaborer des réponses qui s’adressent aux causes et non aux effets, qui respectent la personne et surtout qui créent une dynamique incluant l’usager. Jacques Desbois rappelle en quoi l’éducatif navigue entre le Charybde du laisser-faire et le Scylla d’une trop grande discipline, l’une et l’autre débouchant sur l’irresponsabilité. Il insiste sur l’importance de partir non des déficiences et des manques, mais sur les progrès réalisés et les efforts entrepris : c’est la base permettant de développer une relation faite d’empathie, de dialogue et surtout de confiance. « Il n’y a rien de plus fragile que le capital confiance que le jeune peut vous apporter » (p.58) Les pire des parents sont ceux qui savent et ont la science infuse. Les plus efficaces sont ceux qui se posent des questions et sont en recherche perpétuelle de la meilleure réponse à apporter. Cela est aussi valable pour les enseignants comme pour les éducateurs.  Cet ouvrage fourmille de bien d’autres petites phrases construites au fil du temps comme aboutissement d’une vie d’expérience. A lire et à relire sans modération.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°521  ■ 02/03/2000